LE CERCLE LITTÉRAIRE – Le coup de cœur de Sylvette C. (Castelnau). Voici un livre essentiel, qui remet à sa juste place le thème si actuel du consentement des filles face aux prédateurs sexuels. Ma sombre Vanessa est le premier roman de Kate Elizabeth Russel.
Ma sombre Vanessa
Le coup de cœur de Sylvette C. (Castelnau)
Voici un livre essentiel, qui remet à sa juste place le thème si actuel du consentement des filles face aux prédateurs sexuels. Ma sombre Vanessa est le premier roman de Kate Elizabeth Russel.
Vanessa et Strane
Un homme mûr parvient avec facilité à séduire une adolescente, la manipulant, lui laissant croire qu’elle seule décide de la limite à donner à leur attirance. L’intérêt que son professeur lui porte plait à Vanessa, bien sûr. Qui ne serait pas flattée à son âge ? Elle est consciente du danger de leur relation, même si elle veut absolument plaire à Strane… Et lorsque le pot aux roses est découvert, qu’elle comprend que Strane a sauvé sa peau, qu’elle est éloignée de lui, elle est obsédée par son souvenir. En alternance, on assiste à la vie de Vanessa dix-sept ans après ; elle est une jeune femme déroutée et fragile, suivie par une psychologue, indécise sur le sens à donner à son histoire. Et lorsqu’elle est sollicitée par une jeune fille elle aussi tombée sous le charme de Strane, elle refuse d’accabler son ancien professeur. Son amour pour lui va au-delà de ce qu’elle peut avoir subi. Elle oscille constamment entre avoir été une victime et avoir tout fait pour l’attirer à elle.
Entre traumatisme et reconstruction
Toute sa vie va se façonner autour de ces axes : ressentiment et amour. Elle va chercher encore et toujours à le retrouver, à s’interroger sur son propre rôle, absolution, pardon, besoin de le revoir, et dégoût d’elle-même et de lui. Vanessa vieillit et n’intéresse plus Strane sexuellement, mais ils continuent à se voir, à échanger parce qu’une part d’eux-mêmes a besoin de l’autre. Lui est dans l’inquiétude et l’angoisse qu’elle puisse parler, elle dans le besoin de reconnaissance. La reconstruction de Vanessa tarde à venir, elle ne peut se détacher de cette histoire. Le traumatisme persiste : « continuer à traverser ma vie cahin caha, en ayant le sentiment d’être une coquille vide, boire pour oublier, abandonner. » Elle échoue à dépasser cet amour et l’on assiste à la description minutieuse des conséquences psychiques d’une relation sans doute voulue mais tellement destructrice ; le malaise et le désarroi sont à chaque page. On peut parler d’emprise psychologique, dosée et rodée. Jouer sur la vulnérabilité de l’adolescence et sur l’emprise d’un adulte permet à Kate Elizabeth Russell de parler de la notion de consentement en maintenant une tension dramatique jusqu’au bout. On a du mal à se remettre d’une telle lecture.
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Parution le 1e octobre 2020 – 448 pages