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Le parfum des fleurs la nuit : douce méditation de Leïla Slimani

02 avril 2021
Par Le Cercle Littéraire
Le parfum des fleurs la nuit : douce méditation de Leïla Slimani

LE CERCLE LITTÉRAIRE – Le coup de cœur de Caroline L. (Cambridge). Pour la série « Ma nuit au musée », Leïla Slimani a accepté de passer une nuit à la Douane de mer de Venise, qui abrite un musée d’art moderne. Elle ne sait pas à quoi s’attendre : un gardien psychopathe ? des fantômes, des « revenants » ? De l’extérieur, la Douane ressemble à un bateau brise-glace, à l’intérieur « l’ancien et le neuf s’entremêlent ».

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Le parfum des fleurs la nuit

Le coup de cœur de Caroline L. (Cambridge)

Devant l’art moderne

Au début, sa tiédeur devant l’art moderne l’emporte : dans le bloc de marbre, le ballon banc en caoutchouc (de ceux qu’elle aime éclater avec une épingle), le sol couvert d’une poudre pailletée (si elle soufflait dessus ?), elle ne voit que de la trivialité. Duchamp ayant bien affirmé pourtant que c’est le regard qui fait l’œuvre, au fur et à mesure qu’elle traverse les salles, le dialogue s’installe entre son regard et l’œuvre qu’elle observe : devant des panneaux peints avec le vieux cire des cierges que les fidèles font brûler dans les églises de Rome : « si je tends l’oreille, peut-être entendrai-je les prières murmurées ? » Dans la salle des monolithes noirs éclairés de l’intérieur elle perçoit, renfermées dans ces blocs, les branches et les feuilles du galant de nuit, un arbre qu’elle connaît bien de son enfance à Rabat, qui parfume la nuit, le « parfum de la liberté » – le parfum du titre – et qui provoque ses « revenants », des souvenirs d’ enfance, de son père.

Rencontres

Au centre de sa visite sera une très riche série de rencontres : entre cultures orientales et occidentales – Venise étant au croisement des deux ; entre artistes et écrivains – nombreuses sont les références littéraires : elle est surtout impressionnée par la poétesse et peintre libanaise Etel Adnan pour qui l’écriture et la peinture se nourissent réciproquement ; elle découvre aussi, et le lecteur avec elle, l’influence d’Eugène Atget sur une photographe américaine, tous deux engagés à préserver la mémoire face à la destruction : Paris, New-York, Beirut, Sarajevo, Venise « qui porte en elle les germes de sa destruction ». Sa contemplation a son côté sombre.

Ce livre érudit et généreux est beaucoup plus qu’un simple récit d’une nuit passée, seule, dans un musée ; il est tout autant une réflexion sur la littérature, sur l’importance et le rôle de l’art et de l’écriture : « Exhumer, arracher à l’oubli, établir ce dialogue diabolique entre le passé et le présent ». Il incite le lecteur à réfléchir soi-même sur l’art et la littérature. Une méditation douce, éclairée et éclairante.

Paru le 20 janvier 2021 – 128 pages

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