Critique

Le Rêve du jaguar, le récit du Venezuela par Miguel Bonnefoy

24 août 2024
Par Robin Negre
Le Rêve du jaguar, le récit du Venezuela par Miguel Bonnefoy

Le nouveau roman de Miguel Bonnefoy suit le destin d’une famille au Venezuela, entre l’évolution de la société et les troubles politiques.

Deux ans après la sortie de L’Inventeur (Payot et Rivages), l’écrivain Miguel Bonnefoy est de retour en librairies avec Le Rêve du jaguar, sélectionné pour le Prix du roman Fnac 2024 et attendu le 21 août 2024 en librairie. Dans ce nouveau livre, l’auteur suit le destin d’une famille au Venezuela, alors que le pays connaît des bouleversements politiques après la Seconde Guerre mondiale.

En s’intéressant à la petite histoire dans la grande, Miguel Bonnefoy donne à son livre une grande portée humaine, sans perdre de vue l’essentiel : l’émotion.

Le Rêve du jaguar suit – dans un premier temps – le destin du jeune Antonio, recueilli par une mendiante muette sur les marches d’une église. Grandissant dans les rues de Maracaibo au Venezuela, Antonio découvre la vie et va de métier en métier jusqu’à sa rencontre avec Ana Maria. Ensemble, ils font d’illustres études dans le monde de la médecine et donnent naissance à une jeune fille portant le nom de leur pays : Venezuela.

Tout au long du roman, Miguel Bonnefoy fait le lien entre l’évolution de la société et les changements politiques du pays. Ouverture du monde de la médecine aux femmes, évolution des moyens de transport, révolution d’après-guerre… Le Rêve du jaguar parle des habitants, du peuple et, à travers son écriture, l’auteur fait ressentir le souffle d’une nation attachée à sa terre, conscient de sa richesse culturelle comme de son instabilité permanente.

La force du récit et du détail

Car, tout au long de son livre, Miguel Bonnefoy n’oublie jamais de développer la vie et les relations de ses personnages principaux. Plusieurs générations co-existent, et le passage du temps et de la vie se fait ressentir dans la perte, le deuil, mais également l’amour et la vie. En utilisant l’ellipse narrative et la digression, Miguel Bonnefoy touche à l’authenticité et au détail. Il développe les histoires dans les histoires, mentionne des événements anecdotiques ou secondaires, tout en montrant comment la moindre action peut avoir des impacts sur la destinée et la vie de plusieurs générations.

En utilisant le symbolisme, l’auteur franco-vénézuélien a la stature du conteur qui relate des événements passés avec le poids de l’héritage. Vers la fin du roman, Miguel Bonnefoy parvient à créer une boucle narrative touchante, et l’impact émotionnel ressenti face à la densité de la vie, du malheur et du bonheur, permet à l’œuvre de rejoindre le cercle de ces livres traitant de l’humanité dans son ensemble et de ses cycles immuables.

Miguel Bonnefoy a régulièrement teinté ses œuvres de son héritage culturel et familial. Dans Héritage (Rivages), il traitait d’un autre pays d’Amérique du Sud, le Chili, et dans Sucre noir (Rivages), il livrait avec passion le récit de la vie du pirate Henry Morgan dans les Caraïbes. Le Rêve du jaguar touche un peu plus à son histoire personnelle et fait également le lien avec la France.

L’auteur surprend ainsi à mesure que l’intrigue avance, sans jamais faire de surplace et en offrant au destin de ses personnages une réalité sensible : vers la fin du roman, le souvenir des débuts semble des plus lointains, tant les événements ont changé les protagonistes.

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Convoquant le large spectre des émotions et des sentiments, Miguel Bonnefoy parvient à faire du Rêve du jaguar une épopée intergénérationnelle et familiale, intimement liée à l’évolution du Venezuela. Entre le rire et les larmes, entre la simplicité d’une relation amoureuse et la passion de la révolution politique, le roman s’illustre par ses genres et ses différents épisodes.

Tantôt drame intimiste et fresque humaniste, le roman bénéficie surtout du talent de Miguel Bonnefoy pour la narration et le rythme. Même dans la digression paraissant anecdotique, l’écrivain donne beaucoup de réponses et enrichit les thèmes de son livre sur la société, la misère des classes ou l’émancipation féminine. Il emploie également une minutie particulière et offre, à la dernière page, une sensation d’accomplissement et de satisfaction totale.

Le Rêve du jaguar, de Miguel Bonnefoy, Rivages, le 21 août 2024 en librairie.

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