Simon, c’est un lapin bien connu des enfants, qui s’esclaffe sur la première couverture de ses aventures : « CACA BOUDIN ! ». Pour notre plus grand plaisir ! Stephanie Blake, rencontrée à l’occasion du Forum Fnac Livres, nous parle de son personnage politiquement incorrect pour un Raconte-moi un dessin lapinesque.
Comment avez-vous créé le personnage de Simon ?
Stephanie Blake : « Caca Boudin, c’est le premier livre de la série avec Simon. Avant de le trouver, j’ai fait dix livres avec d’autres personnages et j’ai commencé à me déplacer dans les écoles. J’ai vu que j’avais créé une passerelle entre le lapin, les enfants et moi. Quand je travaille, je pars toujours de moi, de mes émotions, de quelque chose que j’ai vécu, et je fais un petit pas de côté, car je suis une adulte et que je m’adresse aux enfants. Mais je m’inspire de tout ce qui est autour de moi, de choses que j’entends dans la rue, de choses que je peux vivre, etc. On pourrait presque croire que c’est moi, si je lui rajoute des cils ! ».
« Simon, c’est un peu ma part d’enfance. »
Comment parvenez-vous à vous adresser aussi facilement aux enfants ?
« J’ai mes émotions, je pars du principe que c’est universel : un homme, une femme, une petite fille ou un petit garçon va vivre la même chose. Tout mon travail consiste à faire un « pas de côté » pour pouvoir m’adresser aux enfants. Mon dernier album s’appelle Mais… c’est pas juste ! : j’avais vécu une histoire d’amitié un peu toxique… Cela faisait des années que j’étais amie avec une personne qui ne me faisait pas du bien. On a déjeuné ensemble et en rentrant je me suis dit « C’est pas juste, cette manière de me traiter » : je me suis dit que j’avais un titre. Mais entre le moment où j’ai le titre et l’idée, il faut un peu de temps. Je transpose mes émotions, je ne me dis pas « tiens, je m’adresse à un enfant ». Ma manière de m’exprimer, c’est avec ce personnage de Simon. Je ne peux pas exactement exprimer ce que je ressens, si je parle d’une histoire d’amour par exemple, car l’enfant ne traverse pas la même chose qu’un adulte, mais je me demande comment créer la passerelle et être dans un contexte qu’il pourra comprendre. ».
« Simon est une manière de dédramatiser le quotidien. »
« Je pratique beaucoup l’autodérision. Quand il m’arrive un coup dur, j’en ris. Je pense que les enfants sont toujours confrontés au fait de rentrer dans le moule et mes livres sont un cri de révolte, une manière de dire qu’on a le droit de dire non à un copain qui nous embête, on a le droit de ne pas toujours être d’accord… Souvent, on pense que les enfants, c’est un autre monde. J’ai plutôt l’impression que je reproduis ce que je vois. J’étais derrière une maman un jour… Son fils disait « Maman c’est trop pas juste, dans la cour de récré, si je fais pas ça, il sera plus mon copain, c’est pas juste. ». Et je me suis dit, il vit exactement ce que j’ai vécu avec l’amie que je ne veux plus voir ! Adulte, on essaie de tout expliquer, tout intellectualiser alors qu’un livre illustré c’est un peu magique. Il y a des choses qui échappent… Quand on crée, c’est avec ses tripes, avec tout ce qu’on est, et ce n’est pas toujours facile à expliquer… ».
Avez-vous envie d’écrire pour un autre public ?
« J’ai écrit une BD pour adulte, mais Simon me permet de m’exprimer pleinement. Pour l’instant, je le garde et je garde la tranche d’âge dans laquelle je me sens à l’aise. J’ai écrit quelques romans à L’École des Loisirs pour les douze ans, mais je ne suis pas très à l’aise avec cette tranche d’âge-là. Je m’inspire de tout. Mes livres, c’est comme un cri du cœur. Ça peut être un cri de joie, de colère… Je réagis avec Simon si quelque chose se passe dans le monde. Je pars de quelque chose que je ressens en moi. Si je n’ai pas d’idée de livre, je vais gamberger dans mon bureau, avec Simon, mes expressions… Mais je vais me dire que je n’ai pas grand-chose à raconter… ».
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