Éric Sadin est de retour en librairie avec un essai philosophique et anthropologique sur les IA génératives. Dans Le désert de nous-mêmes, l’écrivain français interroge les dérives de l’intelligence artificielle depuis la création de ChatGPT en 2022.
Le 3 octobre dernier, Éric Sadin dévoilait son nouveau roman, Le désert de nous-mêmes, aux éditions L’échappée. Dans celui-ci, l’écrivain et philosophe français s’interroge sur les dérives de l’intelligence artificielle depuis l’émergence de Chat GPT en 2022. Son arrivée représente aujourd’hui un tournant intellectuel et créatif aux conséquences sociales, culturelles et civilisationnelles importantes.
Dans son livre, l’homme de lettres a d’ailleurs identifié trois corollaires. Premièrement, l’intelligence artificielle encouragerait l’hégémonie d’un langage standardisé et mathématique. Deuxièmement, nous ne serions plus capables de tracer l’origine d’une image. Sa distinction serait rendue impossible, tout comme sa nature. Enfin, l’IA serait capable de remplacer l’être humain dans plusieurs tâches à hautes compétences cognitives modifiant fondamentalement les métiers liés aux services ou à la culture.
Imaginé comme un manifeste, Le désert de nous-mêmes est avant tout un essai philosophique sur notre société à l’ère de l’intelligence artificielle ; une intelligence qui nous « rendrait absents de nous-mêmes ». C’est aussi une réflexion démocratique sur la place et le pouvoir de l’empire de la tech depuis le 30 novembre 2022, une « date décisive dans l’histoire de l’humanité », selon le philosophe, puisqu’elle marque la création de ChatGPT.
Déshumaniser
Spotify envahi à 30% par des tubes générés artificiellement, coups de communication autour de Tilly Norwood, une actrice créée de toutes pièces, licenciements massifs dans les entreprises, dégâts irréversibles sur l’éducation et l’enseignement sont aujourd’hui les conséquences réelles et terribles de l’émergence de l’intelligence artificielle, égrenées par Éric Sadin.
Ce dernier dénonce « un utilitarisme pratique » et une exploitation par les grandes firmes de la tech « d’une propension à la paresse » sur le plateau de Quotidien : deux caractéristiques qui représentent pour l’écrivain une « forme de renoncement à nos facultés ».
Interrogé dans cette émission sur l’interdiction de l’IA, Éric Sadin alerte, par ailleurs, sur la distinction à faire entre une intelligence artificielle qui organise les affaires humaines (à l’œuvre depuis 20 ans) et les intelligences artificielles génératives, récemment créées, c’est-à-dire celles qui ont un impact anthropologique sur ce qui fait de nous des humains, au risque de voir « des super-assistants » débarquer dans nos vies.
Un combat latent
Yann Barthès, l’animateur de Quotidien, n’a pas hésité à comparer le livre à « une œuvre aussi importante que La société du spectacle de Guy Debord » [qui dénonçait en 1967 la société de consommation à l’horizon de mai 1968, ndlr]. Mais ce n’est pas la première fois qu’Éric Sadin s’exprime sur les dérives du numérique. Dans La vie algorithmique (2015), La silicolonisation du monde (2016) ou encore La vie spectrale (2023), il décrivait déjà le basculement de notre société, dont l’IA fait aujourd’hui partie et face à laquelle il est primordial de s’organiser, selon lui, afin de conserver notre singularité humaine.