Dans la reconversion du mois, voyons le cas Steven Van Zandt alias Little Steven. Guitariste rock-heartland connu pour sa collaboration avec Bruce Springsteen, le multi-instrumentiste a opéré fin années 90 un virage vers l’acting et l’entrepreneuriat, sans jamais lâcher la gratte. Retour sur un talent multi-tâches.
Little Steven à la gratte
Né en 1950, fan des Beatles et des Stones dès son plus jeune âge, Little Steven, nom de naissance Steven Van Zandt, fait à 15 ans la connaissance de Bruce Springsteen. Epaté par sa cover d’une chanson des Shadows, le futur « Boss » le fait jouer par intermittence avec son groupe naissant, E. Street Band. Van Zandt souhaite toutefois conserver sa liberté et monte lui-même d’autres groupes au début des années 70 : Southside Johnny and the Asbury Jukes (pour lequel il écrit leur tube I Don’t Want to Go Home), The Miami Horns… Ce sont avec ces groupes que « Little Steven » forge un heartland rock basé sur son amour pour le Rhythm and Blues et le Rock’n’roll. En créant coup sur coup le célèbre riff de Born to Run et la section cors de Tenth Avenue Freeze-Out, Steven Van Zandt décroche sa place en tant que guitariste dans le groupe de Springsteen en 1975, avant de le quitter en bons termes en 1984, estimant n’avoir plus rien à apporter au groupe. Encore aujourd’hui, Van Zandt revient faire le guest dans les concerts de E. Street Band, quoique davantage à la rythmique et en vocaliste.
Dans les années 80, Little Steven va multiplier ses apparitions solo, devenant un des maillons du Jersey Shore Sound. Men Without Women, son premier album avec son tout nouveau groupe Little Steven and the Disciples of the Soul, est un franc succès. Ses 4 albums 80s se lisent comme une tétralogie politique où Steven Van Zandt se montre très adamantin sur les institutions des Etats-Unis : la famille, la religion, l’état… Mais Voice of America, Freedom – No Compromise et Revolution témoignent aussi de sa curiosité musicale, brassant aussi bien la soul, le hard rock que les musiques du monde. Il collabore aussi avec des stars (Meat Loaf, Nancy Sinatra…) et produit de jeunes groupes comme le punk Demolition 23. S’il publie moins dans les 90s – un seul album : Born Again Savage – Little Steven est infatigable côté concert et production. Mais c’est vers la fin des années 90 qu’il laisse libre cours à son autre passion : l’acting.
Steven Van Zandt sonne le coup d’envoi des séries modernes
Etonnemment, Van Zandt, qui n’a aucune formation d’acteur, va jouer un rôle prépondérant dans les 2 nouveaux âges d’or des séries qui se préparent. Impressionné par ses performances scéniques et notant son identité italo-américaine, David Chase, créateur des Sopranos, lui propose de participer à sa série. Candidat malheureux au rôle de Tony Soprano, Steven Van Zandt aura toutefois droit à un rôle écrit sur mesure pour lui : le consigliere Silvio Dante, qu’il tiendra tout au long des six saisons de la série. Les Sopranos lancent le coup d’envoi d’un nouvel âge d’or des séries dirigé par HBO, et la performance de Van Zandt siuscite l’éloge des critiques.
Pour en savoir plus : l’influence d’HBO sur les séries modernes
13 ans plus tard, en 2012, il a le flair de voir Netflix comme un possible game-changer dans la production des séries et leur propose un projet sériel qu’il mûrit depuis quelque temps. Le pitch de Lilyhammer est une comédie noire sur un ex-mafioso ayant tourné casaque contre ses anciens collègues et devant déménager dans un trou perdu en Norvège. Scénariste, producteur, compositeur et acteur de Lilyhammer, Steven Van Zandt obtient un succès inattendu pour lui mais aussi pour Netflix dont il s’agit de la toute première série produite par eux.
A l’exception des Sopranos et de Lilyhammer, Steven Van Zandt ne tourne qu’occasionnellement, mais il a pu être à l’affiche de quelques métrages tels The Irishman de Martin Scorsese.
Little Steven l’entrepreneur
1999 est décidément une année faste pour Little Steven. En plus de révéler ses talents d’acteur dans Les Sopranos, il révèle ses ambitions autres que purement artistiques en créant Renegade Nation, vaste entreprise de services dédiée à la sphère rock. Sous cette société, Little Steven fonde en 2004 Wicked Cool Records, son propre label de disques. Il autoproduit ainsi ses propres disques dont le live Soulfire en 2017 et Summer of Sorcery en 2019, mais aussi ceux d’une trentaine d’artistes ayant signé chez lui. Renegade Nation se démultiplie au fil des ans en une impressionnante collection de succursales : Renegade Radio qui héberge les émissions de radio dont il s’occupe dont Steven’s Underground Garage, toujours en activité ; son sujet ? Les genres les plus underground du rock. Mais aussi Renegade Circus (live-shows), Renegade TV, maison de production d’émissions musicales à streamer (mais aussi de Lilyhammer), Renegade Books, maison d’édition, Renegade Management (management d’artistes), Renegade Theatre (produit des musicals de Broadway, partiellement dirigé par Maureen Van Zandt, son épouse). Il a aussi fondé une méthode d’éducation, TeachRock, centrée sur la pratique des musiques populaires par les étudiants. Pour plonger davantage dans la vie de roman de Steven Van Zandt, on pourra lire Unrequited Infatuations, son autobiographie publiée en 2021.