Avec « Barlou », son cinquième album, on découvre un nouveau Seth Gueko. Plus mûr, plus dense, plus compact, le rappeur de Saint-Ouen-L’Aumône a épuré son rap et sa musique.
Le « Professeur Punchline » est de retour
Un an. Seulement un an après Professeur Punchline, Seth Gueko est cette fois rapidement revenu aux affaires. De son propre aveu, le rappeur du 95 a compris que le rap français allait trop vite aujourd’hui et qu’il ne pouvait plus laisser passer autant de temps entre deux projets sous peine de voir partir ailleurs la partie la plus versatile de son public. Seth Gueko qui avait plutôt l’habitude d’attendre deux ans entre deux albums a cette fois dégainé rapidement.Il faut dire aussi que Seth Gueko cohérent dans ses choix a su faire rapidement évoluer sa musique, qui a changé presque autant que son physique.
Transformation physique = transformation musicale
Aujourd’hui le rappeur de Saint-Ouen-L’Aumône est plus tatoué que jamais, il est costaud, il a la crâne rasé et possède tous les attributs du loubard, du blouson noir comme on l’imaginait dans les année 60-70, avec Harley Davidson, cuir, chaînes et clous. J’ai rencontré plusieurs fois Seth Gueko, je sais qu’il ne joue pas, que Barlou, c’est vraiment son état d’esprit du moment. Alors il pousse son nouveau personnage à fond. Par la passé, il a aussi revendiqué son appartenance à la cité ou à un clan gitan, mais jamais pour faire le buzz. Il croit en ce qu’il dit et ce qu’il fait a une cohérence évidente. Cette fois, il installe un « nouveau » Seth Gueko ou plutôt une nouvelle facette de sa personnalité, celle du Barlou, du super vilain, reconnaissant dans une interview pour le site Booska-P ne plus avoir l’âge d’être une racaille. Forcément, une telle évolution se ressent musicalement. Les punchlines sont toujours là mais prêtent moins à sourire qu’avant. Les sujets se font plus graves, moins légers même s’il est souvent question de sexe. Il a supprimé quasiment tous les gimmicks qui faisaient un temps sa force et son signe de reconnaissance. Aujourd’hui, et il le dit lui-même, il a prêté allégeance au rap hardcore (« Barlou »). Plus âgé, plus mûr, installé grâce à son bar en Thaïlande (qui a fait son entrée dans le guide du Routard, sacré clin d’œil), il se relance dans le rap avec envie et motivation. Simplement, il a vieilli, il n’est plus le même Seth Gueko qu’il y a quinze ans, celui qui commençait sa carrière avec fracas et insolence. S’il a gardé une évidente fraîcheur, elle s’accompagne cette fois d’expérience et de certitudes. Et tout concorde avec sa façon de vivre du moment. Il évolue, sa musique aussi.
Une musique plus sombre et plus investie
Plus sombres, les prods épurées presque à l’extrême et d’une simplicité étonnante, créent une ambiance bien noire, angoissante, glauque. Car si les punchlines existent toujours – Seth ne pourra jamais s’en empêcher – et qu’elles nous arrachent toujours un sourire, il faut y voir derrière un MC conscient de la situation sociale et politique qui se range évidemment auprès des plus faibles. Un barlou, c’est aussi un homme du peuple et Seth Gueko l’a très bien compris même si cette fois encore, il n’a pas besoin de se forcer pour se mettre dans cette situation et s’il multiplie les références salaces et sexuelles, il faut lire derrière l’humour et la provocation, la position du rappeur là pour transmettre de la force comme dans le titre « Vinyl et K7 » qui cache un discours très fort, sans doute aussi empreint d’une certaine nostalgie car si les temps changent, ce n’est pas forcément toujours dans le bon sens.
Un rap plus dense
Pour arriver à un tel résultat, Seth Gueko s’appuie sur une écriture toujours très imagée, mais de plus en plus stricte et sans fioritures. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à écouter le titre « Rubrique nécro » en featuring avec Lino. « Ma violence est artistique » y explique Seth qui s’est, si on peut se permettre ce terme « rockiser » dans le sens où sa transformation artistique va de pair avec sa transformation physique : il est plus dur, plus compact, son écriture est plus dense, plus serrée, plus précise, moins dispersée même si quelque punchlines bien drôles traînent toujours ici et là, parce qu’on ne se refait pas entièrement. Si les changement étaient déjà perceptibles dans les albums précédents, cette fois la mue est achevée et le disque correspond finalement à sa pochette : du noir, du blanc, de la simplicité et une espèce de clair-obscur en guise de lumière. Evidemment, il y a des exceptions comme « Morrey Davidson » ou « Versache » avec Gradur, des titres plus dansants où les jeux de mots sont plus nombreux, ou encore « Maître de cérémonie » un egotrip où Seth raffermit sa position car que personne ne s’y trompe, Seth Gueko est un poète moderne et il l’explique parfaitement dans ce titre où il dit : « La langue française est riche et j’ai la bouche en or ». Un barlou avec la bouche en or, quoi de plus logique finalement ?