L’album pour la jeunesse L’Ombre du Golem est le fruit de la collaboration entre Benjamin Lacombe et Éliette Abécassis. À l’occasion du Forum Fnac Livres, Benjamin Lacombe nous parle de cette histoire surnaturelle, dans la Prague de Rodolphe II, pour un Raconte-moi un dessin étrangement contemporain….
Qu’allez-vous dessiner ?
Benjamin Lacombe : « Je vais improviser un peu et faire des dessins du livre qui paraît, L’Ombre du Golem avec Éliette Abécassis. Ces personnages, je les côtoie depuis un moment, car c’était un projet d’animation au départ et c’est devenu un livre. Ce film est toujours en projet, mais, malheureusement, il coûte très cher et a du mal à trouver la totalité de son financement. On a commencé le projet en 2009 et j’avais envie de proposer cette histoire au grand public. Pour moi, c’était la première fois qu’un projet d’animation devenait un livre. Il y en a eu d’autres mais qui se sont soldés par rien du tout… Mais c’est le lot de beaucoup, car c’est un médium qui coûte très cher et implique beaucoup de personnes, et c’est difficile de faire aboutir ce qu’on veut. C’est là qu’on comprend le luxe de l’édition et de faire des livres : on est le directeur, le réalisateur, le concepteur de tout. Ça donne un chemin de liberté qui est très appréciable. On a le sentiment de pouvoir maîtriser les choses et faire aboutir les choses comme on le voulait. »
Quel est le sujet de L’Ombre du Golem ?
« Cela se passe dans la Prague de Rodolphe II, il y a des agitations entre les religions, il y a du terrorisme. Quand on a commencé en 2008, il n’y avait pas ces problématiques actuelles. C’est bien d’interpeller et de faire réfléchir sur la société grâce à un roman dessiné. Ça a plus de force que de simplement relater un quotidien, des faits… On se rend compte que les schémas se répètent à travers le temps. On peut considérer le Golem comme un des premiers super-héros, un être surnaturel qui a des pouvoirs et qui protège une population qui en a besoin. On voit dans notre période que les super-héros sont très présents au cinéma : on n’a jamais eu autant besoin de super-héros. Ce livre montre que quand le quotidien est difficile à accepter, on en vient à s’inventer des personnages qui dépassent l’humain. »
« On peut considérer le Golem comme un des premiers super-héros, un être surnaturel qui a des pouvoirs et qui protège une population qui en a besoin. »
Quel est votre style en tant que dessinateur ?
« Cela dépend des périodes. Les gens prennent le dernier livre et qualifient mon travail comme si ce n’était que ça, alors que j’essaie de changer à chaque livre. Il y a des choses qui restent, bien sûr, mes personnages ont des yeux exacerbés, des grandes têtes… Je vais amplifier certains éléments physiques pour amplifier le facteur émotionnel. Je ne suis pas dans le réalisme, mais dans l’application de l’ombre et des lumières : il y a un sentiment du réel. Je joue sur les focales, les arrières-plans, les flous… C’est amusant de voir des enfants parler de mon travail qui disent « ah c’est hyper réaliste ! », mais si vous croisez quelqu’un comme ça dans la rue, il est très très malade ! Cette ambiguïté-là est intéressante : on a la 4K pour représenter parfaitement le réel ! Être dans l’interprétation, c’est ça qui m’intéresse. »
On est dans une société d’image, l’image est partout, et on ne la travaille pas tant que ça dans les livres !
« Je n’aime pas les écritures très proches du quotidien, du langage parlé. Les textes que j’aime, ce sont les classiques que j’illustre, ça va être un langage du XIXe : même l’écriture elle-même me fait voyager, ce ne sont pas des mots que j’entends tous les jours quand je vais acheter ma baguette de pain… J’écris pas mal de mes livres, même s’il n’y a pas un débit de texte fou : j’aime bien les deux, j’ai même écrit pour des livres que je n’ai pas illustrés. Pour le moment je reste sur des livres illustrés, ce qui est ma particularité. Ce qui m’intéresse, c’est le rapport du texte à l’image. C’est bête de limiter ça à l’enfance. Les illustrations du XIXe n’étaient pas toujours pour les enfants, et les gens comprenaient ça. On est dans une société d’image, l’image est partout, et on ne la travaille pas tant que ça dans les livres : c’est dommage ! Je pense qu’on a un double langage avec le texte et le dessin qui se mettent en contact. »
Quelles sont vos sources d’inspiration ?
« Je ne m’inspire pas d’autres dessins ou dessinateurs, car le dessin c’est de l’interprétation. C’est comme si je mangeais une nourriture déjà mâchée ! Mieux vaut s’inspirer du réel, des choses autour de nous, des couleurs, des moments, de photos, de films, de plans… Avoir quelque chose qui fait tilt, et on en fait complètement autre chose. Le dessin, c’est rester en éveil, l’œil ouvert, et proposer autre chose. »
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Parution le 27 septembre 2017 – 180 pages
L’Ombre du Golem, Éliette Abécassis, Benjamin Lacombe (Flammarion Jeunesse) sur Fnac.com