Décryptage

Album de légende : The Chronic de Dr Dre (1992)

13 avril 2023
Par Arthur G.
Album de légende : The Chronic de Dr Dre (1992)

Projet à l’importance pharaonique dans le hip-hop des années 90, The Chronic est un incontournable. Un album si retentissant qu’on se souvient de l’avant et de l’après tant son impact fut majeur. Le premier opus solo de Dr Dre a soufflé ses trente bougies le 15 décembre dernier. Retour sur un séisme dans le gangsta rap qui a lancé l’âge d’or de la West Coast.

Un départ houleux

À l’aube des années 1990, Dr Dre, star mondiale du rap, prend son envol. Après avoir atteint le point de non-retour au sein de Ruthless Records, le producteur et rappeur californien créé son propre label. Le poids démesuré pris par Eazy-E et le traitement privilégié dont ce dernier bénéficie auprès de Jerry Heller, cofondateur du label hôte de N.W.A, agace Dre qui finit par lever l’ancre en 1991. C’est ainsi que Dre décide de quitter son groupe historique, après cinq ans, deux albums studios sont délivrés, dont le grandiose Straight Outta Compton, et une place au sommet du gangsta rap. La même année, Dr Dre érige “Death Row Records » avec Suge Knight, un colosse, membre des Bloods, qui se résout à se lancer dans l’industrie musicale après une tentative de carrière non fructueuse dans le football américain.

dre suge knight

Un ovni fait son apparition

Les mains libres et désormais estimé à sa juste valeur, Dr Dre met le pied à l’étrier pour l’élaboration de son premier album solo, prévu pour la fin d’année 1992. Une année qui le verra asséner un coup de pied dans la fourmilière en compagnie d’un inconnu : Snoop Doggy Dogg. Les deux hommes dévoilent un premier single commun le 9 avril : Deep Cover. Issu de la bande originale du film éponyme, ce morceau est une véritable révélation. Atmosphère pesante, ligne de basse oppressante, et surtout, apparition d’un MC novice virevoltant sur l’instrumentale. Snoop Doggy Dogg a le privilège de figurer sur le premier morceau de Dr Dre depuis son départ de Ruthless et de N.W.A, et fait honneur à cette invitation. Le rookie de Long Beach, âgé de 20 ans à l’époque, se promène avec aisance sur la prod’ de Dre et démontre un talent bluffant et prometteur. Les fans de rap se passionnent pour ce Snoop qu’ils n’avaient jamais entendu avant cela. Tant et si bien que ce dernier participe grandement à la hype croissante pour cet album qui sera l’événement de l’année outre-Atlantique.

Un single précurseur

Le 19 novembre 1992, Dr Dre dévoile le premier extrait de son album : Nuthin’ but a ‘G’ Thang. Un morceau une nouvelle fois en collaboration avec Snoop Doggy Dogg qui s’avance sur l’instrumental avec l’assurance qu’on lui connaît à présent. Ce single frappe le rap américain et est annonciateur d’un changement d’époque. Ralentissement global, flow plus lents, instrumentales moins agressives : le G Funk se fraye un chemin. Ce mix entre gangsta rap et funk se démarque par des productions toujours agrémentées d’un sample de funk ou de soul en général très mélodieux. Un mariage parfait qui fera bouger la tête des moins mélomanes d’entre vous. Apparu à la fin des années 1980, ce genre est réellement propulsé sur le devant de la scène hip-hop avec The Chronic et Dr Dre. Nuthin’ but a ‘G’ Thang séduit instantanément les fans de rap. L’attente est à son paroxysme.

Un album game changer

Un peu moins d’un mois plus tard, The Chronic est enfin dans les bacs. Ce qui devait être un album solo n’en est rien. Snoop Doggy Dogg pointe le bout de sa truffe sur onze titres dans ce projet qui en comporte seize. Omniprésent, le challenger démontre à nouveau une habileté monumentale et répond à toutes les attentes placées en lui. The Chronic débute par une intro assez spéciale où Snoop ne rappe même pas, il bavarde. La suite est explosive. Fuck Wit’ Dre Day se lance et on comprend alors que ce morceau est un diss track envers Eazy-E et Ruthless Records. Toutefois, là où le gangsta rap démontre son évolution, c’est que la star, désormais esseulée, de N.W.A. est toisée sur une instrumentale dansante, joyeuse. Et c’est là l’enseignement principal qu’il faut tirer de The Chronic. En dépit de thématiques violentes, sérieuses et revendicatrices, le gangsta rap opère sur des productions moins belliqueuses qu’auparavant. L’album se poursuit avec Let me Ride. Un morceau qui sent bon la fin du printemps, des jours toujours plus longs et un soleil qui assoit sa domination.

L’atmosphère se tend ensuite avec The Day the Niggaz Took Over. Un titre qui revient sur les émeutes de Watts à Los Angeles en 1992, déclenchées après l’acquittement de quatre policiers impliqués dans le lynchage de Rodney King, jeune noir américain, survenu le 3 mars 1991. Un morceau qui rappelle ce que Dre avait pour coutume de sortir avec son ancien groupe, N.W.A. Malgré un milieu d’album plus en deçà des neuf premiers titres tonitruants, The Chronic est une masterclass et fait immédiatement fureur.

Et la suite ?

The Chronic se hisse sur la troisième marche du podium du Billboard 200 et se voit certifié triple disque de platine onze mois après sa sortie. Si Dr Dre est parvenu à un tour de force et s’est rassuré après sa décision de quitter Ruthless Records et N.W.A, alors que le groupe avait atteint son pic de popularité, le public n’attend qu’une chose : l’album solo de Snoop Doggy Dogg. Le rappeur de Long Beach a ébloui tout son monde et a créé une expectation sans précédent dans le rap américain.

Dr. Dre & Snoop Dogg - "Nuthin' but a G Thang"

© Getty Images

Au-delà du triomphe de The Chronic, c’est toute l’industrie du rap US qui se voit bouleversée. Le G-Funk est le genre numéro 1 dans le rap. Celui qui séduit et qui sera à la pointe durant les quatre années suivantes. Car oui, la suite est idyllique pour Death Row et la West Coast en général. Doggystyle, Regulate…G Funk Era, Dogg Food, All Eyez on Me, pour ne citer qu’eux, vont creuser un peu plus l’avance prise par la côte Ouest. Un âge d’or mémorable lancé par un album : The Chronic. Un projet avant-gardiste et révolutionnaire. L’histoire retiendra que Death Row Records a démarré sa folle histoire avec ce premier projet de Dr Dre. On a vu pire comme début de carrière pour un artiste et son label non ?

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Article rédigé par
Arthur G.
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