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L’Union européenne adopte un règlement pour un espace numérique plus sûr

25 avril 2022
Par Kesso Diallo
Le numérique sera bientôt régulé en Europe.
Le numérique sera bientôt régulé en Europe. ©Shutterstock

Le Parlement et le Conseil européen sont parvenus à un accord concernant la législation sur les services numériques proposée par la Commission.

L’Union européenne (UE) ne dispose pas de ses propres géants de la tech, mais elle entend bien imposer des règles à ceux d’autres pays, à l’image des Gafam. Dans la nuit du 22 au 23 avril, après des heures de négociation, elle a adopté sa législation sur les services numériques (DSA). Elle permettra de garantir que ce qui est illégal hors ligne l’est également sur Internet, en offrant un environnement numérique plus sûr pour les utilisateurs et en imposant de nouvelles obligations aux plateformes.

« Avec le DSA, le temps des grandes plateformes en ligne qui se comportent comme si elles étaient « trop grandes pour s’en soucier » touche à sa fin », a déclaré Thierry Breton, commissaire européen chargé du marché intérieur, sur Twitter. À l’origine du projet avec Margrethe Vestager, sa collègue à la concurrence, il avait proposé ce règlement aux côtés d’un autre : la législation sur les marchés numériques (DMA), qui a été adoptée le mois dernier.

De nouvelles règles pour les plateformes en ligne

Faisant office de pionnier en termes de régulation du numérique, l’Europe va obliger les plateformes en ligne, soit les réseaux sociaux et les sites d’e-commerce à prendre des mesures afin de protéger les utilisateurs contre les contenus, les biens et les services illicites. Elles devront leur permettre de signaler du contenu illégal en ligne avec « une procédure de notification et d’action plus claire ». Cela les forcera, par ailleurs, à réagir plus rapidement. L’UE prévoit également des « garanties renforcées afin de s’assurer que les notifications soient traitées de manière non arbitraire et non discriminatoire et en respectant les droits fondamentaux, notamment la liberté d’expression et la protection des données ».

Les sites d’e-commerce seront tenus de s’assurer que les produits et services achetables par les consommateurs soient sûrs. Pour cela, ils devront renforcer les contrôles permettant de prouver que les informations fournies par les vendeurs sont fiables, mais aussi effectuer, entre autres, des contrôles aléatoires afin de prévenir l’apparition de contenus illicites sur leurs plateformes.

En cas de non-respect des règles, les plateformes en ligne s’exposeront à des amendes pouvant aller jusqu’à 6% de leur chiffre d’affaires mondial. Elles devront s’y conformer d’ici fin 2022 ou début 2023, période où le DSA est censé entrer en vigueur. Ce délai sera plus long pour les petites et moyennes entreprises, dans le but de soutenir « l’innovation dans l’économie numérique », selon le Parlement européen.

Des obligations pour un Internet plus sûr

L’UE prévoit d’autres obligations pour offrir un espace numérique plus sûr aux utilisateurs. Elle va imposer une plus grande transparence aux plateformes concernant leurs systèmes de recommandation. Autrement dit, les usagers devront être mieux informés sur la façon dont les contenus leur sont recommandés et auront la possibilité de désactiver ce tri algorithmique personnalisé.

Côté publicité en ligne, les utilisateurs seront à même de mieux contrôler la manière dont leurs données personnelles sont utilisées et les données sensibles telles que l’orientation sexuelle, la religion ou l’origine ethnique ne pourront pas être utilisées pour du ciblage publicitaire. La publicité ciblée sera, en outre, totalement interdite pour les mineurs. Cela fait partie des mesures que les plateformes en ligne seront tenues de prendre lorsqu’elles sont accessibles à cette partie de la population.

Enfin, le DSA permettra de protéger les utilisateurs contre les « dark patterns », soit les interfaces truquées. Il interdira l’utilisation de ces dernières pour manipuler le choix des internautes. Les plateformes et sites de vente en ligne ne seront ainsi pas autorisés à pousser les usagers à recourir à leurs services, en donnant plus d’importance à un choix particulier par exemple.

Des règles spécifiques pour les très grandes plateformes

Le règlement sur les services numériques vise particulièrement les très grandes plateformes, à savoir, celles disposant de plus de 45 millions d’utilisateurs. En plus des autres règles, elles « devront se conformer à des obligations plus strictes en vertu du DSA, proportionnées aux risques sociétaux importants qu’elles représentent lorsqu’elles diffusent des contenus illicites et préjudiciables, y compris de la désinformation », a indiqué le Parlement européen.

Elles seront ainsi contraintes à une transparence sur le fonctionnement de leurs algorithmes, en permettant à la Commission européenne et aux États membres d’y avoir accès. Elles seront également obligées de rendre des rapports annuels sur les risques qu’elles provoquent et les moyens mis en place pour les atténuer dans les domaines de la diffusion de contenus illégaux, des effets néfastes concernant les violences sur les mineurs ou encore des conséquences sur la santé physique et mentale des utilisateurs. Elles devront aussi se soumettre à des audits indépendants chaque année.

Une adoption saluée aux États-Unis

Si l’adoption du DSA a été félicitée en Europe, elle a également été bien accueillie aux États-Unis. « Pour la première fois dans l’histoire, le public va pouvoir poser des questions indépendantes sur la façon dont Meta et les autres grandes plateformes fonctionnent et obtiennent les données pour voir la vérité », a déclaré Frances Haugen, la lanceuse d’alerte à l’origine des Facebook Files, sur Twitter. Cette adoption était aussi voulue de la part de personnalités politiques, comme Hillary Clinton, qui estime que les plateformes numériques ont amplifié la désinformation et l’extrémisme sans aucune responsabilité pendant trop longtemps. Elle avait appelé l’Europe « à faire franchir la ligne d’arrivée à la loi sur les services numériques et à renforcer la démocratie mondiale avant qu’il ne soit trop tard » le 21 avril.

Le même jour, l’ancien président Barack Obama a appelé à réguler les réseaux sociaux, accusant ces derniers d’avoir largement amplifié « les pires instincts de l’humanité ». Selon lui, « l’une des causes majeures de l’affaiblissement des démocraties tient au profond changement dans nos façons de communiquer et de nous informer ». Il s’est, par ailleurs, exprimé sur le phénomène de la désinformation, faisant référence à Donald Trump qui n’avait pas reconnu la victoire de Joe Biden fin 2020 et avait incité ses partisans à la violence, ce qui avait mené à l’assaut du Capitole début 2021.

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Article rédigé par
Kesso Diallo
Kesso Diallo
Journaliste