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Le top des romancières qui ont masqué leur identité

29 juin 2020
Par Juliette1
Le top des romancières qui ont masqué leur identité
©dr

L’entrée des femmes en littérature est confirmée au XVIIe siècle, lorsque naît la notion de « femme de lettres ». Cette entrée s’est faite par la petite porte, puisque de nombreuses auteures ont eu recours à un pseudonyme pour signer leurs écrits, voire les ont publiés de manière anonyme. Censure morale, volonté d’être prise au sérieux, ou encore protection de la vie privée, ce choix éditorial n’en a pas toujours été un.

Les Britanniques

Parmi les plus grandes auteures de la littérature anglaise figure l’illustre Jane Austen (1775-1817), qui a publié son premier roman, Sense and sensibility (Raison et sentiments) en 1811 de manière anonyme. Le roman a été signé « by a lady », car elle souhaitait insister sur le fait qu’elle était une femme, sans pour autant créer le scandale, les mœurs de sa condition sociale interdisant aux femmes de signer de leur nom un objet destiné à la vente. En dépit de l’anonymat, son second roman, Pride and prejudice (Orgueil et préjugés), qui critique la bonne société anglaise, connut un écho retentissant. Les thématiques que Jane Austen aborde lui permettent de dénoncer la dépendance des femmes à l’égard du mariage pour obtenir un statut social et une sécurité économique.

La famille britannique qui a donné le plus de chef d’œuvres à l’Angleterre fut bien sûr celle des Brontë. Charlotte (1816-1855), Emily (1818-1848) et Anne (1820-1849) sont les sœurs les plus célèbres de l’histoire de la littérature. Jane Eyre et Wuthering Heights (Les Hauts de Hurle-Ventsont des romans qui ont profondément marqué l’époque victorienne, dont les mœurs austères ne laissaient pas présager la naissance de telles œuvres d’imagination. Toutes trois ont signé leurs ouvrages sous pseudonyme, respectivement : Currer Bell, Ellis Bell et Acton Bell. C’est la menace de discrédit et la peur d’être jugées avec méfiance qui a poussé les sœurs à masquer leur identité. Jane Eyre tout particulièrement illustre une volonté d’affirmation de la femme par-delà les conditions sociales et le genre. 

Celle qu’on appelle la plus grande auteure de l’époque victorienne n’est autre que Mary Ann Evans, qu’on connait mieux sous le nom de George Eliot (1819-1880). Parmi ses œuvres les plus célèbres se trouve Middlemarch, un roman foisonnant d’intrigues et de détails réalistes qui ont fait son succès. Connu pour mener une vie dissolue, Mary Ann Evans vit au grand jour une relation avec un homme marié qui pratique l’union libre. Elle fréquente les cercles littéraires anglais et se démarque par sa grande indépendance. Le choix du pseudonyme, là encore, repose sur la volonté d’être considérée de la même manière que ses confrères, et de ne pas subir un a priori lié à son sexe, déprécié pour être à l’origine de romans sentimentaux.

Les Françaises

Malgré un XIXe siècle marqué en France par les luttes sociales, la structure de la société demeure figée, et les mœurs peinent à s’assouplir. Amantine Aurore Lucile Dupin (1804-1876), alias George Sand, a contribué à décrier la rigidité de la société. Par ses relations amoureuses multiples et son habit masculin, elle a fait scandale et a connu de nombreux détracteurs, suscitant souvent des remarques mysogines. Mais par son talent en tant que romancière, dramaturge, journaliste, critique littéraire, et ses positions féministes d’avant-garde ou encore par son soutien à la cause ouvrière, elle a profondément influencé la vie culturelle foisonnante de l’époque. Son amie Marie d’Agoult (1805-1876) a d’ailleurs été sensible à son rayonnement, puisqu’elle a également choisi le pseudonyme masculin de Daniel Stern pour signer ses écrits, dont le plus célèbre est un roman d’inspiration autobiographique intitulé Nélida. Dans les romans de Sand, comme François le champi ou La Petite Fadette, l’auteure s’est fortement inspirée de son enfance dans la campagne du Berry. Pour elle, l’utilisation d’un pseudonyme n’a pas vocation à masquer sa véritable identité, qu’elle revendiquait avec vigueur, mais s’inscrit dans la démonstration qu’une femme peut tout faire comme un homme si elle le souhaite, il en va de même pour le vêtement.

Le prix Goncourt, prix de littérature française par excellence, a été attribué à une femme pour la première fois en 1945. Il fut remis à Elsa Triolet (1896-1970), aussi connue sous le pseudonyme de Laurent Daniel, pour son recueil de nouvelles Le Premier Accroc coûte 200 francs. Née à Moscou, elle se passionne pour la poésie et fréquente les cafés qui l’introduisent dans le cercle littéraire russe. Ses talents pour l’écriture sont très vite remarqués par de grands noms de la littérature révolutionnaire russe. À Paris elle rencontre Louis Aragon avec qui elle vit une histoire d’amour qui durera jusqu’à leur mort. Ensemble, ils entrent en Résistance dans la zone Sud durant la Seconde Guerre mondiale et font publier des journaux engagés. Elsa Triolet fut la muse d’Aragon, elle lui a inspiré plusieurs recueil de poésie dont Les Yeux d’Elsa ou Le fou d’Elsa.

Pour brouiller les pistes et rendre hommage

La pratique du pseudonyme ne s’est pas interrompue avec l’affirmation des droits des femmes. De très grandes auteures ont eu recours à ce stratagème dès qu’il s’agissait de s’essayer à un genre particulier couramment associé à la virilité : le polar. L’illustre J. K. Rowling (1965) elle-même a signé Robert Galbraith plusieurs polars, dont L’Appel du coucou, bien que son pseudo ait été éventé très rapidement par le Sunday Times. La démarche de l’auteure consistait à ne pas influencer de sa très grande popularité les ventes de ses polars. Ce fut donc un échec, puisque ces derniers ouvrages connurent un succès immédiat auprès du public. Ce choix éditorial traduit également une volonté d’attirer une audience de lecteurs de polar, et non des fans de Harry Potter qui cherchent quelque chose à se mettre sous la dent.  

Autre immense auteure de polar, Fred Vargas est également un pseudonyme pour Frédérique Audoin-Rouzeau (1957). Dès son tout premier roman policier, Les Jeux de l’amour et de la mort, son écho est retentissant. Elle remporte de très nombreux prix et voit ses œuvres adaptées en bande dessinée, à la télévision et au cinéma, comme Pars vite et reviens tard. Elle s’est illustrée grâce à son célèbre personnage du commissaire Adamsberg, un enquêteur atypique car flegmatique et désorganisé. Fred Vargas a choisit son pseudonyme en référence à sa sœur Joëlle, artiste-peintre, qui signait Jo Vargas. Ici l’usage du nom de plume permet de rendre hommage à sa famille, et même de se placer sous l’égide d’une figure admirée : Maria Vargas est le nom du personnage joué par l’actrice Ava Gardner dans le film La Comtesse aux pieds nus.

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Juliette1
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