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Quelles solutions pour lutter contre la pollution numérique ?

31 janvier 2022
Par Pauline Garaude
Les équipements informatiques constituent la majorité de la pollution numérique.
Les équipements informatiques constituent la majorité de la pollution numérique. ©Andrew Rybalko / Shutterstock

Pourvoyeuse de nouveaux modèles économiques, l’industrie du numérique est aussi polluante. Comptant pour 2,5 % de l’empreinte carbone de la France, son poids devrait continuer à augmenter dans les années à venir. Allongement de la durée de vie des équipements informatiques, durabilité des produits, reconditionnement, meilleure gestion de son écosystème numérique… Tour d’horizon des solutions pour aller vers une plus grande sobriété numérique.

Par la quantité de matériaux et de ressources non renouvelables nécessaires à leur fabrication et par l’énergie qu’ils consomment pour fonctionner, les équipements informatiques sont responsables à 75% de la pollution numérique. Dans leur récente étude, l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques) et l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) rappellent qu’il faudrait augmenter drastiquement la durée de vie des terminaux, privilégier l’éco-conception, à savoir des appareils résistants, réparables, et produits à partir de matériaux issus de filières responsables, et privilégier par ailleurs la réparation pour éviter de racheter (surtout du neuf). 

C’est également le sens de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire qui oblige depuis le 1er janvier 2021 un indice de réparabilité  sur certaines catégories de produits tels les smartphones, ordinateurs et téléviseurs. Objectifs : limiter les déchets et préserver les ressources naturelles, la biodiversité et le climat.

Les appareils reconditionnés, dont les ventes en France augmentent un peu plus chaque année, sont moins polluants et doublent en moyenne la durée de vie des appareils. Selon le Baromètre numérique 202 de l’Arcep un produit reconditionné, réparé et soumis à garantie, a la même durée de vie qu’un produit neuf. « Les consommateurs sont tentés de renouveler de plus en plus fréquemment leur matériel. Or il faut les sensibiliser sur l’impact environnemental que représente cette boulimie de l’achat » rappelle Frédéric Bourdage, « militant » de la sobriété numérique et co-fondateur du collectif Green IT.

Les consommateurs sont tentés de renouveler de plus en plus fréquemment leur matériel. Or il faut les sensibiliser sur l’impact environnemental que représente cette boulimie de l’achat.

Frédéric Bourdage
militant, co-fondateur de Green IT

Mails, recherches et vidéo : la face cachée du Web

En une heure à l’échelle de la planète, nos mails consomment autant que l’électricité produite par 15 centrales nucléaires. Pourtant leur impact environnemental pourrait être considérablement réduit avec quelques bonnes pratiques. Comme le préconise le co-fondateur de Green IT, « il suffit par exemple de faire un tri quotidien de sa boîte pour supprimer les vieux mails et ceux qui se trouvent dans la corbeille et les spams. Il faut éviter le « répondre à tous » qui donne le sentiment de n’envoyer qu’un seul mail alors qu’il est multiplié par le nombre de destinataires. Il est mieux d’envoyer une pièce jointe en partage de fichier sur WeTransfer, par exemple, qui ne stocke les données que sur une durée limitée et enfin, de privilégier une signature texte à une photo ou un logo ».

« Mettre un destinataire en copie d’un mail, c’est comme envoyer 6 grammes de CO2 dans l’atmosphère. Pour une entreprise française moyenne, le courriel représente 13,6 tonnes. Et les recherches sur le Web seraient l’équivalent de près de 300.000 tonnes » note pour sa part le journaliste Jean-Luc Goudet dans Futura Sciences, en se basant sur des données de l’Ademe. Pour limiter l’utilisation intensive des moteurs de recherche et consommer ainsi moins d’énergie, quelques gestes simples existent comme rentrer directement l’adresse (URL) dans la barre de recherche, utiliser la barre de favoris de son navigateur internet pour les adresses souvent utilisées, fermer les onglets inactifs (on peut faire appel à un outil comme The Great Suspender). On peut aussi privilégier des moteurs de recherche plus vertueux comme Ecosia  (qui reverse 80 % de ses bénéfices à des programmes de reforestation), Lilo ou Ecogine (qui reversent une partie de leurs recettes à des associations environnementales), sans chercher toutefois  à profiter de l’efficacité d’un Google Search. Ecogine recommande en outre le stockage en dur : « stocker ses données sur un cloud nécessite des serveurs qui tournent à plein régime 24h/24, et aller sur internet consulter ses documents consomme deux fois plus d’énergie, alors que les stocker sur ordinateur ou disque dur ne consomme rien.»

Pour la lecture vidéo, la plus énergivore des activités numériques, là aussi, il vaut mieux télécharger les vidéos au lieu de les regarder en ligne, opter pour le format SD (480p) plutôt que HD (1080p ou 720p), ou adapter la résolution au terminal de visionnage consomme bien moins d’énergie !

Les plateformes de streaming proposent de changer la qualité de la vidéo.

Refroidir les data centers

« En 2030, les Datacenters au niveau mondial pourraient consommer 10% de la production mondiale d’électricité, contre 3 % actuellement selon les chiffres de Gartner. Et leurs émissions totales de GES pourraient passer de 2% à 14% en 20 ans. » s’alarme Frédéric Domange, fondateur du cabinet de conseil iDNA. Dans l’énergie consommée par un data center, le refroidissement totalise à lui seul 40% de la facture électrique. D’où l’étude de systèmes de refroidissement plus écologiques.

10
% de la production mondiale d’électricité pourrait être consommée par les data centers en 2030.
Source : iDNA

Parmi eux, le Freecooling (technique de refroidissement) qui consiste notamment à construire des data centers dans des régions froides afin d’utiliser l’air frais extérieur. En Europe du Nord, 6 data centers ont vu le jour en Islande et 263 sont déjà installés au Royaume-Uni. « Il existe des solutions de refroidissement par évaporation en contrôlant les températures des équipements informatiques et de l’éclairage. On peut construire des serveurs moins énergivores en réduisant leur carcasse, à l’image de Google qui a réduit de 50% sa consommation d’énergie » détaille F. Domange. À défaut de consommer moins, la chaleur dégagée par ces data centers peut être récupérée pour chauffer des logements, à l’image des bailleurs sociaux Paris Habitat et Gironde Habitat qui ont noué des partenariats avec des Datacenters pour chauffer plusieurs HLM.

Trois lois « anticarbone » 

Depuis le 1er janvier 2022, trois lois « anticarbone » ciblant le numérique sont entrées en vigueur pour contraindre les entreprises à communiquer sur leur empreinte environnementale. L’Arcep, le gendarme des télécoms, est chargé de collecter cette empreinte auprès des opérateurs télécoms, des services en ligne, des hébergeurs, des data centers, des prestataires de cloud, des fabricants de terminaux et des éditeurs de systèmes d’exploitation. Les Gafam ne seront bien sûr pas épargnées. Avec la loi « REEN » (Réduire l’empreinte environnementale du numérique), l’Arcep va mettre en place un « observatoire des impacts environnementaux du numérique » afin de comparer les différents  acteurs et les pratiques les plus vertueuses. Quant à la loi « AGEC » anti gaspillage pour économie circulaire, elle oblige depuis ce 1er janvier les opérateurs télécoms à communiquer à leurs abonnés « la quantité de données consommées et leur équivalent en émissions de gaz à effet de serre, au moins une fois par mois ». Un arsenal de mesures censé sensibiliser tous les acteurs du numérique, du constructeur au consommateur.

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Article rédigé par
Pauline Garaude
Pauline Garaude
Journaliste