Décryptage

Ubisoft : ce qu’il faut savoir sur le créateur de Rayman et Assassin’s Creed

23 septembre 2020
Par Valentin Boulet
Ubisoft : ce qu'il faut savoir sur le créateur de Rayman et Assassin's Creed
©Ubisoft

Comment une entreprise bretonne de fourniture agricole est devenue en quelques années le 3ème plus grand éditeur de jeux vidéo indépendants au monde ? Retour sur l’incroyable histoire d’Ubisoft, créateur de licences incontournables comme Rayman, Splinter Cell ou encore Assassin’s Creed.

Alors qu’ils sont encore adolescents, les cinq frères Guillemot, Yves, Michel, Claude, Gérard et Christian, passent un contrat moral avec leurs parents. Leurs études seront financées par la famille, mais en échange, ils devront chacun donner la première année de leur vie professionnelle à l’entreprise familiale. A la fin des années 80, l’entreprise de la famille Guillemot, spécialisée dans la vente de matériel agricole, est en grande difficulté. Mais les cinq frères vont rapidement sentir venir le vent du numérique sur l’économie française, et transforment astucieusement l’activité de l’entreprise, sans bouleverser la clientèle, en proposant des logiciels spécialisés pour le monde agricole. L’activité grimpe en flèche et l’entreprise se diversifie, jusqu’à devenir un grossiste de la vente de logiciels professionnels par correspondance. Pour la petite histoire, c’est notamment grâce à l’amitié de la famille avec Yves Rocher que l’activité explose. Le géant du cosmétique laisse la famille Guillemot utiliser sa plateforme de distribution.

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Mais c’est probablement le voyage de Michel Guillemot en Angleterre qui changera pour toujours la face de la petite entreprise familiale. Il y découvre l’industrie du jeu vidéo. Ils sont moins chers qu’en France et Michel Guillemot sent que le marché va exploser. Après son retour en France, Guillemot International est créé, avec pour but la distribution de jeux vidéo en France et en Europe.

Spécialisé depuis quelques années maintenant dans le logiciel, l’entreprise a déjà des développeurs entre les mains. En 1986, Yves Guillemot, tout juste rentré de San Fransisco où il a terminé ses études, lance Ubisoft, qui s’occupera aussi de la distribution de jeux vidéo américains en France, mais qui développera en parallèle ses propres jeux. Les premiers d’une longue série de succès. Concernant le nom de cette nouvelle entreprise familiale, beaucoup aiment à croire qu’il fait référence à l’acronyme d’Union des Bretons Indépendants. Une théorie toujours balayée par la famille, qui préfère mettre en avant le terme « ubiquité ».

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Les premiers jeux

Rapidement, le premier jeu Ubisoft voit le jour : Zombi. Adapté des films de la Saga des Zombies de George A.Romero, Zombi vous propose de parcourir un centre commercial infecté de zombies, qu’il vous faudra nettoyer de fond en comble pour pouvoir en partir. Premier coup dur pour les frères Guillemot, malgré deux ans de développement, le jeu ne se vend qu’à 600 exemplaires lors de sa sortie. Un échec qui va pousser Ubisoft à comprendre un peu plus les ficelles de ce marché naissant. En portant le jeu sur différentes consoles (Amiga et Atari ST notamment) au moment de leur sortie, le titre devient finalement un succès avec le temps. Cette présence au moment de la sortie d’une nouvelle console deviendra l’une des stratégies majeures d’Ubisoft, qui continue aujourd’hui encore à l’appliquer.

Toujours en 1986, Ubisoft sort un deuxième jeu : Manatthan 95. Comme pour Zombi, c’est un film qui sera à l’origine de ce jeu, sans que soit officiel. Escape from New York (New York 1997 en France), le film de John Carpenter, est entièrement repris pour construire le scénario du jeu. Snake, le héros du film, devient Snail. Pas très subtile. En revanche, le jeu apporte d’ingénieuses nouveautés, qui prouveront que le studio, en plus d’avoir de bonnes références de pop culture, a des idées. C’est probablement l’un des premiers jeux à proposer des réponses à choix multiples lors des scènes de dialogues. Un titre prometteur.

