Les quatre comédiens aux gueules de l’emploi, qui fleurent bon le maquis corse et la mafia marseillaise incarnent à merveille avec leur accent et leurs expressions fleuries cette bande de gangsters plus vraie que nature. Au programme, expressions fleuries et accents du sud.
Des loosers magnifiques
Ils rentrent tout juste d’une expédition de mise à mort complètement ratée : ils ont tué un handicapé, qui se trouve n’être pas du tout la personne initialement visée ! Dès lors, il leur faut trouver immédiatement un autre plan car la thune commence à manquer : c’est la crise dans le milieu des gangster aussi ! Il n’est donc pas facile de trouver une idée rapide à exécuter et rémunératrice.
Quand, à la lecture d’un Voici (comme quoi il n’y a pas de mauvaise littérature !) l’idée, la bonne, surgit : pourquoi ne pas kidnapper Sophie Marceau et exiger une demande de rançon auprès de son agent ?
Une grande démonstration du syndrome de Stockholm !
Sans trop en dévoiler, car tout le sel de cette histoire réside dans ses nombreux rebondissements et la surprise horrible et terriblement drôle de son twist final, sachez que rien ne fonctionnera comme prévu à commencer par une erreur sur la personne enlevée qui n’a rien à voir de près ou de loin avec Sophie Marceau, cette pauvre Joyceline Bompard qui a eut le malheur de se trouver au mauvais endroit (un salon d’esthétisme) au mauvais moment… En même temps avec un masque d’argile sur la tête, difficile de ne pas se tromper !
Une seule question se pose alors : faut-il la libérer ? La tuer ? Ou solution intermédiaire : la libérer après lui avoir crevé les yeux ?
Au fil des jours qui passent, des tergiversations, des parties de jeux société la situation de la jeune fille auprès de ces rustres va tout doucement glisser d’un rapport agressif et conflictuel à une relation proche de complicité amicale, un vrai syndrome de Stockholm incroyable !
Des spectateurs kidnappés pour leur plus grand plaisir
D’entrée nous sommes pris en otage affectif par ces quatre loosers, plongés direct au cœur de l’action et de ces personnages hauts en couleur.
Très vite, tout comme l’héroine malheureuse, jouée par la drôle et truculente Aurélia Decker, nous allons tomber sous le charme de ces quatre magnifiques ratés au langage cru et imagé avec des répliques à l’emporte-pièce qui font mouche. Ils ne sont pas sans nous rappeler des « tontons flingueurs » de bonne mémoire.
Le drolatique plein de bon senset pas très fûté Jean-François Perrone est étonnant de vérité, Philippe Corti en macho râleur au grand cœur, Denis Fraccini en chef de bande, dépassé par la bêtise incurable de ses camarades qui tentent de garder la tête froide au-dessus de la mêlée, irrésistible en intello citant Descartes. Enfin Eric Fraticelli en crétin magnifique, simplet et complètement gaffeur… qui a également signé ce texte et sa mise en scène.
Tous ces fabuleux acteurs contribuent à nous attacher à ces personnages qui, de pathétiques crétins, se révèlent malgré leurs faiblesses et leurs ratages, par d’infimes parts de vérités livrées avec parcimonie, par leur vélocité de répartie, leur humour, d’authentiques, maladroits, attendrissants êtres humains au grand cœur liés par un sens solide de l’amitié, avec lesquels on ne peut qu’entrer en empathie, laissant fuser nos nombreux rires et sourires.
Ce fiasco du siècle annoncé se révèle une très bonne soirée de théâtre pleine de bonne humeur avec la seule prétention de faire rire. Pour cette fois au moins, le « Clan » à parfaitement mené sa mission à bien !