Les aventures de George Lucas se poursuivent en BD. Rencontre avec le scénariste Laurent Hopman et le dessinateur Renaud Roche, les auteurs de la saga Les guerres de Lucas, à l’occasion de la sortie du deuxième tome qui plonge dans les coulisses de Star Wars.
Conflits entre cinéastes, innovations technologiques et utopie cinématographique. Après un premier tome palpitant, qui a remporté le prix de la BD Fnac France Inter en 2024, la saga Les guerres de Lucas continue. Dans le tome 2, nouveau défi pour George Lucas : la production de L’Empire contre-attaque (1980). Après le succès du premier opus de sa saga Star Wars en 1977, le réalisateur ne veut pas s’arrêter là. Il rêve grand : pouvoir créer en toute autonomie, affranchi des studios hollywoodiens. De l’accident de voiture qui défigure l’acteur de Luke Skywalker au poids de la réalisation d’Indiana Jones en parallèle, en passant par le manque de financements… Le rêve tourne vite au cauchemar. Pris dans le tourbillon du tome 1, les auteurs nous amenaient presque à croire que le premier film Star Wars ne sortirait jamais au cinéma, tant les péripéties s’accumulaient. Dans ce nouveau volet, c’est la santé de George Lucas, happé par ses projets, qui vacille.
Les coulisses de Star Wars ont été maintes fois racontées. L’originalité de cette BD ? Laurent Hopman et Renaud Roche plongent dans la galaxie de George Lucas, ses remises en question, sa relation de couple ou encore ses amitiés du 7e art. Les auteurs dressent alors le portrait d’un homme introverti, totalement dévoué à son art. Une odyssée personnelle qui raconte un moment de bascule de l’histoire du cinéma.

Comme le premier, le tome 2 fourmille de détails, d’anecdotes et de faits méconnus sur Stars Wars et la vie de George Lucas. Aviez-vous tout de suite imaginé déplier cette histoire sur plusieurs tomes ?
Laurent Hopman : Dès le départ, on a conçu ce projet de BD sous forme de trilogie. Il y a tellement de choses à raconter sur cette période de la vie de George Lucas… Avec Renaud Roche, nous sommes tous les deux fans de Star Wars, on connaissait tout ce qui avait été dit sur le making-of des films. Mais ce qui nous a captivés, c’est l’histoire personnelle du réalisateur lorsqu’il a réalisé ces films, les personnes qui y ont participé, qui l’ont aidé, et celles qui lui ont mis des bâtons dans les roues. Toutes ces péripéties sont moins connues du grand public. C’est cette trajectoire humaine qu’on voulait raconter, parce qu’elle nous semble la plus intéressante du point de vue du créateur et de son cheminement.
Quelles sont vos sources ?
L. H. : Star Wars est un sujet qui a déjà été énormément traité. Grâce à son succès, toutes les personnes qui ont travaillé dessus, du moindre figurant aux cascadeurs et aux techniciens, ont été interrogées. Les témoignages les plus intéressants sont ceux de l’époque de la sortie du film, ils ont quelque chose de très spontané et sont riches en confidences. Ces archives nous ont permis de découvrir George Lucas en tant que créateur, mais aussi en tant qu’individu. C’est quelqu’un de très réservé, qui ne dit pas grand-chose sur lui-même. Heureusement, les gens qui l’ont connu parlent de lui et dressent le portrait de quelqu’un avec de grandes qualités. On le voit dans le livre, surtout dans le tome 2 ; il est tenace, généreux et entièrement tourné vers la création, il veut l’encourager et va aider tous ses copains réalisateurs. C’est vraiment quelqu’un d’humainement bon. C’est assez rare à ce niveau de notoriété et de succès.
Renaud Roche : Ce que je voulais avec cette BD, c’était comprendre qui était George Lucas à ce moment de sa vie et ce qui l’animait. Hollywood est un milieu féroce et ce n’est pas pour rien qu’il a voulu s’en retirer. Il ne s’est pas construit pas en fonction de la réussite matérielle et, dès qu’il en a eu, il l’a tout de suite transformée en création, en production et en développement d’innovations technologiques. C’est ce qui me fascine chez lui.
Après le succès du tome 1, vous avez pu rencontrer le public. Qui étaient les lecteurs ?
