Le patron de Deezer, Alexis Lanternier, a accordé une interview assez concrète au vidéaste Anthony Fantano au sujet de l’intelligence artificielle.
Aujourd’hui, Deezer est la seule plateforme de streaming musical à avoir pris les devants pour enrayer la prolifération de musique générée par IA sur son catalogue. Le service français a lancé plus tôt cette année un outil de détection automatique qui vient apposer un label sur les titres et albums qui utilisent l’intelligence artificielle afin d’informer les auditeur·rices. L’occasion de faire le point, trois mois après le lancement de cette fonctionnalité.
Des mises en ligne quotidiennes multipliées pas trois depuis le début de l’année
Il n’y a jamais eu autant de musique mise en ligne sur les plateformes de streaming. C’est l’un des premiers constats dressés par Alexis Lanternier au micro de Fantano sur sa chaîne YouTube. Cela illustre, d’une part, la grande facilité avec laquelle les artistes en herbe peuvent publier leur musique, et l’accessibilité des outils de production. Mais, d’autre part, cette explosion des uploads quotidiens est directement liée à l’émergence de l’intelligence artificielle générative.
Ce qui nous amène à un chiffre choc : en janvier 2025, nous dit Deezer, environ 10 % des mises en ligne quotidiennes étaient générées par IA (grâce à des outils comme Suno ou Udio). En mai 2025, avant la mise en place de l’outil de détection automatique, c’était 18 %. En septembre 2025, c’est 28 %. Cela représente près de 30 000 morceaux de musique par jour.
Une véritable déferlante que rien ne semble pouvoir endiguer – pas même le robot mis au point par Deezer. Il faut dire que la mise en ligne de morceaux se fait rarement sur une unique plateforme. Suno permet notamment de faire distribuer ses créations sur toutes les plateformes. Le fait que Deezer les épingle pour être générés par IA n’y change pas grand-chose.
Pas un risque majeur pour l’industrie
Le PDG de Deezer explique comment et pourquoi son outil de détection automatique a été conçu. À l’origine, Alexis Lanternier raconte que l’idée était de lutter contre la fraude. En effet, et c’est prouvé par les chiffres de la plateforme, une écrasante majorité des streams générés sur les titres conçus par IA le sont par des bots. De faux auditeurs, en somme, qui sont chargés d’écouter les titres en boucle pour les rendre éligibles au paiement de royalties.
Avec son outil, Deezer exclut cependant les titres clairement fabriqués par IA de ses playlists. Ils restent accessibles, car Deezer considère que si quelqu’un veut les écouter, il doit pouvoir les trouver. Cependant, l’impossibilité de se retrouver au sein de playlists éditoriales réduit nettement la possibilité pour eux de dégager un revenu.
Deezer a choisi de combattre le feu par le feu, en utilisant lui-même Suno et Udio pour créer des dizaines de milliers de titres. Grâce à cela, le service a pu identifier clairement « l’empreinte » numérique que portent systématiquement les titres générés par IA, avec une certitude de 100 %, assure le PDG. À sa connaissance, il n’y a eu aucun faux positif depuis la mise en place de l’outil.
Une posture protectionniste face à l’IA générative, qui semble avoir plu. Sans donner de chiffres exacts, Alexis Lanternier dit avoir constaté une vague d’abonnements au service après l’annonce en juin dernier. D’après lui, Deezer compte environ 10 millions d’abonné·es payant·es dans le monde. À titre de comparaison, Spotify approche des 700 millions – et ne compte pas faire grand-chose pour empêcher l’IA et les bots de se tailler une part du gâteau.