Est-il nécessaire de présenter Arno ? Ce chanteur belge, attachant, parfois déconcertant dans le sens positif du terme, après quelques épreuves de santé dont il semble s’en être sorti vainqueur est de retour avec sa voix rocailleuse pour un album piano-voix reprenant ses principaux titres qui ont fait sa réputation. En collaboration avec Sofiane Pamart, il s’offre dans son plus simple habit. Dénudé, dépouillé, l’art d’Arno prend une tout autre dimension, révélant l’immense l’interprète qu’il est
Parcours d’un artiste atypique
Après quelques expériences au sein de groupes, c’est en solo qu’Arno se fait vraiment connaître. Sa voix rocailleuse, sa folie douce les font souvent être comparé à Jacques Higelin ou Tom Waits. Chantant en anglais, français et même flamand, Arno est de ces artistes, à la fois habitués au succès mais pas vraiment le chanteur populaire qu’il devrait être, en tout cas du côté français. Ses succès, il les doit principalement (mais pas que) à ses reprises décalées de standards de la chanson française ou anglo-saxonne. On peut citer dans le désordre Les filles du bord de mer d’Adamo, Elisa de Gainsbourg, Pauvres diables d’Iglesias, Mother’s little helper des Rolling Stones ou Knowing me knowing d’Abba. A chaque fois, interprétées à la manière d’Arno, c’est à dire avec ce petit côté bluesy, ces chansons, pourtant maintes fois entendues, sont avec lui d’étonnants ovnis musicaux enthousiasmant d’originalité. On lui doit aussi des titres comme Chic et pas cher; Putain, Putain et bien sûr l’incontournable Les yeux de ma mère ou Oostende bonsoir qui révèlent toute la sensibilité qui anime cet artiste.
De retour plus solide et émouvement que jamais
Entre blues, rock et bal populaire, l’art d’Arno est tout sauf lisse mais c’est justement cette rugosité qu’on aime chez lui. Poète imprévisible qui ne semble être à l’aise que sur scène, Arno n’en a pas fini de nous étonner. On a tremblé pour lui, il y a quelques mois suite à l’annonce de son cancer, mais notre belge est solide comme un roc. Il nous revient avec un album intimiste, épuré, dépouillé, sans artifices électriques, seulement avec ses mots, sa voix et les notes d’un piano effleuré par Sofiane Pamart.
Le projet Vivre est né dans la tête de Kenny Gates, co-fondateur de l’excellent label PIAS. Ce dernier, en regardant une vidéo de Serge Gainsbourg interprétant Aznavour au piano, se lance le défi de dresser une liste d’artistes auxquels il proposerait un album « sans décor, sans tricher, sans guitares lourdes ni rythmiques puissantes. Un album à l’état brut. ». Dans cette liste, il y a Arno qui s’est prêté au jeu avec le pianiste du moment, musicien virtuose de classique mais aussi artiste de rap, Sofiane Pamart. Pourtant pas vraiment de points en commun sur le papier mais c’est la magie de l’art et des artistes car le résultat est de l’émotion, de l’émotion, rien que de l’émotion.
En réinterprétant ses chansons de cette manière, Arno va à l’essentiel. La rencontre des deux artistes de générations différentes, d’horizons différents est bouleversante. Qui de mieux pour parler d’Arno que des belges. Interviewé dans l’émission Plan Cult sur la RTBF en avril dernier, le portrait de notre belge préféré était celui-ci : « Poète qui incarne la beauté et l’absurdité du pays que nous habitons, Arno est à la Belgique ce que les moules sont aux frites ; irremplaçable. Il fascine en se foutant de la bienséance et des stéréotypes« . L’album a été assez vite enregistré, preuve de la connexion des deux artistes.
Arno semble avoir retrouvé sa fougue surréaliste même dans cette configuration plutôt atypique pour lui. Même avec la fluidité du piano, Arno n’en devient pas lisse, il reste ce qu’il a toujours été un artiste atypique particulièrement attachant. Un commentaire sur youtube de la chanson Just a solo gigolo disait ceci : « poésie à chaque note, à chaque mot, à chaque silence« . Pas besoin d’en dire plus.
Just a solo gigolo
