Depuis 1985, le jazz a sa soirée des victoires renforcée par celles des Musiques du monde. Cette année, en direct du casino de Paris, le président Bruno Guermonprez et son comité artistique composé de sept membres devront choisir parmi 18 artistes répartis en 6 catégories. État des lieux.
Artiste instrumental
Trois artistes et trois instruments sont ici en concurrence : Pierre De Bethmann et son piano, Naïssam Jalal et sa flûte ainsi que Geraldine Laurent et son saxophone. À 58 ans, De Bethmann enregistre une carrière forte de presque 30 ans. Il a mené plusieurs formations et accompagné une multitude d’artistes. Il a déjà une victoire de la musique jazz à son actif, remportée en 2008 dans la catégorie meilleur album instrumental. Un excellent compositeur au jazz complexe reposant sur des mises en place précises. Naïssam Jalal se situe elle à la frontière entre jazz et world music. Sa musique est à son image : ouverte, globale, traditionnelle et moderne. Une technique au service de l’émotion et d’une musique d’une grande beauté. Geraldine Laurent quant à elle, est là depuis 25 ans. 5 albums en solo et de nombreuses collaborations. Elle a déjà 2 récompenses aux victoires jazz à son actif.
Artiste vocal
Camille Bertault, Hugh Coltman et André Minvielle sont en compétition. À 51 ans et depuis ses débuts avec le groupe Hoax, Hugh Coltman est enraciné dans le blues. Mais il a multiplié les collaborations dans des genres très différents. Chanteur et compositeur, il est également un pianiste et un guitariste accompli. Une voix chaude, souple, parfaite pour jazz, blues et soul comme il le prouvait sur le Waxx Up de Legnini en 2017 ou sur l’excellent Night Trippin’ de 2022 en duo avec Matthis Pascaud. La chanteuse et compositrice parisienne de 37 ans Camille Bertault est aussi sur la liste des nominés. En sept ans, elle a déjà un beau parcours salué par critique et publique. Une voix haute, élastique et sensuelle au service d’un jazz souvent groovy. Le chanteur et percussionniste André Minvielle, enfin, est connu et reconnu pour sa technique vocale qui touche au scat, au blues et même au rap. Une victoire jazz en 2008 qui récompensait déjà ses performances vocales. Un caméléon inclassable qui se promène entre musique du monde, jazz, musette avec une aisance et une technique hors norme.
Révélations
Cette année, dans cette catégorie, un pianiste, un tromboniste et un saxophoniste. Yesaï Karapetian, le pianiste, joue un jazz puissant, moderne et habité qui utilise des instruments traditionnels arméniens, sa patrie d’origine. Une musique parfois sombre, parfois lumineuse, cuivré, mélodique et toujours forte en émotions. Robinson Khoury, le tromboniste, également chanteur et compositeur, a offert un superbe Broken Lines en 2022. Exubérant et très inventif, il aime flirter avec électronique et électrique comme sur Circled Blocks par exemple. Une palette de sons impressionnante à son actif. Jeanne Michard, la saxophoniste, apprécie les ambiances chaloupées et le latin jazz. Songes Transatlantiques, son album de 2022, en est une très belle illustration. Un jazz aux accents de Fania All Stars et de spanish Harlem, chaud comme la braise. Alto, tenor, soprano ou baryton, le saxophone n’a aucun secret pour elle.
Album
Trois albums très différents cette année. D’un côté, le Blue In Green Tribute To Bill Evans de Paul Lay en trio, l’hommage à Serge Gainsbourg de Daniel Zimmermann et l’album duo entre Pedron et Rubalcaba. Le tromboniste Daniel Zimmermann rend un hommage très personnel à l’ « homme à la tête de chou » après ses œuvres Montagnes Russes et Dichotomie’s. Une lecture émouvante de ces classiques de Gainsbourg. Autre vibrant hommage, à Bill Evans cette fois. Le pianiste du New-Jersey avait révolutionné l’art du trio en mettant bien en avant l’importance du bassiste et celle du batteur. Il jouera un rôle majeur sur le Kind Of Blue de Miles Davis en 1959. Beaucoup de respect et d’émotions dans cette relecture par le trio de Paul Lay. Avec le duo Pedron / Rubalcaba, L’art du duo est porté au sommet ! Un jeu où chacun cherche à surprendre l’autre. Le pianiste et le saxophoniste s’amusent, se surpassent, repoussant leurs limites avec un brio indéniable. Une belle façon de revisiter des standards de Sydney Bechet, Carla Bley ou Wes Montgomery, entre autres.
Album de musiques du monde
Sorti au début de l’année 2023, l’album Le Cri Du Caire réunissant Abdullah Miniawy, Peter Corser et Karsten Hochapfel a impressionné amateurs de jazz, de world music et de fusions en tout genre. Erik Truffaz, amateur du style tout au long de sa carrière, joue ici un rôle important. Il figure sur trois des neuf titres. Chant, slam et envolées hypnotiques sont au service d’un album déchirant et mystique. Le poète égyptien Miniawy a su trouver la bonne formule pour nous toucher en profondeur. Des chants soufis aussi puissant que ceux d’un Nusrat Fateh Ali Khan. Souad Massi nous offrait Sequana en octobre 2022. Un album d’espoir, une quête de miracle et toujours cette élégance et cette délicatesse. Vingt ans après Deb, la chanteuse, guitariste et compositrice est toujours aussi révoltée et engagée. Avec Tercer Cielo, la chanteuse espagnole Rocio Marquez signait en mai 2022 une œuvre originale avec le producteur Bronquio. Ancré dans la tradition flamenco, l’œuvre propose en 17 titres un voyage contemporain entre rythmiques urbaines, samples, boucles de synthétiseurs, ambiances électroniques et traditions. Un album décomplexé pour celle qui remportait une victoire dans la catégorie musique du monde en 2020.
Concert
Geraldine Laurent, Cecile McLorin Salvant et Emile Parisien se disputent le trophée. Pour trancher, allez les voir sur scène…