Article

Blanche Gardin, l’anti star-system par excellence

06 septembre 2022
Par Lucie
Blanche Gardin, l'anti star-system par excellence

Depuis quelques années, Blanche Gardin est devenue, plus qu’une humoriste, un véritable phénomène de société. Des planches de stand-up aux plateaux de cinéma, il n’y avait qu’un pas qu’elle a franchi au point de devenir indispensable. Très réaliste dans son dernier film Tout le monde aime Jeanne, elle fait vivre ses rôles. Portrait d’une star à l’humour clivant et politiquement incorrect.

Des premiers pas remarqués

Problemos DVDOn aurait presque tendance à l’oublier, mais avant son premier Molière en 2018 pour son spectacle Je parle toute seule, Blanche Gardin était déjà une star de l’humour. Ou plutôt, une anti-star, tant elle parvenait à désacraliser ce titre pour en faire quelque chose lui ressemblant totalement : décalé, absurde et désenchanté. Repérée par Karl Zéro au début des années 2000, elle intègre le Jamel Comedy Club dont elle sera l’une des seules humoristes femmes.

Tout de suite, son style détonne : une manière de parler presque à contre-temps, de se tenir entre ombre et lumière, de balancer au public des vérités qui dérangent et une autodérision impitoyable pouvant confiner à un ridicule assumé. En 2007, la chaîne Comédie ! lui offre sa propre émission, Ligne Blanche, dans laquelle elle écrit et joue des sketchs aussi dérangeants que jubilatoires. C’est à ce moment précis que la télévision et le cinéma commencent à lui faire les yeux doux.

Des seconds rôles qui construisent le personnage Gardin

Working GirlsL'intégrale de la Saison 3 DVDCe qu’on lui propose dans un premier temps, ce sont surtout des caméos, des petits rôles qui deviendront de plus en plus importants. Mais à chaque fois, Blanche Gardin conserve sa patte : si on vient la chercher, c’est pour qu’elle insuffle de son mal-être existentiel dont elle a fait une force comique dévastatrice, c’est pour qu’elle se travestisse comme elle aime si bien le faire. Elle joue aux côtés de Fabrice Éboué et Thomas N’Ggijol dans Case départ, se fait agent suicidaire d’un office de tourisme dans Les Souvenirs, incarne une photographe autoritaire dans 20 ans d’écart ou la vegan survivaliste Gaïa de Problemos d’Éric Judor.

Surtout, ce qui la rend populaire pour le grand public, c’est son interprétation toute personnelle de l’employée solitaire et peu ragoûtante Hélène Grilloux dans les trois premières saisons de Working Girls, montrant toute l’étendue de son talent et sa capacité à s’effacer derrière des personnages outranciers. À la fin de cette aventure, elle décide de reprendre le stand-up et sillonne les routes de France avec Il faut que je vous parle en 2015.

La nouvelle reine du stand-up

Il faut que je vous parleTrès vite, sa réputation sur scène la précède. Son spectacle suivant, Je parle toute seule, en 2017, affiche complet à l’Européen et dans toutes les salles où Blanche pose le micro. Robe bleue, coiffure façon années 1950, stoïque, elle débite de manière presque monocorde, des vannes mitraillettes et des observations acides sur des thématiques à la fois universelles (les attentats, le féminisme, les migrants, la mort) et personnelles (le célibat, sa sexualité, sa peur de la maladie…). Sans craindre d’aller trop loin, rechignant à toute forme de censure, elle fait rire (jaune et noir), décroche un Molière et diffuse son spectacle sur la plateforme Netflix. Le monde entier découvre ainsi son humour particulier, tel son homologue américain Louis C.K. dont elle est fan et qui deviendra son compagnon.

L’année suivante, elle enchaîne avec un nouveau spectacle qui va plus loin encore, Bonne nuit Blanche. Un triomphe à la Cigale et un nouveau Molière de l’humour à la clé. Blanche Gardin devient un phénomène de société dont les moindres saillies sur les réseaux sociaux sont scrutées et rapportées.

Une comédienne de premier plan

Effacer l’historique DVDActrice engagée, on la retrouve de nouveau au cinéma, mais par la grande porte. Elle ne cherche pas à composer des personnages, mais plutôt à imposer celui qu’elle s’est bâti, au bord du pathétique. Elle joue une mère exploitant la maladie de son enfant sur une chaîne Youtube dans Selfie, interprète une femme abandonnée par sa famille et sombrant dans la pauvreté et les errances nocturnes dans Effacer l’historique. Elle donne la réplique à Léa Seydoux en productrice de télévision trash plus vraie que nature dans France de Bruno Dumont et sera l’héroïne du prochain Quentin Dupieux, Fumer fait tousser. Désormais, Blanche Gardin est partout ou presque et sa seule présence à l’écran est la garantie d’un joli succès au box-office.

Blanche Gardin : La Meilleure version de moi-même Blu-rayPour la télévision, il en est de même, car la voici héroïne de sa propre série. En neuf épisodes, Blanche Gardin écrit, réalise et se joue elle-même dans La Meilleure Version de moi-même. Ici, Gardin redevient Blanche, humoriste aux problèmes intestinaux devant apprendre la bienveillance pour pouvoir guérir. Elle décide alors d’arrêter l’humour pour accéder à l’ataraxie, même si le chemin sera plus compliqué que prévu. Un mockumentaire brillant et impertinent dans lequel on retrouve d’autres noms du stand-up tels que Doully, Aymeric Lompret et… Louis C.K., histoire de confondre encore davantage fiction et réalité. Jusqu’où Blanche Gardin ira-t-elle ?

jeanne

Dans le tout premier film de Céline Devaux, les rôles principaux joués par Laurent Lafitte (Jean) et Blanche Gardin (Jeanne) sont très travaillés et leur vont comme des gants. Alors que Jeanne est en pleine crise personnelle, par sa dépression qui commence solidement à s’installer et des dettes bien trop importantes, elle part, un peu malgré elle, à Lisbonne. Drôle de situation lorsqu’à l’aéroport, elle tombe sur Jean, ancien camarade de classe dont le caractère très blagueur et léger contraste à merveille avec l’ironie sarcastique de Jeanne. Ces deux personnages forment ensemble un duo franchement drôle, inscrivant le film dans plusieurs registres à la fois. Le thème de la reconstruction et de l’acceptation de soi (et des autres) n’est pas abordé sans humour dans Tout le monde aime Jeanne, film finalement très intime et libérateur. En salles le mercredi 7 septembre, nous avons hâte d’aimer Jeanne dans tous ses états !

Article rédigé par
Lucie
Lucie
rédactrice cinéma sur Fnac.com
Sélection de produits