La bande dessinée, le neuvième art, ne cesse de nous transporter. Parmi les milliers de titres qui sortent chaque année se cachent autant d’univers différents, d’histoires inédites. Pour faire le tri dans cette pléthore de mondes imaginaires, voici une sélection de quelques titres hexagonaux remarquables qui vont assurément marquer 2018.
La ligue des créateurs extraordinaires
Quand les équipes derrière des séries prestigieuses comme Les Légendaires (Patrick Sobral et Jenny) et La Rose écarlate (Patricia Lyfoung, Philippe Ogaki) se réunissent pour collaborer sur un titre, on peut s’attendre à un évènement ! Force est de constater que Les Mythics ne déçoit pas. Face à la plus grande menace que l’humanité ait jamais connue, six jeunes héros vont devoir assumer la succession de leur illustres aînés qui ont vaincu le mal absolu sous forme de six dieux différents. Mythologie du monde entier, dessin ultra-dynamique, Les Mythics est une nouvelle saga inspirée et euphorisante.
Le retour des mythes
D’association de (grands) talents, il est encore question avec L’Homme gribouillé. Mais, cette fois, dans le domaine de la BD indépendante. Paru en janvier, cette collaboration absolument remarquable entre Serge Lehman au scénario et Frederik Peeters au dessin est sans nul doute l’un des plus beaux titres francophones de l’année. Cette histoire de mère et fille sous le joug d’un étrange maître-chanteur fait remonter à notre époque l’écho et la cruauté des contes de fées originaux et des monstres et merveilles de notre enfance. Un titre immanquable, graphiquement somptueux et narrativement impeccable.
La verte vengeance
Pour tous ceux qui trouvaient le pitch de Phénomènes de Night M. Shyamalan très intéressant, mais l’exécution en-deçà du potentiel de l’histoire, voici The End, le nouveau titre de Zep, le papa de Titeuf. Loin de la légèreté de son héros culte, l’auteur nous plonge dans une fable écologique où les arbres projettent d’en finir avec l’humanité. Ou serait-ce en fait un nouveau début ? Sombre, poétique et émouvant, The End est une œuvre engagée, au dessin fascinant.
Femmes malgré tout
Réalisé entièrement en tons sépia, Le Cœur des amazones séduit d’emblée l’œil. Voilà un parti pris fort qui installe immédiatement une ambiance à la fois romanesque et tragique. Alors que la guerre de Troie fait rage, les Amazones partent en quête d’hommes à capturer pour célébrer leur fête des fleurs. Mais la rencontre et le combat avec le sexe opposé n’aura pas les effets escomptés. Subtil et terriblement actuel dans sa thématique, cet album traite de la guerre des sexes et du féminisme avec force et de manière originale. Un véritable choc.
La danseuse et la mort
Pour sa première incursion dans le monde de la BD avec Gramercy Park, l’auteur Timothée de Fombelle, à qui l’on doit le formidable Tobie Lolness, livre un polar à la fois glaçant et mélancolique. En 1954, une ancienne danseuse soigne des abeilles sur le toit d’un immeuble new-yorkais. En face, elle observe un ancien caïd de la pègre. La relation entre ces deux êtres brisés se livre à travers des flash-backs teintés de nostalgie. Le dessin de Christian Cailleaux rend magnifiquement hommage à la Big Apple par des visions cinématographiques poétiques. Le parcours heurté de ces deux solitaires n’en devient que plus saisissant.
Le traître, ce héros
Adapter un roman en bande dessinée est un pari risqué et bien souvent la BD n’a pas vraiment de valeur ajoutée par rapport à son aînée. C’est d’autant plus regrettable que celle-ci permet, quand elle est bien pensée, de faire ressortir certaines nuances de l’œuvre littéraire, de souligner certains aspects visuels qui ne sont forcément pas du ressort du livre. C’est une science loin d’être exacte qui se base sur un fragile équilibre. À cet égard, Mon traître, adaptation du roman éponyme de Sorj Chalandon par Pierre Alary, tient du coup de génie. Les affres psychologiques de ce luthier français propulsé dans la lutte de l’IRA des années 1980 sont rendues avec justesse, le dessin, sans platement illustrer les mots de l’auteur, dévoile la puissance de ce texte romanesque et profondément bouleversant. Un album à ranger parmi les plus belles réussites du genre.
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Aller + loin : The End – un Zep écologiste dans sa nouvelle BD