Pour cette rentrée littéraire, retrouvez Éric Laurrent avec Une fille de rêve, aux éditions Flammarion. Qui se souvient de Nicky Soxy, une starlette sans talent mais qui connaîtra malgré tout une certaine gloire médiatique ?
« La langue française est suffisamment riche pour que toute chose puisse être définie de manière juste. »
À quel moment de votre vie avez-vous voulu devenir écrivain ?
Éric Laurrent : « Dès l’âge de 16/17 ans, l’idée d’écrire commençait un petit peu à me travailler mais ça n’appartenait tellement pas à mon milieu, qui est assez populaire, que la perspective de devenir écrivain c’était à peu près aussi envisageable que d’aller passer des vacances sur la Lune. Il m’a fallu aussi du temps pour pouvoir quasiment oser penser que, un jour, je pourrais peut-être écrire un livre et être publié. »
Cette Fille de rêve, c’est l’héritière de Nana et la préfiguration de Nabilla ?
« Je recherchais un type, comme disaient les romanciers du XIXe siècle… Mais un type très contemporain, un peu l’équivalent de la lorette au XIXe siècle. La starlette, jeune femme assez jolie qui veut réussir à tout prix, était quand même un caractère hyper contemporain, qui semblait être relativement délaissé par les auteurs. Et je me suis dit : « Je vais essayer de m’intéresser. Peut-être pas d’épuiser le sujet mais de sentir ce qui peut pousser une jeune femme à vouloir être célèbre à tout prix. » »
Pendant l’écriture de ce livre, avez-vous été ému ?
« Je n’ai jamais ressenti une sorte d’émotion particulière, sinon la joie d’écrire, cette espèce de jubilation… Je me levais de mon siège, je ne vais pas dire que je trépignais de joie mais je sentais que physiquement -parce que c’est quand même un livre qui a des passages très drôles- je sentais que là, ça me rendait assez joyeux. »
Que dit cette jeune vie de splendeurs et de misères ?
« Je ne pouvais pas faire autrement que de rentrer dans sa peau. Au départ, j’ai tenté d’établir une distance et finalement j’avais adopté un ton plutôt ironique qui ne me convenait pas. Alors j’ai pris le parti de vraiment la faire mienne, de devenir cette jeune fille, surtout pour limiter la distance entre elle et moi, et cet espèce de surplomb.
Je ne veux pas dire que Nicky Soxy c’est moi… Mais pas loin. J’ai fini par lui donner ma date de naissance, des souvenirs qui me sont personnels et puis tout un ensemble de petites choses qui m’ont permis de rentrer totalement dans ce personnage. J’ai même pu lui donner une épaisseur psychologique que je ne pensais pas atteindre car c’est une fille dont la trajectoire n’est pas linéaire. Il y a tout un ensemble de rebondissements qui font que c’est une fille qui passe du bonheur au désespoir absolu. Je pense que pour traduire tout ça il fallait vraiment entrer dans la peau du personnage et l’aimer. »
Que faites-vous juste après avoir terminé d’écrire votre roman ?
« Quelque chose que je fais dès le lendemain : en commencer un autre. L’exaltation d’avoir fini un livre chez moi dure à peu près une dizaine d’heures, c’est-à-dire le temps que la nuit passe. Et dès le lendemain matin, plus qu’une angoisse, une terreur mêlée de désespoir s’empare de moi et aussitôt je pars sur un nouveau projet. »
Votre écriture est très raffinée. Est-ce que vous avez cherché à magnifier la trivialité ?
« Au début, ce style qui est le mien ne me paraissait pas très adapté au sujet parce que je me disais : « Une langue très élaborée pourrait évoquer une fille qu’on pourrait qualifier parfois de superficielle dans un monde qu’il l’est aussi. Est-ce que que finalement les deux sont missibles, comme on dit des liquides ? » Et en définitive, je me suis dit qu’on pouvait se saisir, après tout, de sujets triviaux avec une langue très recherchée et qu’au contraire, je trouvais que ça conférait au personnage des lettres de noblesse. Je trouvais que, finalement, dans cette espèce d’écrin un peu rococo, elle passait parfaitement bien. »
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Paru le 19 août 2020 – 256 pages