La caricature et la liberté d’esprit au service de la tolérance et de l’humanisme… Tel est le message du Gargantua de François Rabelais, une œuvre de la Renaissance dont la pertinence a traversé les siècles. Drôle et instructif, ce livre majeur rappelle comment la connaissance peut vaincre tous les obscurantismes.
Un langage très culte
Que l’on parle de repas « gargantuesque » ou « pantagruélique » face à une abondance de victuailles, ou de « guerre picrocholine » en assistant à un conflit absurde, que l’on déclare chercher la « quintessence » ou la « substantifique moelle » d’un concept ou que l’on désigne comme des « moutons de Panurge » tous ceux qui semblent suivre le troupeau, on emploie fort souvent le langage de Rabelais dans la vie de tous les jours. Si l’écrivain venu de Chinon a eu une telle descendance en matière de langage, c’est en partie parce qu’il a voulu rendre ses textes accessibles au plus grand nombre, et demeure l’un des premiers à avoir publié en français plutôt qu’en latin. Une forme démocratisée qui fait sens quant aux sujets de ses œuvres : avec cet auteur, la littérature est devenue le support de l’humour, de la scatologie et de la caricature, compréhensible par tout un chacun. Entre 1532, avec Pantagruel, et 1553, avec Le Cinquième Livre, Rabelais a narré les voyages de Pantagruel et la vie de son père Gargantua, en sortant la littérature de son ornière ecclésiastique. Vrai homme de la Renaissance, érudit, médecin, Rabelais peut être considéré comme le premier romancier de la littérature française, utilisant la fiction outrancière pour donner des clés de lecture à son époque et de vraies valeurs humanistes à ses lecteurs.
Par qui le scandale arrive
« Le rire est le propre de l’homme » rappelle Rabelais dans le prologue de Gargantua, sans doute son livre le plus accessible et le plus connu. De fait, entre la naissance du héros éponyme, fils de Grandgousier et de Gargamelle, et son éducation, d’abord par un moine, puis par de doux rêveurs parisiens, l’humour est au cœur de ce roman volontairement caricatural. Prétextant l’apprentissage de la vie par ce géant encore gauche, l’auteur caricature les doctes enseignements des ecclésiastiques de la Sorbonne, le géant Gargantua passant de cette influence à de nouvelles méthodes, basées sur la maxime « Fais ce que tu voudras ». Secoué d’épisodes scatologiques (le héros naît d’une contraction interprétée comme une flatulence, noie 260 418 Parisiens en urinant depuis les tours de Notre-Dame de Paris, etc.), le récit témoigne autant d’une volonté de rire avec le lecteur que d’une incitation à la paix et à la tolérance. Prouvant avec des siècles d’avance que la caricature pouvait parfaitement véhiculer un message politique, Rabelais reste l’auteur par qui la modernité est arrivée dans la littérature.
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Parution originale 1534 – 408 pages
Gargantua, François Rabelais (Points) sur Fnac.com
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