RENTRÉE LITTÉRAIRE – Voici un roman coup de poing au rythme entraînant ! Pour son père qui pense que sa fille n’est pas de lui. Pour sa mère qui ne ressent que peur et dégoût à la vue de cette peau couleur de goudron, au point de songer à l’irréparable… Son besoin criant d’amour et de tendresse la poussera à commettre l’irrémédiable, à proférer un mensonge terrible, sans en mesurer les conséquences. Une vie détruite, pour un simple regard de sa mère…
RENTRÉE LITTÉRAIRE – Voici un roman coup de poing au rythme entraînant ! Délivrances, le nouveau roman de Toni Morrison, prix Nobel de littérature 1993.
Le désamour d’une mère
Née de parents « mulâtres au teint blond », la petite Lula Ann Bridewell est noire, très noire. Trop noire… Pour son père qui pense que sa fille n’est pas de lui. Pour sa mère qui ne ressent que peur et dégoût à la vue de cette peau couleur de goudron, au point de songer à l’irréparable… Sa naissance ayant brisé le mariage de ses parents, Lula Ann grandit seule avec sa mère, qui lui impose de l’appeler « Sweetness » (Douceur) au lieu de « Maman », et lui donne une éducation extrêmement stricte. Elle instaure une distance telle qu’elle se refuse à toucher sa fille. La petite va jusqu’à souhaiter et provoquer les coups rien que pour sentir sa mère la toucher. Son besoin criant d’amour et de tendresse la poussera à commettre l’irrémédiable, à proférer un mensonge terrible, sans en mesurer les conséquences. Une vie détruite, pour un simple regard de sa mère…
Toni Morrison © Mathieu Bourgois – 2009
Une enfance brimée, un mensonge fondateur, un destin scellé
Devenue une splendide jeune femme à la carrière florissante dans le secteur des cosmétiques, Bride inspire admiration et jalousie à son entourage. Et surtout elle arbore sa couleur de peau avec fierté et panache, en ne portant que du blanc pour en souligner l’éclat avec brio. Elle semble ainsi tenir sa revanche sur son enfance brimée, marquée par le rejet, l’indifférence et le racisme. Mais cette superbe assurance masque les traumatismes ancrés de son enfance et une culpabilité lancinante.
Abandonnée par son amant, lui-même hanté par ses propres fantômes, elle va accueillir une femme de son passé à sa sortie de prison, avec comme prétexte un cadeau ridicule et dérisoire. Démolie par la violence inattendue de la réaction de la femme, Bride est contrainte de faire face à ses mensonges. Elle décide de partir en quête de réponses de la part de son amant, qui l’a laissée sans aucune explication, et fera en chemin des rencontres marquantes, qui lui permettront de se reconstruire.
Une enfant au cœur du racisme
Dans ce roman, Toni Morrison aborde sans concession la condition raciale et la violence contre les enfants. Le racisme latent dont est victime cette petite fille noire est au-delà de toute ignominie car il provient de sa propre mère. Cette dernière s’en déculpabilise complètement en répétant inlassablement « Ce n’est pas de ma faute » et en justifiant son attitude haïssable par le fait de préparer sa fille à la cruauté de la société et au rejet. Mais elle est prise de court par les changements culturels de notre époque. Jusqu’à la dernière page, cette mère odieuse et aigrie crache son venin et son amertume envers sa fille.
Toni Morrison nous livre ici une fresque sociale terrible et bouleversante. La plupart de ses personnages sont hantés par une enfance marquée par la violence et l’abomination. Mais elle a su distiller un humour au charme indéniable et réserver des passages d’une forte intensité dans son récit, lui conférant un rythme entraînant. Son écriture poétique et sensuelle ne peut que nous séduire et nous envoûter, à l’image de Bride.
Le souffle de Beloved
L’auteure introduit avec finesse dans son récit une légère dose de réalisme magique : le corps de Bride semble furtivement reprendre les attributs de la petite fille qu’elle a été. Cette transformation invraisemblable la bouleverse et accentue sa prise de conscience, pour mieux souligner son cheminement cathartique vers la rédemption et une nouvelle vie, libérée de ses démons.
Avec ce roman, Toni Morrison retrouve le souffle toxique de Beloved et nous entraîne dans un récit puissant sur le racisme, les traumatismes de l’enfance et la rédemption.
Sortie prévue le 20 août 2015
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