LE CERCLE LITTÉRAIRE – Le coup de cœur de Françoise C. (Courbevoie). Dai Siji est un écrivain et cinéaste chinois, qui vit maintenant en France, principalement connu pour son roman Balzac et la Petite Tailleuse chinoise. Les caves du Potala est son dernier ouvrage en date, et remporte le Prix du roman historique aux Rendez-vous de l’Histoire de 2020.
Les caves de Potala
Le coup de cœur de Françoise C. (Courbevoie)
Dai Siji est un écrivain et cinéaste chinois, qui vit maintenant en France, principalement connu pour son roman Balzac et la Petite Tailleuse chinoise. Les Caves du Potala est son dernier ouvrage en date, et remporte le Prix du roman historique aux Rendez-vous de l’Histoire de 2020.
Bstan Pa, peintre de tankas pendant la Révolution culturelle chinoise
1968, de jeunes gardes rouges fanatisés sous le commandement de leur chef, le féroce Loup, tous étudiants aux Beaux-Arts de Pékin, occupent le Potala (lieu de résidence des Dalaï-lamas) jusqu’à la fuite et l’exil du quatorzième en 1959. Ils sont chargés de détruire tout ce qui symbolise la religion et la culture traditionnelle tibétaine : mise à sac des monastères, destruction des œuvres d’art, massacre des moines. Leur prise de guerre est le peintre Bstan Pa, peintre officiel du treizième et du dernier Dalaï-lama en exil. Bstan Pa est l’archétype d’une trajectoire traditionnelle dans le Tibet d’avant Mao. Il arrive au monastère à 8 ans où il sera éduqué et où son talent de peintre sera révélé. Peintre du sacré, réalisateur de tankas, rouleaux peints de toutes tailles décoratifs ou supports de méditation dans le bouddhisme tibétain. C’est l’un de ces tankas représentant une merveilleuse femme nue aux abords d’un lac sacré qui va servir de prétexte à son bourreau, le fameux Loup, pour le faire avouer sous la torture que sa sainteté « le fuyard », comme il le surnomme, était amateur « de femmes à poil » qu’il lui faisait peindre. Incompréhension de Bstan Pa, peintre du sacré qui refuse, en échange de sa vie, de renier tout ce qui l’a fait, tout ce à quoi il croit. Dans une dernière intériorisation, il va repeindre merveilleusement ce tanka qui le condamne, et oppose à la vulgarité, au fanatisme, à la sauvagerie, la beauté, la spiritualité, le sacré.
Délicate humanité
Dai Sijie dépeint avec rigueur et authenticité la tragédie d’un merveilleux pays, d’un souverain, le dalaï-lama puissant et respecté, et d’un peuple libre. Un Tibet que le pouvoir chinois, depuis Mao, n’a cessé de vouloir asservir, anéantir, assimiler, le but étant sa sinisation qui se poursuit aujourd’hui sous Xi Jinping. A travers ce roman et son héros, Dai Sije montre l’insensibilité, l’incompréhension et la peur de nations autocrates, expansionnistes, militantes comme la Chine, d’accepter la coexistence avec un pays comme le Tibet, où le sacré, le religieux, l’harmonie, la non-violence sont les seules armes de résistance.
De la belle littérature, des passages délicats et sensuels sur la réalisation des tankas, sur les visions … Merci à Dai Sijie de rappeler ce qui se joue au sein de notre humanité, au sein de notre monde et particulièrement dans ce Tibet martyrisé et oublié.
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Parution le 3 septembre 2020 – 192 pages