Depuis le 1er juin 2016, le manga de Katsuhiro Otomo est réédité aux éditions Glénat. Une nouvelle édition somptueuse, qui rend justice à son statut unique. À l’occasion de la sortie du cinquième tome d’Akira, retour sur la genèse de cette œuvre culte et fondatrice.
Au commencement était Fireball
Lorsque Weekly Young Magazine passe commande au jeune Katsuhiro Otomo d’un manga de science-fiction, l’auteur s’inspire d’abord de Tetsujin 28-go de Mitsuteru Yokoyama, pionner du manga mecha dans un Japon post-Deuxième Guerre mondiale. L’œuvre aurait dû être courte et sans prétention, mais Akira s’échappe des cases et prend une autre tournure : celle d’une pièce maîtresse aux folles ambitions esthétiques et politiques. Plus tard, le mangaka notera l’influence de sa nouvelle Fireball sur Akira. Publié en 1979, Fireball (à découvrir dans l’anthologie consacrée à l’auteur), est un roman inachevé d’une quarantaine de pages qui traite déjà entre les lignes du pouvoir des machines, d’expérimentations secrètes, de télékinésie, de révolte et de deux frères. À peine la prépublication d’Akira entamée dans Young Magazine, l’auteur comprend qu’il veut développer ce qu’il a touché du bout des doigts dans Fireball puis dans Dômu. Résultat : au lieu du one shot de 200 pages commandé par l’éditeur, Akira hantera les pages du magazine pendant près de dix ans, de 1982 à 1990.
Otomo visionnaire
Le succès est au rendez-vous. Et pour cause : l’histoire, dense et contemporaine, traite des angoisses d’un peuple japonais qui vit encore dans la peur du nucléaire et sous l’emprise des États-Unis. Sous l’influence de la technologie, la société change à grande vitesse, alors même que les violences contestataires de l’Armée rouge unifiée résonnent encore. Akira, œuvre cyberpunk visionnaire et pessimiste, débute en 2019, trente-huit ans après une Troisième Guerre mondiale qui a détruit Tokyo. Néo-Tokyo, mégalopole post-apocalyptique en construction, est l’aire de jeux de jeunes désœuvrés qui trompent l’ennui aux bornes d’arcade et en virée à moto. Une nuit, Tetsuo chute de moto en voulant éviter un enfant au visage de vieillard, planté au milieu de la route, tatoué sur le front du numéro 26. Blessé, Tetsuo est transporté dans un hôpital de l’armée et en ressort avec des pouvoirs surnaturels de plus en plus puissants.
Akira, l’édition ultime
Hormis ses qualités artistiques, le succès d’Akira chez nous tient à sa publication précoce à partir de janvier 1991, alors que les mangas en France en sont encore à leurs balbutiements. Après l’avant-gardiste et superbe film d’animation Akira (sorti en 1990), les lecteurs découvrent dans le manga un trait pas si étranger à celui de la BD franco-belge, l’influence de Jean Giraud sur Katsuhiro Otomo étant évidente. De quoi faciliter la lecture des 14 tomes qui sortent alors chez Glénat, avant une nouvelle édition anniversaire en 1999. Depuis le 1er juin 2016, 34 ans après sa première publication, Glénat réédite Akira dans son format original en 6 volumes bénéficiant d’une nouvelle traduction, des couvertures d’origine… et bien sûr, contrairement aux éditions précédentes, du sens de lecture original. Si la parution du 2e tome s’est fait attendre et a failli ne jamais voir le jour, la machine est désormais bien lancée, le volume 5 paraissant ce 20 mars. De quoi patienter jusqu’à l’ultime volume 6 (prévu pour mai) et relancer les rumeurs – de plus en plus persistantes – d’une adaptation en live action au cinéma. Après Ghost in the Shell et Alita, Akira viendrait ainsi alimenter le panthéon cinématographique des chefs-d’œuvre de la science-fiction japonaise. Ce ne serait que justice.
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