Décryptage

Quand Bob Dylan est passé à l’électrique

28 janvier 2025
Par Julien D.
Quand Bob Dylan est passé à l'électrique
©Sony Music

Ce n’est pas le premier film autour du célèbre songwriter, et certainement pas le dernier étant donné la fascination intergénérationnelle pour Robert Zimmerman, dit Bob Dylan. On se réjouit cependant de la sortie du biopic réalisé par James Mangold (sortie ce 29 janvier), qui met en lumière un tournant majeur de la carrière de l’artiste : son passage à l’électricité et le bouleversement qu’il engendra. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour Dylan, ça voulait dire beaucoup. Explications.

Du parfait inconnu…

Alors qu’il ne se passe quasiment pas un mois sans qu’une parution autour de Bob Dylan soit annoncée (un livre, un docu, une BD, un disque, une réédition d’album, une compilation d’inédits, un nouveau best of, des enregistrements live, des archives ou ces fameuses et succulentes Bootlegs Series exhumées au compte-goutte…), difficile d’imaginer que Dylan ait été un jour complètement inconnu du grand public. 

C’est pourtant ce que raconte le pitch du film réalisé par James Mangold, Un Parfait Inconnu, avec le bluffant Timothée Chalamet dans le rôle-titre. Un film qu’on se languit de voir, tant le Walk The Line sur la vie de Johnny Cash avec Joaquin Phoenix était réussi.

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C’est l’histoire d’un petit gars débarqué à New York depuis son Minnesota natal au tout début des années 60. Un récit maintes fois raconté à grand renfort de détails véridiques et de quelques autres, fantasmé par des générations de rock critiques que le parcours et l’œuvre musicale de Robert Zimmerman ont fascinées.

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Dans ce temple de troubadours « folkeux » (et de jazzmen) qu’était le quartier de Greenwich Village à New York, Bob Dylan déboule de sa région et se lie avec les acteurs et actrices de cette contre-culture américaine.

Là-bas se trouvent artistes bohèmes, poètes beat et figures musicales aux aspirations politiques a minima progressistes, voire révolutionnaires pour les plus motivé-e-s. Voilà pour le décor ! Car pour beaucoup, bousculer l’establishment et une société américaine sclérosée en ce tout début des sixties, c’est plus qu’une simple posture arty-boheme de citadins branchés, plutôt une véritable nécessité d’émancipation. 

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Tous figurent au casting du film : les mentors qu’étaient Woody Guthrie et Pete Seeger, Joan Baez (évidemment), des camarades de virées (Dave Von Ronk) aux musiciens établis (Johnny Cash), sans oublier cette forte tête de Barbara Dane que beaucoup ont oubliée et qui vient tout juste de nous quitter courant 2024. Une présence qui illustre la connaissance du « dossier » et les sérieuses références du réalisateur James Mangold.

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C’est avant tout la plume engagée comme ses élans poétiques qui seront le « faire-valoir » de ce personnage charismatique et ambitieux, beaucoup plus que ses talents de chanteur ou de guitariste qui, selon la légende, n’avaient rien d’exceptionnels. En quatre albums aux résonnances acoustiques, le jeune songwriter s’imposera dans le paysage avec des titres reflétant l’époque et ses aspirations d’émancipation, de liberté, de contestation. 

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…  À l’éternel incompris 

Mais le film est directement inspiré du bouquin d’Elijah Wald sur cette révolution qu’entreprit Dylan en studio à partir de 1964, en électrifiant son orchestration. 

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Si aux yeux des puristes du « folk » traditionnel, on criait au sacrilège, on ne peut là aussi que saluer l’angle du réalisateur pour souligner cette insubordination toute « dylanesque ».

Car, si Bob Dylan avait déjà enregistré une partie de l’album Bringing It All Back Home à grand renfort d’ampli, de basse et de guitares électriques, l’histoire raconte que c’est pendant le festival Folk de Newport en 1965 que tout est parti en vrille, lorsque celui-ci interpréta ses nouveaux titres avec une énergie, un volume, un son et une électrification « rock ». Vent de panique au pays de la guitare douze cordes et du banjo.

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Désespoir des organisateurs et d’une partie du public venu en masse écouter paisiblement des chansons, des vraies… Pas du « bruit ». Anecdotes réelles ou fantasmes journalistiques (Pete Seeger armé soi-disant d’une hache pour couper les câbles électriques, huées du public beatnik face à un Dylan tout de cuir vêtu et autres racontars…), ce qui est à peu près certain au regard des années qui suivirent, c’est que la bascule s’est faite à ce moment-là, discographie à l’appui : l’ambition de Dylan l’emporta.

Comme un second marqueur temporel, s’en suivra donc l’enregistrement du mythique Highway 61 Revisited.

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Sur ce dernier, les cadors Al Kooper et Mike Bloomfield font des merveilles. Cet opus grave dans le marbre le point de départ du genre qu’on qualifie de folk-rock ou country-rock (donc logiquement gorgé de blues). Un album pivot de l’histoire de la pop music qui inspirera un grand nombre d’artistes d’hier, comme d’autres d’aujourd’hui.

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Et pour quelques dollars de plus…

Pas du tout évoqué dans le film, relatons ici un évènement beaucoup plus récent qui nourrit là aussi l’ambiguïté du chanteur.  

Celui qui fut nommé prix Nobel de littérature en 2016 prenait la décision de vendre ses droits quelques années plus tard à une multinationale du disque, pour un chèque avec un nombre très impressionnant de zéros.  

Dylan se libérait ainsi d’une pression commerciale majeure qu’on devine compliquée à gérer après 60 ans d’une carrière au succès planétaire. Le chantre de la contre-culture et de la contestation sociale des turbulentes sixties aurait-il cédé son âme sur l’autel de son compte en banque qu’on imagine déjà copieusement garni ?

Dylan quote

Pour un type qui chantait des textes clairement antisystèmes et qui eut pour modèle des musiciens tels que Pete Seeger, Woody Guthrie et cette Barbara Dane évoquée plus haut, la symbolique de ce choix interroge.

Car on peut difficilement qualifier ces musiciens d’ultra-libéraux au regard de leurs engagements réciproques, et pas uniquement sur scène ou sur partitions. Se vendre au « grand capital » semble un brin décalé, a minima un choix surprenant, alors qu’on se plait à imaginer qu’il aurait pu s’inspirer d’eux jusqu’au bout et céder comme ils l’ont fait, ses propres droits à une institution telle que la Librairie du Congrès (l’équivalent de notre BNF). Insaisissable Dylan, encore une fois.

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Reste heureusement le pouvoir et la puissance de sa musique, de ses chansons devenues de véritables hymnes qui, à l’image d’autres monuments de la pop culture « consciente » (Lennon, Marley, McCartney, Miriam Makeba, Billie Holliday…), continueront à résonner encore longtemps sur le jukebox mondial. 

Dylan aura donc cheminé différemment de ses pairs, ce qui n’enlève rien à son talent, mais questionne encore aujourd’hui le personnage. 

À la question Dylan est-il définitivement ambivalent ? Je ne résiste pas à vous glisser son fameux refrain : « The anwser, my friend, is blowin’ in the wind ». 

Un vent qui nous portera sans conteste au cinéma fin janvier pour déguster ce Parfait Inconnu.

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Article rédigé par
Julien D.
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