Michel Ancel et la révolution Rayman

A la recherche de nouveaux talents créatifs, Ubisoft lance alors un concours. C’est ainsi que la société met la main sur Michel Ancel. A 17 ans seulement, ce fils de militaire qui a voyagé aux quatre coins du monde au gré des affectations de son père, a déjà arrêté le lycée depuis un an et travaille depuis en tant que demomaker. Il développe un petit Shoot’em up, Mechanic Warriors, qu’il propose à Lankor. Le projet ne verra jamais le jour, mais son arrivée chez Ubisoft va tout changer. La famille Guillemot a un véritable coup de foudre pour le jeune garçon très créatif après sa participation à un concours organisé par l’entreprise qu’il n’a pourtant pas gagné et l’embauche directement pour travailler sur un autre Shoot’em up, The Intruder, qui reprendra la plupart des concepts de Mechanic Warriors.

Toujours dans le but de mettre la créativité au premier plan du développement de leurs jeux, les frères Guillemot vont alors investir dans un grand château en Bretagne pour y rassembler tous les développeurs de l’entreprise. En 1992, Michel Ancel retrouve l’un de ses dessins d’enfance, représentant un personnage à l’allure d’adolescent mou et bienveillant, avec l’étrange particularité de ne pas avoir de bras ni de jambes. Cette originalité va devenir une très grande force pour le développement du jeu : sans bras ni jambes à animer, les mouvements du personnage sont incroyablement fluides par rapport aux capacités techniques de l’époque. C’est la naissance de Rayman.

Prévu pour la Super Nintendo, Rayman sort finalement sur Atari Jaguar puis sur Saturn, PC et surtout Playstation, sur tous les continents en même temps, une première. Il deviendra le premier jeu vendu à plus d’un million d’exemplaires de l’histoire de la Playstation et s’imposera comme une mascotte de la console.

Le tournant Tom Clancy

En plein essor, Ubisoft rachète et fonde des studios un peu partout dans le monde. Mais c’est notamment le rachat d’un petit Studio de Caroline du Nord qui propulsera encore plus haut l’éditeur français. Le patron de ce studio connaît bien un certain Tom Clancy, écrivain célèbre et fondateur d’un petit studio de développement indépendant, Red Storm. Le studio, qui connaît déjà un certain succès notamment grâce à la sortie du premier Rainbow Six en 1998, deviendra une filiale d’Ubisoft en 2000. Alors que Red Storm se concentre sur ses principales licences, Rainbow Six et Ghost Recon, Ubisoft Montreal, tout juste créé grâce à des énormes avantages fiscaux offerts par le gouvernement canadien à l’éditeur français, travaille sur un autre jeu brandé Tom Clancy, qui connaîtra un certain succès…

Le 28 novembre 2002, Tom Clancy’s Splinter Cell sort d’abord en exclusivité sur Xbox avant d’arriver sur Playstation 2. La console de Microsoft, sortie un an auparavant, est toujours loin de rattraper la domination de Sony et sa Playstation 2. Un pari risqué pour Ubisoft, qui s’avérera extrêmement payant. Le jeu est encensé par la critique et reçoit le prix du meilleur jeu d’action/aventure à l’E3 2002. Quelques mois après sa sortie, 50% des joueurs Xbox possèdent Splinter Cell. C’est le départ d’une série de succès. Entre 2002 et 2013, sept jeux Splinter Cell verront le jour, pour 32 millions d’exemplaires vendus en tout. A partir de 2008, Ubisoft récupère l’intégralité et l’exclusivité des droits de la licence Tom Clancy pour un peu plus de 20 millions d’euros.

En 2003, c’est à nouveau Michel Ancel qui sera à l’origine de l’un des grands succès du studio, Beyond Good and Evil. Alors que le studio montpelliérain travaille sur Rayman 2, qui sera le premier passage d’une licence 2D à la 3D réussi, Michel Ancel est frappé par un bug qui permet à Rayman de survoler le niveau et de l’observer de haut. L’occasion pour le créateur de se pencher sur la notion d’espace et de liberté, ce qui le conduira à lancer le projet Beyond Good and Evil. Très ambitieux, tant sur la forme que sur le fond, ce nouveau jeu a besoin d’un nouveau moteur, ce qui fera fuir de nombreux développeurs de l’entreprise, impuissants devant l’exigence de Michel Ancel. Le studio développe alors le Jade Engine, du nom de l’héroïne du jeu, et s’offre de nouveaux rendus particulièrement réussis, notamment concernant la modélisation de l’eau. Le scénario, l’écriture soignée, les nombreuses cinématiques, la musique de Christophe Heral et l’émotion qui se dégage de ce titre lui offriront de nombreuses récompenses.

