Chef de fil de la « nouvelle vague » littéraire venue du Nord, l’islandais Arnaldur Indridason entame un nouveau cycle polar avec Dans l’ombre, premier tome de sa Trilogie des ombres. Sortie le 2 février aux éditions Métailié.
Reykjavik, 1941
C’est dans une Islande occupée (mais officiellement « neutre ») qu’Arnaldur Indridason déroule le récit de son nouveau roman. Depuis 1940, Reykjavik sert de camp de base aux forces aériennes britanniques et américaines. L’auteur évoque ce que tout le monde appelait alors la « situation » (ou Ástandið). Autrement dit, cette époque singulière d’une Islande sous influence, où les soldats de Sa Majesté et les Marines US étaient presqu’aussi nombreux que les Islandais, affolant les cœurs de jeunes islandaises en mal de liberté. Une Islande où Reykjavik « était devenue une fourmilière », grouillant de militaires Alliés, d’Islandais venus de tout le pays en quête d’un avenir meilleur et d’habitants bouleversés, dépassés par tous ces changements. C’est donc dans ce contexte de transformation intense qu’Indridason a choisi d’inscrire sa nouvelle enquête.
Nouvelles têtes
Dans un appartement, un homme tué d’une balle dans la tête gît sur le sol. Une véritable exécution dont la scène de crime laisse deviner l’extrême violence. Dessinée sur le front du cadavre, une sinistre croix gammée sanguinolente… L’affaire s’annonce délicate. Elle est confiée au commissaire Flovent, membre de la Criminelle de Reykjavik. Pour l’aider dans sa besogne, le flic se voit flanqué du soldat Thorson, membres des services militaires Alliés. Un de ces « Islandais de l’Ouest », revenu il y a peu sur l’île après avoir passé toute sa vie au Canada. Arnaldur Indridason abandonne donc ici son Erlendur Sveinsson, inspecteur revêche à l’âme bosselée de La Cité des jarres, de La Femme en vert ou encore de L’Homme du lac, pour nous présenter un duo inédit de jeunes enquêteurs bienveillants mais opiniâtres.
Portraits islandais
Narration distendue, exploration du passé, enchevêtrement savant du vrai et du faux, empathie pour ses personnages… Dans l’ombre réunit tous les marqueurs des romans d’Indridason. L’écrivain y apparaît encore et toujours comme cet observateur attentif et compatissant de ceux qui restent quand « l’autre » a disparu. Une voisine, une gardienne, le propriétaire d’un immeuble, une prostituée, un médecin, un maître d’école… De rencontre en rencontre, Indridason nous promène de rue en rue, d’une strate sociale à une autre, accumulant les portraits d’hommes et de femmes pour mieux laisser se dessiner en filigrane celui d’un pays hagard, égaré. Le meurtre, l’affaire… tout cela reste finalement secondaire. Ils ne sont que le moyen, jamais la fin. Polar, roman d’espionnage, récit intime, drame social… Dans l’ombre est un peu tout cela à la fois, premier volet passionnant d’une trilogie qui s’annonce captivante. Si le tome 1 sort le 2 février, le second, La Femme de l’ombre, est attendu pour octobre, quant au troisième, Passage des ombres, pour mars 2018.
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Parution le 2 février – 352 pages
Traduit del’islandais par Éric Boury
Dans l’ombre – Trilogie des ombres, T.1, (Métailié) Arnaldur Indridason
Photo de l’auteur © Mordzinski – Métailié