Critique

Belphégor : HBO réveille un fantôme parisien avec élégance, mais sans grand frisson

11 décembre 2025
Par Sarah Dupont
"Belphégor", le 11 décembre 2025 sur HBO Max.
"Belphégor", le 11 décembre 2025 sur HBO Max. ©Pathé series/HBO Max/M6/Caroline Dubois

HBO Max accueille ce 11 décembre une nouvelle série bleu-blanc-rouge qui revisite un récit littéraire et audiovisuel bien connu. Belphégor livre quatre épisodes soignés et efficaces, sans pour autant proposer une enquête très palpitante ou singulière.

Un siècle après l’écriture du roman policier d’Arthur Bernède, Belphégor, le célèbre fantôme du Louvre, renaît sous la caméra d’une nouvelle génération. Série littéraire initialement publiée en 1927, plusieurs fois adaptée au cinéma et à la télévision, la figure masquée hante de nouveau les couloirs du musée le plus célèbre du monde grâce à une mini-série HBO signée Nils-Antoine Sambuc, Thomas Mansuy et Jérémy Mainguy.

Avec Shirine Boutella en tête d’affiche, cette relecture contemporaine rallume un mythe aux multiples métamorphoses, mêlant patrimoine, fantastique et fascination très française pour les mystères parisiens, même si elle n’en exploite pas toutes les promesses.

Héritage d’un classique

Voilà des décennies que cette figure mythologique, entre divinité et démon, inspire l’audiovisuel hexagonal. Le premier jalon remonte à 1927, lorsque Henri Desfontaines réalise un feuilleton cinématographique expressionniste, fidèle à l’ouvrage. Dans un noir et blanc très théâtral, le Louvre sert déjà de scène à un récit mêlant enquête et épouvante.

En 1965, c’est l’ORTF qui grave définitivement la silhouette de Belphégor dans l’imaginaire collectif, avec la réalisation de Claude Barma, qui accorde à ce fantôme un visage cireux et impassible, devenu culte et sublimé par l’interprétation de Juliette Gréco.

Mais cette aura faiblit en 2001, lorsque la caméra transpose le mythe en blockbuster. Sophie Marceau prête ses traits à une intrigue plus fantastique, où le masque devient artefact maudit. Le film ne convainc toutefois pas les cinéphiles.

Une relecture contemporaine

Absent du grand et petit écran depuis plus de deux décennies, HBO, en collaboration avec Pathé et M6, a tenté le pari d’offrir une nouvelle héritière contemporaine. Cette fois, le récit suit une jeune restauratrice d’art confrontée à un masque mésopotamien associé à Baal-Phégor.

Dès sa découverte, la protagoniste se met à souffrir d’événements étranges, de pertes de mémoire, se retrouve soupçonnée de son vol et voit se dessiner un lien personnel avec cette entité, à la frontière entre réalité et paranormal. Le Louvre, filmé avec une belle précision sensorielle, devient un espace ambigu, menaçant, mystérieux.

Shirine Boutella dans Belphégor.©Pathé series/HBO Max/M6/Caroline Dubois

Car la grande réussite de cette mini-série tient à sa mise en scène. L’esthétique, sombre et feutrée, magnifie les galeries désertes, les réserves, les sous-sols labyrinthiques. Les couloirs s’étirent dans des jeux de contrastes qui donnent un relief fantastique. La photographie, proche du clair-obscur, parvient à installer une tension continue, dans l’imagerie attendue du fantastique français.

Kad Merad dans Belphégor.©Pathé series/HBO Max/M6/Caroline Dubois

Cette élégance s’accompagne d’une direction d’acteurs solide. Shirine Boutella incarne avec sensibilité une héroïne instable, dont la fragilité psychologique s’accorde bien au trouble diffus du récit. Vincent Elbaz et Kad Merad apportent au projet des présences complémentaires : l’un dans la tension physique, l’autre dans une gravité plus naturelle. Dans un entretien accordé à L’Éclaireur Fnac, Kad Merad a évoqué ce plaisir à explorer « des facettes plus intimes » en série.

Une mini-série trop sage

Reste que Belphégor peine parfois à transcender son matériau. Si l’installation est impeccable, le récit prend son temps au point d’émousser la tension. Le mystère s’épaissit par strates, mais sans exploiter pleinement l’ambivalence pourtant fertile du mythe. On perçoit les prémices d’un grand jeu sur le doute, mais la série préfère la cohérence à l’audace.

Vincent Elbaz et Aure Atika dans Belphégor.©Pathé series/HBO Max/M6/Caroline Dubois

Le scénario, relativement convenu, reste centré sur une intrigue de vengeance, de passé enfoui et de culpabilité. Le Louvre, pourtant utilisé avec intelligence, aurait pu servir de catalyseur pour un dialogue plus poussé entre mythe, art et mémoire. Là où on pouvait espérer une mécanique ésotérique plus ambitieuse, presque à la Da Vinci Code, le show choisit une trajectoire plus rationnelle, ancré dans le réel.

Les dialogues parfois attendus et des personnages secondaires un peu sages empêchent l’ensemble de briller. Reste une mini-série élégante, soignée, parfaitement tenue. Un thriller patrimonial dont la mise en scène mérite l’attention et dont l’interprétation tient la promesse. Mais la série, malgré ses qualités, ne parvient pas à offrir le vertige espéré.

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