LE CERCLE LITTÉRAIRE – Le coup de cœur de Evy V. (Sceaux). Avec Eden, Monica Sabolo signe un magnifique roman, original et intense, à la lisière du conte fantastique : dans « son » Jardin d’Eden (une forêt d’une région reculée que l’on croit deviner en Alaska), la nuit, il se passerait des choses bizarres qui attireraient les jeunes filles jusque vers le bar Hollywood (le fruit défendu) …
Eden
Le coup de cœur d’Evy V. (Sceaux)
La tentation
Fille d’un écrivain blanc venu s’installer dans une Réserve, Lucy aime s’aventurer seule, dans les bois, la nuit. Elle finit par y découvrir d’étranges éléments, comme des vestiges de rites initiatiques. Ne seraient-ce pas plutôt des traces laissées par un esprit de la forêt ? « Un esprit de la forêt. Voilà ce qu’elle avait vu », cette femme interrogée dans le cadre de l’enquête sur la découverte de Lucy, 15 ans, retrouvée nue et griffée, au pied d’un arbre, en état de catatonie, deux jours après sa disparition. Alors sur qui ou sur quoi Lucy est-elle tombée malencontreusement ?
La faute
Nita, camarade de classe de Lucy, essaie de se remémorer les événements ayant précédé la disparition de la jeune fille, pour tenter de mesurer si le mal aurait pu être évité. En fait, on comprend qu’il y a déjà eu d’autres disparitions bien avant celle de Lucy. Mais comment expliquer ces disparitions et parfois ces morts ? Les victimes auraient-elles commis une faute irréparable (envie de braver le danger) ? Aurait-on affaire à des actes d’intimidation perpétrés par les ouvriers de l’exploitation de l’oléoduc envers la population de la Réserve, ou à des actes irréfléchis d’hommes ivres sortant du Hollywood ?
Le paradis perdu
Le registre du conte gothique permet à Monica Sabolo de donner une certaine coloration et intensité au thème général de la disparition et de la perte : aborder ainsi la disparition du soi (perte d’intégrité physique ou psychique), la perte de l’innocence, et à la fois, nous sensibiliser à la problématique éco-sociétale de destruction de la forêt (et donc de disparition de la Réserve indienne) offre une dimension inattendue. Ainsi, dans Eden, la forêt se révèle, la nuit, lieu de tentations et de péchés, univers fantasmagorique hanté par des créatures surnaturelles. Cependant, la ressemblance avec le conte s’arrête là, car ce roman se révèle être beaucoup plus qu’une histoire où le fabuleux côtoierait le mal. A noter le style tout en retenue de Monica Sabolo, comme une invite à déceler, entre les lignes, des éléments du mystère…
En trois mots : Magnifique, cruel, original !
—
Parution le 13 janvier 2021 – 288 pages