C’est un adage bien connu : trop d’info tue l’info. À tel point qu’au cours de la dernière décennie, cette problématique a eu droit à son propre néologisme. On parle désormais d’infobésité, fusion des mots « informations » et « obésité ». Depuis, scientifiques et professionnels alertent sur les risques que cela peut engendrer.
Vous vous sentez dépassé ? Comme si le monde vous échappait et vous avez du mal à le comprendre ? Les raisons qui peuvent amener à cette dissociation sont nombreuses. Si ça peut vous rassurer : vous n’êtes pas seul.
De nombreux chercheurs et lanceurs d’alertes n’hésitent plus à qualifier l’infobésité de « mal du siècle ». C’est le cas par exemple de Caroline Sauvajol-Rialland. En 2013, cette professeure à Sciences Po Paris publiait son livre Infobésité : comprendre et maîtriser la déferlante d’informations qui reste encore aujourd’hui une référence à ce sujet.
30 ans de croissance informationnelle
« Sur les trente dernières années, l’humanité a produit plus d’informations qu’en 2000 ans d’histoire ! », rappelle ainsi la lanceuse d’alerte, qui a fait de la surcharge informationnelle et du droit à la déconnexion ses chevaux de bataille. Les trois dernières décennies ont en effet vu naître les premières chaînes d’information en continu au tournant des années 1990, mais c’est surtout l’avènement du Web qui a accéléré cette tendance, suivi dans la foulée de l’explosion des réseaux sociaux. La conséquence : une propagation toujours plus rapide de l’information, accentuée par un besoin de se démarquer pour ces nouveaux médias, tout en traitant quasiment dans l’instantané.
« Aujourd’hui, nous vivons dans un monde rempli d’informations […] L’humain est au centre de ce phénomène, à la fois émetteur et récepteur de cette vague d’informations. Un bon nombre de personnes en voyant ces propos diront qu’être entouré d’informations est une bonne chose surtout si les informations se propagent aussi vite, mais nous voyons avec ce phénomène l’arrivée des fake news », analyse la professeure.
La concentration « volée »
Par ailleurs, une consommation trop importante d’informations, d’autant plus lorsqu’elle fait appel au sensationnalisme et aux émotions, peut aussi avoir des répercussions physiques, émotionnelles et intellectuelles. Stress, syndrome de débordement cognitif et d’épuisement professionnel, cyberdépendance, déficit de créativité, perte de mémoire, altération du jugement, indécision… La liste des symptômes est longue. « La croissance informationnelle se fait à qualité décroissante, avec des informations courtes qui en chassent sans cesse d’autres. Ce n’est pas satisfaisant. […] C’est pour cela qu’il y a un grand besoin de parler et d’échanger sur la façon dont chacun essaye de gérer ce flux incessant, qui nuit à la concentration, à la mémorisation, à l’état émotionnel. »
« Une petite étude menée auprès d’étudiants a révélé qu’ils ne se concentrent désormais sur une même tâche que pendant 65 secondes. Une autre étude sur des employés de bureau a montré qu’ils ne se concentrent en moyenne que pendant trois minutes. Cela ne se produit pas parce que nous sommes tous devenus individuellement faibles de volonté. Votre concentration ne s’est pas effondrée. Elle a été volée », expliquait ainsi le journaliste et auteur Johann Hari dans son ouvrage Stolen Focus (Attention volée).
Restez connectés, mais écrémez !
Dès lors, comment rester connecté à l’actualité sans pour autant s’y noyer ? Pour éviter de tomber dans ce piège de l’infobésité, chacun y va de sa parade. Comprendre la hiérarchisation de l’information apparaît comme essentiel. Mieux vaux ainsi privilégier des récapitulatifs de l’actualité à un temps donné (journaux télévisés, stories de journaliste-influenceur sur Instagram, newsletters, etc.) plutôt que traiter l’information à mesure qu’elle arrive : mettez-la de côté et abordez-la à un moment calme de la journée. Mettre régulièrement ses appareils connectés en mode « ne pas déranger » peut ainsi aider à trouver ce rythme. « Mais surtout, il est temps d’accepter l’idée que l’on ne peut plus être exhaustif. Il est désormais impossible de prendre connaissance de tout, et ignorer une information n’est pas grave. »