Comment susciter un maximum d’émotion avec un minimum de moyens ? Pour Gidon Kremer et la Kremrat Baltica, on peut tout aussi bien toucher et émouvoir avec une musique simple. Tout dépend de la façon dont on utilise les moyens musicaux choisis. Voici un programme concocté pour vous en convaincre…
Comment susciter un maximum d’émotion avec un minimum de moyens ? Le violoniste letton Gidon Kremer a tout joué ou presque, de Bach à Gubaidulina en passant par Schubert, Piazzolla et Mozart. Il sait de quoi il parle en matière de complexité musicale, et sans renier ses anciennes expériences, il avoue rechercher toujours plus le dépouillement, persuadé que l’on peut tout aussi bien toucher et émouvoir avec une musique simple. Tout dépend de la façon dont on utilise les moyens musicaux choisis. De fait, Kremer qui est un grand interprète du répertoire contemporain, créant beaucoup d’œuvres nouvelles, a une prédilection pour les compositeurs minimalistes.
Pour son retour chez Deutsche Grammophon, Gidon Kremer va donc puiser dans ce répertoire minimaliste qu’il aime et connait bien, et aborde un thème qui lui tient à cœur, les saisons. Un thème assez courant en musique et pas seulement dans les Quatre Saisons de Vivaldi ou de Piazzolla que le violoniste a d’ailleurs enregistrées. Quoi de mieux que de débuter par le 2e concerto pour violon de Phil Glass The American Four Seasons ?
En 1993, Kremer enregistrait avec succès le 1er Concerto pour violon de Phil Glass (chez DG couplé avec le Concerto Grosso n° 5 de Schnittke), une version qui fait depuis partie des références. Et depuis 2013 le 2e concerto de Glass fait partie du répertoire de Kremer et de son ensemble, La Kremerata Baltica.
Pourquoi ce titre The American Four Seasons ? Glass voulait faire une sorte de pendant aux quatre célèbres concertos de l’opus 8 de Vivaldi. Il s’agit d’une œuvre en huit parties, quatre mouvements précédés d’un court solo du violon en forme de prélude ou de cadence : Prologue avant le 1er mouvement, puis Song 1, 2 et 3 avant les trois mouvements suivants. Aucune saison n’est citée. À l’auditeur, suivant sa perception de la pièce, de nommer s’il le veut les saisons. Après deux mouvements tout en légèreté et en dépouillement les mouvements 3 et 4 débordent d’une énergie que Kremer et l’orchestre savent rendre tout à fait communicative.
La pièce d’Arvo Pärt qui suit est une courte berceuse. Les voix cristallines des jeunes filles du chœur de l’école de chant de Vilnius, une mélodie traditionnelle, tout y est charmant et d’une grande fraicheur, de quoi souffler un peu après le dynamisme du concerto de Glass.
La deuxième grande pièce de l’album est Ex contrario composée en 2006 par le géorgien Guiya Kancheli, qui comme Pärt fête cette année ses 80 ans. C’est aussi la pièce la plus sombre et la plus tourmentée, faite de parties statiques, de fulgurances et de ruptures créant ainsi une grande tension.
Photo Christian Lutz
Pour finir, le violoniste rend hommage au Japon (et à son public japonais) avec le court thème de Yumeji, tiré de la B.O. de Shigeru Umebayashi pour le film In the mood for love. Une fois encore, le charme et la douceur après la tension.
Gidon Kremer est d’une certaine façon un musicien militant. Militant pour un répertoire, le contemporain qu’il souhaite faire découvrir à un public parfois réticent. Mais aussi militant pour faire accepter la musique contemporaine tonale auprès de ceux (mais ils sont de plus en plus rares) qui pensent que la tonalité est dépassée. Pour Gidon Kremer et ses partenaires, ce qui compte c’est que la musique touche et émeuve et ils ont pour cela une bien belle force de persuasion qui ne peut laisser indifférent.
New Seasons par Gidon Kremer et la Kremerata Baltica, disponible en CD sur fnac.com
