LE CERCLE LITTÉRAIRE – Le coup de cœur de Caroline L. (Cambridge). Arromanches en hiver. Le narrateur, parisien, vient y passer trois semaines pour essayer de retrouver de l’élan pour écrire, dans une maison dont une amie lui a prêté les clés.
Blockhaus
Le coup de cœur de Caroline L. (Cambridge)
Arromanches en hiver. Le narrateur, parisien, vient y passer trois semaines pour essayer de retrouver de l’élan pour écrire, dans une maison dont une amie lui a prêté les clés.
Arromanches en hiver…
Les côtes de la Manche au vent, sous la pluie, dans le froid et le noir de l’hiver n’ont rien qui soit, sur le coup, de séduisant, encore moins les blockhaus – ces survivants du débarquement de juin 1944 – qui rouillent, des massifs de béton et d’acier, sur la plage. La première nuit, le narrateur est surpris par l’apparition d’un homme qui titube devant ses fenêtres en criant sa tristesse avant de disparaître dans la nuit.
… ses mystères
Pendant la deuxième semaine, sa compagne Esther vient le rejoindre et ensemble ils font des promenades le long des côtes et découvrent le pub tenu par l’irlandais Rory et sa femme Suzanne, française, laquelle, tout en les soûlant à coups de irish coffee, leur raconte ce qu’a été sa vie, ses filles nées d’un premier mariage, sa rencontre avec Rory, ses regrets, ses espoirs. Et partout, il y a le souvenir, le spectre du débarquement,: ces épaves, avec leur lot de mystères, de souffrances, d’héroïsme, retracés au Musée du Débarquement et qui semblent toujours définir le lieu. Va-t-on percer le secret de l’homme mystérieux qui vient crier sa douleur dans son ivresse la nuit, devant la maison où le narrateur a trouvé refuge ? Va-t-on comprendre pourquoi Suzanne se trouve seule sur la plage après la fermeture du pub ?
… sa poésie
Ce roman est remarquable pour sa prose : Mathieu Larnaudie a le génie de trouver les mots pour dire les plus subtils, les plus fugitifs des sentiments, avec une lucidité saisissante pour décrire des états de conscience embrumée, estompée ; des mots qui mettent de la poésie même dans le crachin de Normandie, cette « fine pellicule humide déposée sur la peau et traversée de piqûres glacées… [qui] se confondait désormais avec le lieu lui-même, dont elle formait une sorte de variation tactile » ; et dans les ressacs la Manche, devant lesquels « on demeure médusé, encollé à sa monotonie, comme si une force magnétique nous y aimantait ». Tout comme ce conte peut nous aimanter et nous hanter.
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Parution le 13 mars 2020 – 112 pages