Après 70 ans de carrière, la voix rauque de Jeanne Moreau s’est tue ce 31 juillet 2017, quittant le 7e art pour rejoindre le 7e ciel. Mais plus qu’une voix, l’actrice incarnait une icône absolue du cinéma français, européen et international, une muse pour des réalisateurs éperdus par son charisme et son amour absolu de la liberté.
Jules, Jim… et Jeanne
Rejetée par son père quand elle lui avoua sa vocation de comédienne, Jeanne Moreau n’aura eu de cesse de vivre comme elle l’entendait. Un trait de caractère que l’on retrouve sans aucun doute dans cette faculté exceptionnelle à se dissimuler derrière ces personnages de femmes fortes, amoureuses, passionnées. Elle commence par se faire remarquer à 19 ans, au théâtre, en tant que pensionnaire de la Comédie-Française. Elle monte sur les planches du tout premier festival d’Avignon, en 1947, dirigée par Jean Vilar. Puis ce sera l’exploration des plateaux de cinéma. Un certain Orson Welles (qui deviendra son ami) la remarque très tôt. Mais il faudra attendre Le Procès en 1962 pour les voir collaborer de part et d’autre de la caméra. Entre temps, elle aura irradié le grand écran auprès de grands réalisateurs : Jacques Becker dans Touchez pas au grisbi en 1953, Jean Dréville dans le rôle-titre de La Reine Margot en 1954, Louis Malle dans Ascenseur pour l’échafaud en 1957 (sur une fantastique BO signée Miles Davis) ou Les Amants, et bien évidemment François Truffaut et ses 400 coups ou le trio amoureux de Jules et Jim en 1962 où elle entonne le célèbre Tourbillon de la vie. Le tournant de sa carrière !
La classe de Jeanne
Devenue star intouchable, Jeanne Moreau traverse avec aisance les décennies et les rôles de femmes de plus en plus fortes, mais toujours tourmentées. En égérie fidèle et talentueuse, elle retrouvera régulièrement les réalisateurs qu’elle aime et qui ont façonné sa carrière : Welles dans Falstaff et Une histoire immortelle, Malle dans l’enchanteur Viva Maria ! et Truffaut, encore et toujours, dans La Mariée était en noir. Mais elle s’abandonne également à d’autres metteurs en scène qui projettent sur elle d’autres fantasmes : des Valseuses de Bertrand Blier en 1974 à Cet amour-là de Josée Dayan en 2002, en passant par Monsieur Klein de Joseph Losey en 1976 ou Un amour de sorcière de René Manzor en 1997. On la retrouve également dans le cinéma exigeant de Fassbinder, à l’affiche de sa Querelle, en 1982. Elle accompagne le jeune Luc Besson lors de sa toute première incursion dans le monde du cinéma, dans son très bon Nikita, en 1990. Deux ans plus tard, elle glane son premier César pour son rôle dans La Vieille qui marchait dans la mer, aux côtés de Michel Serrault.
Que celle qui avait « la mémoire qui flanche » parte en paix, nous ne l’oublierons pas…