LE CERCLE LITTÉRAIRE – Le coup de cœur d’Evy V. (Sceaux). Construit sur la base d’une figure géométrique au nombre infini de côtés, dont la forme approche celle d’un cercle, l’Apeirogon de Colum McCann retrace l’histoire vraie d’une amitié improbable entre un Israélien et un Palestinien, deux pères en deuil, réunis dans un combat pour la paix, après que chacun ait perdu sa fille.
Apeirogon
Le coup de cœur de Evy V. (Sceaux)
Construit sur la base d’une figure géométrique au nombre infini de côtés, dont la forme approche celle d’un cercle, l’Apeirogon de Colum McCann retrace l’histoire vraie d’une amitié improbable entre un Israélien et un Palestinien, deux pères en deuil, réunis dans un combat pour la paix, après que chacun ait perdu sa fille.
Au centre du cercle : la rencontre de deux antipodes
En 1997, Smadar, adolescente israélienne, décédait suite à un attentat-suicide perpétré par trois Palestiniens.
Cherchant alors à calmer sa douleur de père, Rami Elhanan décidait de rejoindre l’association Le Cercle des Parents, fondée par le Palestinien Bassam Aramin, pour comprendre la haine ancestrale entre Israéliens et Palestiniens, et envisager des façons d’y remédier.
Un nombre infini de côtés : la guerre israélo-palestinienne, un conflit sans fin
En 2007, ce fut au tour de Bassam de perdre sa fille, Abir, 10 ans, tuée d’une balle tirée par un garde-frontière israélien.
Dès lors, « Bassam et Rami en vinrent à comprendre qu’ils se serviraient de la force de leur chagrin comme d’une arme ». C’est ainsi qu’ils militèrent au sein des Combattants pour la Paix parcourant le monde pour raconter leur histoire, et délivrer un message d’espoir, celui que le conflit israélo-palestinien puisse un jour se terminer (comme la Shoah…). Il est vrai que, dans un apeirogon, « Tout est atteignable. Tout est possible, même l’apparemment impossible. »
Adoptant en cela une philosophie de cercle vertueux, Rami et Bassam pensaient qu’il leur fallait parler, parler et parler encore, car plus le monde serait sensibilisé à leur cause et plus l’espoir d’évoluer vers un monde de paix pourrait se concrétiser.
Apeirogon : un roman conceptuel
Sur la forme, le livre Apeirogon peut être appréhendé également comme un apeirogon, tant ce roman est protéiforme : une chronologie éclatée, des inserts de photos ou interviews au sein de chapitres plus ou moins courts (comme fragmentés par une bombe)… Si bien que le récit oscille constamment entre exo-fiction et non-fiction, offrant des visions infinies du conflit israélo-palestinien (historique, géopolitique, religieuse, philosophique, musicale,…).
Dans ce roman kaléidoscopique, l’idée de Colum McCann est bien de montrer toutes les facettes de ce conflit complexe, tout en laissant place à l’espoir de repousser la mort : les messages de paix et de liberté répétés par Bassam et Rami sont symbolisés en miroir par le leitmotiv du thème des oiseaux (les deux colombes blanches sur la couverture représentent Bassam et Rami, notamment).
Avec Apeirogon, Colum McCann nous propose un récit d’une force inouïe, dont le fond est magistralement sous-tendu par la forme, pour coller au plus près du chaos dont il est question.
Alors certes, ce roman intellectualisé pourrait en dérouter certains au premier abord, mais il n’est en rien hermétique, pour preuve ce magnifique message empreint d’humanisme : « Faire évoluer ne serait-ce qu’une seule mentalité. Ce n’était jamais assez, mais ça valait tout de même le coup. »
À méditer !
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Parution le 20 août 2020 – 512 pages
Traduit de l’anglais (Irlande) par Clément Baude