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De Prince of Persia à Assassin’s Creed

Parmi tous les rachats de studios, Ubisoft acquiert en mars 2001 la section divertissement de The Learning Company, à l’origine des jeux Prince of Persia. Pendant le développement de ce qui devait être une suite de Prince of Persia : les sables du temps, qui connaîtra une adaptation au cinéma en 2010, Ubisoft Montreal découvre les possibilités qu’offre la septième génération de console qui arrive, notamment en termes de monde ouvert. Les équipes décident alors de bâtir une toute nouvelle licence : Assassin’s Creed.

Mélangeant infiltration, action et exploration, la série Assassin’s Creed rencontrera un énorme succès se déclinera en 12 jeux différents entre 2007 et 2020, qui se dérouleront chacun dans une période historique différente. En juin 2019, la saga Assassin’s Creed revendique 140 millions d’exemplaires vendus.

La consécration Nintendo

Ce qu’Ubisoft avait compris en accompagnant la sortie de chaque console avec son tout premier jeu, Zombi, le studio français a continué de l’appliquer. Chaque sortie d’une nouvelle console était toujours accompagnée d’un jeu Ubisoft, pour le meilleur et pour le pire. Pour la sortie de la Wii U, qui restera probablement comme l’un des plus gros échecs commerciaux de Nintendo, Ubisoft propose Assassin’s Creed 3, et sera à l’origine de l’un des rares succès sur cette console avec la suite de la série Just Dance.

Cette marque de confiance a visiblement touché le constructeur japonais. A l’E3 2017, Yves Guillemot monte sur scène avec Shigeru Miyamoto pour annoncer la sortie de Mario et les Lapins Crétins : Kingdom Battle. Le jeu est alors en développement depuis 3 ans dans les studios Ubisoft. C’est la toute première fois que Nintendo daigne confier à un studio occidental l’une de ses licences, et pas n’importe laquelle, Mario. L’association avec les Lapins Crétins, encore et toujours créés par Michel Ancel, symbolise une filiation créatrice entre les deux studios, et offre à Ubisoft une place de choix dans l’histoire des jeux vidéo.  

Les titres majeurs d’Ubisoft

Rayman

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Egérie de la Playstation pendant de nombreuses années, Rayman a propulsé Ubisoft dans une autre dimension. Imaginé et développé par Michel Ancel, ce personnage sans bras ni jambe avait la particularité d’être par conséquent particulièrement simple à animer. Une caractéristique qui a offert au tout premier opus, sorti en 1995, une fluidité et un dynamisme impensable avec les technologies de l’époque. La licence connaîtra 5 jeux principaux, sortis entre 1995 et 2013 et de très nombreux jeux dérivés qui auront un énorme succès sur smartphones et tablettes. Rayman sera aussi à l’origine des Lapins Crétins qui rencontreront eux aussi un succès mondial, jusqu’à contribuer à l’association unique entre Ubisoft et Nintendo. Définitivement le pilier du studio français.

Splinter Cell

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L’arrivée de Splinter Cell en 2002 symbolise l’association entre Ubisoft et la licence Tom Clancy, qui offrira de nombreux succès au studio. En débarquant sur Xbox alors que la plupart du marché jouait sur Playstation, Splinter Cell avait su attirer l’attention grâce à sa rareté et à ses concepts innovants en termes de gameplay d’infiltration. Inspiré des jeux Metal Gear Solid, Splinter Cell fait aujourd’hui probablement partie des retours les plus attendus par les fans, qui n’en finissent plus de réclamer un nouvel opus à Ubisoft, après un dernier titre sorti en 2013.

Assassin’s Creed

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Alors qu’ils travaillaient sur une suite à la série Prince of Persia, les développeurs d’Ubisoft Montreal se rendent compte que les possibilités offertes par la septième génération de console peuvent leur permettre d’aller beaucoup plus loin. La création d’un grand monde ouvert permettra la naissance d’Assassin’s Creed, qui s’imposera rapidement comme la licence phare du studio. Fondée sur le principe de « l’Animus » qui permet de lire la mémoire génétique d’un sujet, la série Assassin’s Creed explorera les périodes les plus marquantes de l’Histoire de l’humanité, de la Grèce antique à la révolution française en passant par l’Egypte Ancienne. De quoi offrir à la saga un attrait médiatique très grand public. Avec 12 titres principaux (à l’heure où sont écrites ces lignes) et de nombreux jeux dérivés, les Assassin’s Creed ont été vendus à plus de 140 millions d’exemplaires.

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Article rédigé par
Valentin Boulet
Valentin Boulet
Conseiller fnac.com jeux vidéo et high tech
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