Parce que la littérature n’est pas qu’une histoire de héros, voici une sélection mettant à l’honneur vilenie et cruauté, et regroupant les personnages qui à notre goût font le sel des grands histoires romanesques. Focus sur les gros méchants de la littérature.
Petite sociologie du bad boy
Qu’ils soient surnaturels comme Sauron, Dracula et Voldemort ou dangereusement humains comme la Folcoche, Patrick Bateman et les Thénardier, les super vilains et autres agents du mal qu’on adore détester ont très souvent en commun d’être nés dans un roman célèbre. Pour leur rendre hommage, voici une sélection de quelques spécimens emblématiques…
Le précurseur
En version œil torve, crâne d’œuf et dents de lapin aiguisés ou en mode dandy gominé avec cape et crocs acérés, qu’on l’appelle Nosferatu ou Comte Dracula comme l’a baptisé Bram Stocker dans son roman éponyme, celui qui a fait connaître le vampirisme aux yeux du monde est certainement le monstre le plus célèbre, romantique et malfaisant de la littérature. À la fois prédateur sanguinaire au teint pâle et séducteur amateur de sang frais, le vampire a beau être immortel, il mène l’existence peu enviable d’un damné de la vie, victime d’allergie alimentaire sévère à l’ail et de xeroderma pigmentosum qui le contraint à passer ses journées à l’abri du soleil enfermé dans son cercueil. Il est vrai que ne jamais voir le jour est un facteur d’agressivité et d’aigreur induisant des comportements peu cordiaux envers ses congénères. Surtout quand on est capable de se transformer en chauve-souris…
Les génies du Mal
Avec son gros œil qui sait tout sur tout et son sens aigu de l’organisation militaire, l’infâme Sauron imaginé par Tolkien dans Le Seigneur des anneaux est un PC sécurité de très haute technologie à lui tout seul. Big Brother version héroic fantasy, il réussit l’exploit d’être encore plus performant que le dictateur allégorique d’Orwell qui a la malchance d’être uniquement manipulé par de misérables humains avides de pouvoir.
Côté génie du mal de la littérature classique, un esprit aussi subtilement retors que celui du professeur Moriarty mérite une mention spéciale. Ennemi inséparable et déclinaison en négatif d’un héros au caractère parfois difficile comme Sherlock Holmes, ce brillant esprit du mal illumine d’une géniale lumière noire chaque roman de Conan Doyle où il apparaît. Quant à Voldemort, l’ancien élève revanchard de Poudlard, il semblerait que ses nombreux fans soient enfin parvenus à réunir la somme nécessaire pour qu’on puisse réaliser un film pour lui tout seul. Son immense et nuisible talent méritait au moins ça !
Un serial killer… Un quoi ?
Un foie humain légèrement pœlé, des fèves au beurre et un bon Chianti… Il n’en faut pas plus pour régaler un méchant de compétition comme Hannibal Lecter. Rappelons tout de même que le délicieux docteur cannibal créé par Thomas Harris a débuté sa carrière littéraire muselé et enfermé comme un chien enragé dans Dragon rouge puis Le Silence des agneaux avant d’avoir une suite qui porte son nom.
Changement d’époque et de standing avec Jean-Baptiste Grenouille, le tueur malheureux et imprévisible du roman de Patrick Suskind, Le Parfum. Né dans la puanteur d’un étal de poissonnier, l’homme sans odeur mais au sens olfactif plus développé qu’un loup s’est fixé comme objectif d’assassiner sans relâche jusqu’à ce qu’il réussisse à capter l’essence de la vie et créer ainsi le parfum absolu.
Venu tout droit du fin fond de l’imaginaire populaire, l’ogre misogyne immortalisé par Charles Perrault sous le doux nom de Barbe bleue représente l’archétype du tueur en série. Manipulateur et violent, ce bourgeois peu recommandable nourrit une véritable obsession meurtrière pour les femmes qu’il égorge et collectionne comme des trophées dans sa chambre interdite. Le tout en suivant un immuable modus operandi à quatre temps : séduction, mariage, tentation, mort.
Tendance sociopathe
Baratineur, flambeur, mythomane, paranoïaque et définitivement psychopathe, Patrick Bateman, l’American Psycho né de l’imagination fertile de Bret Easton Ellis, supporte très mal les petites contrariétés du quotidien. Pour se calmer les nerfs après une de ces crises qui le mettent de méchante humeur, l’atroce yuppie massacre, avant de les débiter à la scie sauteuse, ses conquêtes féminines sur la pop désuète de Phil Collins ou Duran Duran.
Niveau perversion criminelle, Alex le sociopathe, « droogie » en chef de L’Orange mécanique d’Anthony Burgess, n’a vraiment rien à lui envier. La violence chevillée au corps, le dandy psychédélique qui vit toujours chez papa maman et verse une larme à la première note de Beethoven, fracasse des crânes à coup de batte juste parce que c’est la meilleure façon de passer une bonne soirée. Devenu un chaton inoffensif après avoir été (mal)traité par la technique Ludovico, c’est à son tour de subir la violence des autres sans que l’on en ressente la moindre peine.
Les tortionnaires
Dans la catégorie des géniteurs monstrueux capables d’avoir plus de considération pour un cafard que pour leur enfant, les Thénardier occupent une place de choix. Passé à la postérité grâce aux Misérables de Victor Hugo, ce nom de famille est aujourd’hui devenu un nom commun permettant de définir sans équivoque des parents tortionnaires cupides, minables et méprisables.
Moins crasseuse et stupide, la sinistre Folcoche de Vipère au poing est tout aussi redoutable et sans doute bien plus impitoyable. Toujours prête à asséner une remarque blessante ou à agir dans le seul but d’humilier, l’ignoble mégère, largement inspirée par la propre mère d’Hervé Bazin, incarne un esprit supérieur du mal semant la terreur à chaque parole prononcée. Une championne de la maltraitance enfantine qui ne récolte que la haine de ses enfants et des lecteurs. Un indispensable classique de la littérature française aux allures d’autofiction avant l’heure.
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