Comment exorciser le suicide de son père, comment accepter l’inacceptable à travers des dessins plein d’émotion, comme toujours chez Aude Picault… La jeune femme nous emmène dans ses questionnements, sa révolte, sa détresse avec beaucoup de délicatesse et de retenue. Un beau livre…
PAPA en rouge, sur la couverture, tel un cri déchirant, c’est le papa d’Aude Picault, suicidé brutalement, par arme à feu… Ce papa sur la couverture, qui nous contemple avec un air goguenard, tout en curetant sa pipe, décontracté, les jambes croisées… C’est un papa sûr de lui, qui dit à sa fille que ça va aller, qu’il ne faut pas qu’elle s’inquiète. Une fille qui lui fait remarquer qu’il a un trou dans la tête, mais ce n’est pas important, c’est déjà de l’histoire ancienne pour lui… Et puis c’est un papa qui dit à sa fille que c’est un peu triste sur le moment, mais qu’elle va très bien s’habituer…
Aude Picault © L’Association 2012
Et Aude se replonge dans ses souvenirs. Un papa très ordonné, qui fait la vaisselle au fur et à mesure, un papa qui aime bien picoler, et qui fait les Bloody-Mary comme pas deux… Un papa qui dit des choses fascinantes et qui se foutait de sa gueule des fois, mais qui faisait en sorte qu’il y ait toujours des trucs à grignoter chez lui, parce qu’elle aime ça, elle, grignoter…
Mais c’est aussi un papa qui décide froidement de se supprimer, et qui laisse une note, froide, elle aussi… « On incinérera ce corps sans aucune cérémonie, ni familiale, ni amicale, avant que d’en disperser les cendres… »
A travers quelques dessins, très sombres et très expressifs, elle imagine sa mort, sa solitude dans la mort. Et sa réaction face à cette mort, son cri animal, son refus de le laisser partir et puis cette acceptation… Elle ne nous épargne pas ce qu’elle pense, cette attente de la découverte du corps et cette lente décomposition… Hurlement primaire de la première réaction, acceptation de la réalité et acceptation qu’il s’éloigne… Aude met tout en image, nous dévoile tout de sa détresse, de ses sentiments…
« Je te perds un peu plus, chaque jour qui passe ». Aude petite fille, Aude adulte, qui voit s’enfuir ses souvenirs avec son père… Les gestes du quotidien, que l’on se remémore lui avoir vu faire, ce coup de téléphone, que l’on sait ne pas être de lui… Ce refus de l’auteur que son papa ne soit qu’un souvenir mais cette note d’espoir à la fin, toute cette vie qui lui reste à vivre pour lui permettre de comprendre tout ce qu’il lui a dit…
Une libération, une victoire et surtout une acceptation, c’est tout cela qu’il y a dans ce petit bouquin qui m’a drôlement ému. A travers quelques traits, des mots bien choisis, des formes hachurées, Aude dit tout, ne nous cache rien et se dévoile, pour mieux se libérer… Une ode à la vie et à l’amour…
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