Blockbusters vertigineux, pépites radicales ou animation bouleversante : le cru cinéma 2025 a tenu toutes ses promesses, et bien plus encore. De Paul Thomas Anderson à Brady Corbet, la rédaction de L’Éclaireur vous livre sa sélection des meilleurs films de l’année.
Dresser le bilan d’une année de cinéma, c’est un peu comme essayer de faire entrer un plan-séquence de 3 heures dans une story Instagram : c’est un crève-cœur… mais il faut s’y plier. 2025 aura été une année cinéma particulièrement généreuse.
Cette année, les salles obscures ont vibré au rythme d’un éclectisme rare. Nous baladant sans transition de la Louisiane ségrégationniste de Ryan Coogler aux plaines polonaises de Jesse Eisenberg, des routes de l’Amérique divisée de Paul Thomas Anderson aux montagnes marocaines de Sirat, 2025 nous a offert un tour du monde cinématographique aussi radical qu’émouvant.
Voici les Tops coups de coeur ciné 2025 de l’équipe de L’Eclaireur.
Catherine, responsable édito
Sirāt de Oliver Laxe
Cela commence par un déluge sonique et se clôture par un coup de massue. Sirāt est ce que l’on appelle une « expérience », de celles qui décontenancent, étourdissent et terrassent. En suivant la quête éperdue d’un père (Sergi López) et de son fils au cœur des montagnes marocaine, escortés par une bande de ravers perchés, le jeune réalisateur franco-espagnol Oliver Laxe signe un road-movie psychédélique qui se mue en drame nihiliste. Un choc visuel et viscéral, qui cloue littéralement au siège.
Une bataille après l’autre de Paul Thomas Anderson
Avec Une bataille après l’autre, le génial Paul Thomas Anderson entremêle joyeusement comédie, action et satire politique dans un périple frénétique à travers l’Amérique divisée. Le casting est dantesque – avalanche de trophées annoncée pour Leonardo DiCaprio, Sean Penn et Benicio del Toro -, les dialogues jubilatoires et le propos acide. La mise en scène virtuose se met au service du grand écran, offrant un pur moment de cinéma – la course-poursuite finale, magistrale, s’impose déjà comme un moment d’anthologie. Une nouvelle preuve que « PTA » est l’un des plus grands.
Black Dog de Guan Hu
Bien loin de sa super-production La Brigade des 800 – l’un des plus gros cartons du cinéma chinois de tous les temps – le réalisateur Guan Hu nous a cueilli.e.s avec Black Dog. Car cette très belle histoire d’amitié entre un ex-taulard (Eddie Peng) et un chien abandonné touche en plein cœur.
À la fois western contemplatif et conte politique, le film ausculte les marges d’un pays déboussolé qui vacille entre traditions et modernité dévorante. Une ode sensible aux laissés-pour-compte et aux existences cabossées.
Lisa, cheffe de rubrique culture
The Brutalist de Brady Corbet
Brady Corbet signe avec The Brutalist un film monumental sur le poids de l’art et la désillusion du rêve américain après la Seconde Guerre mondiale. Porté par un trio d’acteurs remarquables (Adrien Brody, Felicity Jones et Guy Pearce), le film s’impose aujourd’hui comme un chef-d’œuvre du cinéma contemporain.
Film-fleuve de 3h35 avec un entracte, The Brutalist est une véritable expérience cinématographique et un long-métrage aussi radical que beau dans lequel on suit László Tóth, un architecte hongrois rescapé de la Shoah, venu tenter sa chance aux États-Unis.
Une bataille après l’autre de Paul Thomas Anderson
Une bataille après l’autre a créé l’événement au moment de sa sortie. Tout en signant le retour de Leonardo DiCaprio au cinéma, devant la caméra de Paul Thomas Anderson, le film présente une aventure américaine rocambolesque dans laquelle Bob Ferguson – un ancien révolutionnaire désabusé, incarnation du Dude moderne de The Big Lebowski – tente de retrouver sa fille Willa alors que son ennemi juré, le colonel Lockjaw (l’impeccable Sean Penn) est de retour.
À la fois film d’action et long-métrage intime sur la transmission, Une bataille après l’autre est une œuvre moderne sur une Amérique fracturée. Un road-trip engagé, émouvant et drôle.
La voix de Hind Rajab de Kaouther Ben Hania
Définitivement l’un des films les plus marquants de 2025. Après avoir remporté le Lion d’argent à la Mostra de Venise, La voix de Hind Rajab a bouleversé le monde entier. On y suit les bénévoles du Croissant-Rouge palestinien lorsqu’ils reçoivent l’appel d’une fillette de six ans prise sous les tirs israéliens à Gaza.
Basé sur les véritables appels de la petite Hind, aujourd’hui décédée, le film plonge le spectateur dans un huis clos intense sans montrer directement la violence à Gaza. Un docu-fiction qui mêle colère et impuissance ; une œuvre engagée qui permet surtout de lutter contre l’oubli à l’heure du conflit israélo-palestinien.
Lucile, rédactrice Fnac.com
Sinners de Ryan Coogler
Dans l’Amérique ségrégationniste des années 1930, deux frères jumeaux retournent dans leur ville natale du Sud profond pour repartir à zéro. Cherchant à fuir leur passé trouble, ils verront leur nouveau départ être ralenti par une menace ancestrale que nul ne semble pouvoir contrôler.