R. R. : Il y a eu une évolution. Au moment de la sortie, ça manquait de diversité, c’était avant tout de vrais fans de la saga, plutôt des hommes, d’une certaine génération, et, quand on rencontrait enfin une jeune fille, c’était souvent pour offrir l’album à son père. Puis, la BD a eu du succès et on a commencé à sortir de la communauté de fans, avec davantage de jeunes garçons et filles, parfois moins connaisseurs de la saga, mais qui avait apprécié le récit de la BD. C’était le pari de cet album : une histoire qui inspire au-delà des fans de Star Wars. Ça nous est même arrivé de rencontrer un lecteur qui nous a dit qu’il n’avait jamais vu les films, mais adoré la BD.
Vous revenez d’un voyage en Californie, à l’occasion de la sortie des Guerres de Lucas aux États-Unis. Qu’en avez-vous tiré ?
L. H. : Nous avons répondu à une invitation de certains proches collaborateurs de George Lucas pour visiter son ranch, le Skywalker Ranch, construit en 1987. On en a profité pour aller dans les bureaux de Lucasfilm et ILM pour une séance de dédicaces. Il y avait une ambiance surréaliste : être dans la maison-mère et voir de grands artistes, comme l’un des directeurs artistiques les plus célèbres d’Hollywood, qui faisaient la queue pour se faire dédicacer le livre, tout ça dans une ambiance familiale. C’était une sorte de mise en abîme.
Et côté dessin ?
R. R. : J’aurais voulu prendre un million de photos… mais ce n’était pas possible. Je me suis donc concentré sur l’atmosphère du ranch. Il y avait quelque chose de sacré à fouler cette terre, un peu comme un pèlerinage. Ce lieu est central dans le tome 2 de la BD, c’est le fil rouge qui va conditionner tout le reste. Dans l’esprit de George Lucas, la suite de Star Wars ne va pas sans ce lieu de création. C’était son utopie : un lieu de création loin d’Hollywood, où lui et ses amis pourraient créer et être libres artistiquement. C’est le vrai projet de sa vie.
Y avait-il une scène que vous aviez hâte d’illustrer ou d’écrire dans ce tome 2 ?
L. H. : J’ai toujours beaucoup d’affection pour les conflits. J’aime mettre en scène les difficultés que George Lucas a affrontées. À Hollywood, le nerf de la guerre, c’est l’argent. Dans le tome 2, ce qui me fascinait était de voir à quel point il a pu être maltraité quand il a tenté de financer L’Empire contre-attaque, alors même qu’il avait déjà eu un succès gigantesque avec American Graffiti (1973) et que son deuxième film, c’est Star Wars, le plus gros succès de l’histoire du cinéma.
R. R. : Sur le plan visuel, j’aime toujours les pages qui traitent des versions préliminaires du scénario. On a la possibilité de mettre en images des choses qui n’ont jamais été montrées dans les films. Mais j’ai surtout adoré les pages sur Indiana Jones, sorti en 1981 ; ça me permettait de faire un pas de côté de l’univers de Star Wars.
Dans la BD, George Lucas est tracassé par la qualité de son deuxième film Star Wars. Vous sortez le deuxième tome de votre BD. Est-ce que ce sont aussi des questionnements qui vous ont traversés ?
R. R. : Tout au long de la création de ce deuxième tome, on rigolait de ça. Il y avait beaucoup de parallèles entre la suite de Star Wars et notre propre histoire, toutes proportions gardées, bien sûr. Mais on s’est parfois retrouvés face aux mêmes enjeux, à se demander comment réaliser un deuxième chapitre de qualité après le succès du premier tome.
L. H. : Comme le film L’Empire contre-attaque, ce tome 2 est un livre du milieu et ça le rend complexe à terminer, parce qu’il n’y a pas de réelle conclusion. Les fans de Star Wars sauront repérer que la dernière case est un clin d’œil au dernier plan de L’Empire contre-attaque… je n’en dis pas plus. La porte reste ouverte et on attend la suite. Mais, même si on espère que le tome 2 soit aussi bon que le premier, le simple fait d’être second rend la comparaison difficile. Le lecteur n’aura jamais une deuxième fois la première fois, même s’il y a des contre-exemples, comme L’empire contre-attaque qui est un meilleur film que le premier. Ça sera aux lecteurs et lectrices de décider…