Critique

A Vif : l’Etat est-il le seul responsable de la situation dans les banlieues ?

11 janvier 2017
Par Dominique
A Vif : l’Etat est-il le seul responsable de la situation dans les banlieues ?
©dr

Après vingt ans de carrière, de succès, dans le monde musical, de « Bercy » blindés, le rappeur Kery James (de son vrai nom Alix Mathurin) décide à 40 ans de mettre ses textes au service de la scène théâtrale. Cela avait de quoi intriguer fortement l’amateur de musique et de théâtre que je suis, d’autant que ça se passe dans une salle nationale, à la programmation éclectique et de qualité. C’est donc, non seulement intrigué, mais également attiré et inquiet que je me suis rendu au théâtre du Ron

Après vingt ans de carrière, de succès, dans le monde musical, de « Bercy » blindés, le rappeur Kery James (de son vrai nom Alix Mathurin) décide à 40 ans de mettre ses textes au service de la scène théâtrale. Cela avait de quoi intriguer fortement l’amateur de musique et de théâtre que je suis, d’autant que ça se passe dans une salle nationale, à la programmation éclectique et de qualité. C’est donc, non seulement intrigué, mais également attiré et inquiet que je me suis rendu au théâtre du Rond-Point mardi soir. 

cf908c15d11213801a613ff7341fb51dLe Choc !

Je me dois de vous préciser, tout de suite, que mes éventuels à priori ont été balayés d’emblée. Je fus entièrement conquis par un texte d’une force émotionnelle puissante, rarement entendue au théâtre, servie par deux comédiens exceptionnels, dans une mise en scène qui utilise de façon très efficace et intelligente le son et l’image.

Au cours d’un ultime concours d’éloquence qui clôture un cursus d’études au barreau de Paris deux jeunes apprentis avocats vont rivaliser sur le thème énoncé ci-dessus : «  L’Etat est-il le seul responsable de la situation dans les banlieues ? »

Souleymaan, jeune black issu des cités, va défendre la thèse de la responsabilité de chacun, tandis que Yann, interprété par Yannik Landrein, jeune homme blanc venant d’une famille, d’un milieu plus confortable, aisé, va argumenter sur le rôle, la pleine et entière responsabilité de l’Etat dans cette situation.

S’ensuit une joute oratoire de haut vol, qui laisse la place par moment à l’humour et l’ironie, qui surtout, aborde de nombreux thèmes sociaux et sociétaux graves, incontournables : l’école, l’éducation, le racisme, le déterminisme, l’ambition, la politique… etc.

Ici, pas de manichéisme primaire, par ce dédoublement très habile des points de vue, Kery James dresse l’état complet d’une société et de ses banlieues malades, renvoyant chacun face à ses responsabilités : les politiques, la République et les individus citoyens que nous sommes.

Une pièce d’utilité publique

Ce spectacle n’en finit pas de monter en puissance… Certes le texte est politique, mais ce n’est pas ce qui justifie à lui seul, la standing ovation spontanée à la fin du spectacle.

Si on écoute attentivement chaque mot, si nous sommes captés, happés dès le début, c’est d’abord que les propos sont pertinents, vécus, ressentis, mis en musique, parfaitement formalisés de façon parfois drôle ou poétique, mais surtout, magnifiquement incarnés par deux comédiens hors pair qui savent nous maintenir dans une attention permanente pour progressivement nous amener à un sentiment  qui nous déborde, jusqu’à nous faire frissonner, les larmes aux yeux, ce sentiment d’être en face d’un moment de théâtre unique, très fort, rare et précieux.

Vous ne pouvez l’éprouver qu’en de très rares occasions quand la mise en scène est entièrement au service d’un texte puissant, la souligne, la porte, quand deux hommes de chair et de sang, donnent toute leur vérité d’être humain à leurs personnages, leur cœur et leurs tripes.

Il n’y a plus qu’à laisser libre cours à notre émotion, les remercier par des applaudissements et des bravos frénétiques de nous avoir apporté, ne serait-ce que l’espace d’une parenthèse temporelle d’une heure et quart, une part de vérité vitale.

C’est pourquoi, je déclare, en cette année électorale importante pour la France, ce spectacle d’utilité publique, que chaque homme politique se présentant ou pas aux élections, se devrait d’aller voir.

Souhaitons à cette belle réussite tout le beau succès qu’elle mérite !

Et surtout, appelons de nos vœux, une très large diffusion, pour ce texte indispensable, bien plus loin que le Rond-Point des Champs Elysées, dans les provinces et les banlieues de France et de Navarre.

A Vif au Théâtre du Rond–Point

De : Kery James

Mise en scène de Jean-Pierre Baro, avec Kery James et Yannik Landrein

En tournée jusqu’au 17 mai 2017 – Réserver des billets

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Article rédigé par
Dominique
Dominique
passionné de Théâtre