Véritable bijou cinématographique, où la photographie transforme la campagne louisianaise en un huis clos étouffant, Sinners brille par sa maîtrise formelle. En tête d’affiche, Michael B. Jordan nous livre une double performance viscérale, naviguant entre vulnérabilité et rage pure. Un jeu incandescent à l’image de celui de la magnétique Hailee Steinfeld. Une claque cinématographique qui redonne vie au mythe du vampire.
Mémoires d’un escargot de Adam Elliot
Grace Pudel, collectionneuse compulsive d’escargots, trouve refuge dans sa coquille face aux tragédies de sa vie. Séparée de son frère jumeau dès l’enfance, elle navigue dans un Canberra grisâtre jusqu’à sa rencontre avec Pinky, une octogénaire excentrique qui lui permet d’embrasser l’existence.
Il est rare qu’un film d’animation touche aussi profondément. Traitant du deuil et de la solitude avec une tendresse infinie, Mémoires d’un escargot est d’une humanité désarmante. Adam Elliot signe ici une œuvre en stop-motion d’une minutie artisanale. Son esthétique « pâte à modeler » renforce l’aspect tangible et fragile des émotions. Une œuvre qui nous rappelle que le cinéma d’animation peut aussi émouvoir les adultes.
Bugonia de Yórgos Lánthimos
Deux jeunes hommes – dont Jesse Plemons tout en fébrilité – persuadés que la PDG d’une grande entreprise est en réalité une extraterrestre venue détruire la Terre, décident de la kidnapper pour sauver l’humanité. Une mission de sauvetage conspirationniste qui dérape rapidement vers un huis clos psychologique où la frontière entre folie paranoïaque et réalité devient de plus en plus floue.
Avec ce remake du film sud-coréen Save the Green Planet!, Yórgos Lánthimos confirme qu’il est le maître incontesté du malaise jubilatoire. Sa fable, mi-drôle, mi-déroutante, ne nous laisse aucun répit – en témoigne son grand final. Emma Stone, oscillant entre victime et prédatrice, nous livre, pour sa cinquième collaboration avec le cinéaste, une performance tant physique que cérébrale. Bugonia : du grand cinéma d’auteur, étrange, radical et absolument fascinant.
Pauline, rédactrice Fnac.com
Touch – Nos étreintes passées de Baltasar Kormákur
À 73 ans, Kristofer, un chef cuisinier veuf, se remémore son passé. Lui reviennent notamment les souvenirs de son amour de jeunesse, Miko. Bien décidé à retrouver cette femme, il brave la pandémie qui sévit dans le monde et s’envole pour Londres, là où il l’avait rencontrée cinquante ans plus tôt, dans un petit restaurant japonais.
Librement adapté d’un roman d’Olafur Johann Olafsson, Touch est une merveille de sensibilité injustement passée inaperçue. Ce drame romantique nous entraîne dans un sublime voyage à travers le temps et les lieux, du Londres des années 60 au Japon de l’ère Covid, en passant par l’Islande. Portée par une photographie lumineuse sublimant les contrastes entre teintes froides et nuances brunes, cette quête d’amours perdues n’est pas sans rappeler la nostalgie de Past Lives de Celine Song (2023). Une œuvre infiniment délicate sur la mémoire intime aussi bien qu’historique.
Partir un jour de Amélie Bonnin
Alors qu’elle s’apprête à réaliser son rêve en ouvrant un restaurant gastronomique à Paris, Cécile est contrainte de retourner dans son village natal au chevet de son père, victime d’un infarctus. Dans cet univers familier, autrefois sien, tout bascule lorsqu’elle recroise Raphaël. Ce béguin d’adolescente réveille des sentiments enfouis, faisant vaciller ses certitudes et questionner ses choix de vie.
Adaptant son propre court-métrage, Amélie Bonnin livre avec Partir un jour une quête identitaire douce-amère. On y retrouve une Juliette Armanet pleine de charme, affrontant ses doutes, et un Bastien Bouillon justement mélancolique. Des grands classiques de la chanson française savamment repris illustrent avec brio les non-dits et la complexité des relations humaines, passionnelles comme familiales. Un film musical habilement pensé et touchant.
A Real Pain de Jesse Eisenberg
Afin de rendre hommage à leur grand-mère juive décédée, David et Benji, deux cousins américains, se rendent en Pologne. S’ils en apprennent davantage sur leur passé commun, ce pèlerinage familial vire à l’épreuve : aux tensions de leurs tempéraments diamétralement opposés s’ajoute la gravité des sites historiques qu’ils arpentent.
À la fois devant et derrière la caméra, Jesse Eisenberg laisse ici toute la place à un Kieran Culkin exubérant, aussi marrant que sensible. Sous l’allure d’un road-movie, A Real Pain réunit un duo antithétique autour d’un deuil partagé, mais ressenti et exprimé différemment. Une comédie dramatique poignante qui, bien qu’elle prête parfois à sourire, interroge le devoir de mémoire, l’héritage et les traumatismes transgénérationnels.
