Sept ans après sa séparation officielle et douze ans après avoir tiré sa révérence dans un « bruit de joie » résolument pop, Gossip, toujours emmené par sa leader charismatique Beth Ditto, s’apprête à reprendre le pouvoir avec la sortie, le 22 mars 2024, d’un nouvel et sixième album, « Real Power ». L’occasion d’un petit passage en revue de l’indéniable empreinte discographique laissée par le trio de l’Arkansas au début du nouveau millénaire.
That’s not What I Heard – 2001
De Searcy, petite ville de l’Arkansas, à Olympia, capitale de l’État de Washington, au sud de Seattle, terre du rock alternatif et berceau du grunge : c’est le périple entrepris à la toute fin des années 1990 par trois amis en quête de liberté, de la musique plein la tête, les mains et les pieds. Mary Beth Patterson, aka Beth Ditto, à la voix, Nathan Howdeshell, aka Brace Paine, à la guitare et Kathy Mendonca à la batterie. À eux trois, ils constituent The Gossip. That’s not What I Heard est leur premier album, sorti en 2001. 14 titres pour 24 minutes de rock garage lo-fi enregistré dans le garage de Kathy. Ça crash, ça transpire… Un album brut qui, sans se prendre au sérieux, transpire diablement le blues, et sur lequel Beth Ditto, ouvertement lesbienne et surtout profondément libre, nous exhorte déjà à être et à agir comme bon nous semble.
Movement – 2003
On prend les mêmes et on recommence en 2003 avec Movement, second album toujours aussi féroce, l’énergie punk toujours chevillée aux cœurs et aux corps de The Gossip. À l’image de ce Nite, en ouverture, dont le riff et la rythmique lancinantes de Nathan et Kathy viennent s’offrir en offrande à la complainte déchirante et possédée de Beth Dito. Des morceaux puissants et brûlants qui n’excèdent que rarement les trois minutes, à l’exception, notamment, de ce Yesterday’s News sur lequel Dito laisse entrevoir l’étendue de ses capacités vocales. On y frôlerait presque la ballade !
Standing in the Way of Control – 2006
Au Movement de 2003 succède la même année un live, Undead in NYC. C’est après cet enregistrement que Kathy Mendonca décide de quitter le groupe. La formation originelle de l’Arkansas perdait sa batteuse, The Gossip perdait son « The » pour s’appeler simplement Gossip. Pour remplacer Kathy au pied levé, une certaine Hannah Blilie. Et c’est à la baguette que cette nouvelle Gossip girl va insuffler une nouvelle énergie au groupe. À l’image de celle qui traverse ce Standing in the Way of Control, album charnière sorti en 2006 et dont le titre éponyme totalement déjanté à la rythmique irrésistible compte parmi les titres historiques du groupe. Un morceau écrit par Beth Ditto en réponse à l’amendement fédéral sur le mariage qui aurait interdit constitutionnellement le mariage homosexuel aux États-Unis. Autre tournant sur cet album, Gossip sort gentiment la tête du garage pour signer des titres aux lignes mélodiques plus léchées : groovy sur Your Mangled Heart, presque pop sur Coal to Diamonds, intimiste et sensuelles sur Dark Lines.
Music for Men – 2009
Et alors qu’on le pensait au sommet, le trio américain frappe encore plus fort trois ans plus tard avec ce quatrième opus devenu culte pour toute une génération. Un album produit par l’émérite Rick Rubin, et qui confirme, cette fois-ci sans fioritures, le changement de cap doucement entrepris avec Standing in the Way of Control : moins âpre, pop (Four Letter Word), voire carrément disco (Love Long Distance). Beth Ditto n’en délaisse pas moins sa fougue contagieuse. Ainsi Music for Men, c’est aussi 8th Wonder, morceau tout en nervosité consacré à Tobi Vail, icône féministe, Riot grrrl de la première heure – mouvement né au début des années 1990 à l’origine d’une révolution punk-rock-féministe – et co-fondatrice du groupe Bikini Kill. Mais c’est aussi, bien sûr, l’incontournable dance-rock Heavy Cross, single monstrueux d’efficacité.
A Joyful Noise – 2012
Madonna, es-tu là ? Bien loin de ses premières amours musicales que sont The Birthday Party, Siouxsie and the Banshees et Nirvana, à des années lumières du post-punk de leurs débuts, Gossip ne s’embarrasse même plus de faire semblant. Avec A Joyful Noise, le groupe opte pour une pop sophistiquée 100 % assumée. Des hits tels que Perfect World ou Get a Job pourraient même aller jusqu’à faire rougir de jalousie une Madonna ou une Lady Gaga. Et on flirte carrément avec l’eurodanse sur Move in the Right Direction ! La présence aux manettes de ce Joyful Noise d’un certain Brian Higgins pourrait expliquer pas mal de chose puisque c’est ce même monsieur que l’on trouve derrière Kylie Minogue, Sophie Ellis-Bextor ou bien encore les Pet Shop Boys. Alors, bien sûr, sans doute cet album aura laissé sur le côté les adorateurs de Standing in the Way of Control, mais se plaire à être là où personne ne l’attend, en dehors des normes, n’est-ce pas finalement ce qui a toujours animé Gossip, à commencer par sa diva bigger than life Beth Ditto ?
2016… 2024, entre séparation et résurrection
Mais voilà, en 2016, Beth Ditto annonce la séparation du groupe. « Le cœur n’y était plus », reconnaîtra-t-elle. Et alors que Nathan « Brace Pain » Howdeshell choisit de s’en retourner dans son Arkansas, renouer avec une vie plus simple, Beth Ditto décide de prolonger un peu l’aventure en solo avec la sortie en 2017 de Fake Sugar. Elle prend également le temps de coucher sur le papier tout ce chemin parcouru depuis Searcy dans une émouvante autobiographie, Diamant Brut. En 2019, il y a bien cette tentative de rallumer la mèche à l’occasion d’une tournée anniversaire exceptionnelle à l’occasion des dix ans de leur album Music for Men. Mais les retrouvailles du groupe en restent là. Pas de studio en vue… jusqu’à ce jour de novembre 2023 où Beth lâche sur les réseaux « C’est vrai, notre famille de fous est à nouveau réunie ! ». C’est officiel ! Gossip fait son grand retour avec un nouvel et sixième album, Real Power, pour lequel le groupe s’est de nouveau entouré du joaillier de Music for Men, Rick Rubin. C’est un peu lui, d’ailleurs, qui est à l’origine de la reformation « événement » du groupe. Et pour annoncer la couleur, le single Crazy Again résonne déjà comme un pur cri de joie et de vie. À l’image de cette femme toute rose et toute nue mise en scène dans le clip. Une femme éprise de liberté, criant à qui veut bien l’entendre : « Rock’n roll, motherfucker », « I’m free », « I’m beautifull », « I’m a bitch » !