Critique

Conjuring, l’heure du jugement : plus de sentiments que d’horreur ?

10 septembre 2025
Par Robin Negre
“Conjuring : l'heure du jugement”, le 10 septembre 2025 au cinéma.
“Conjuring : l'heure du jugement”, le 10 septembre 2025 au cinéma. ©Warner Bros.

Le dernier film de la saga The Conjuring permet d’offrir une conclusion satisfaisante à l’histoire des époux Ed et Lorraine Warren.

En 12 ans, la saga Conjuring a réussi à s’imposer dans le paysage cinématographique. Onze films, des millions de dollars récoltés au box-office mondial et surtout la création d’archétypes horrifiques désormais considérés comme cultes, tels que la Nonne ou Annabelle.

Avec Conjuring : l’heure du jugement, la saga arrive à sa conclusion et revient à l’essence même du succès de la franchise : l’empathie pour Ed et Lorraine Warren, les plus célèbres chasseurs de démons du XXe siècle.

Conjuring : l’heure du jugement.©Warner Bros.

1986. Ed et Lorraine Warren sont à la retraite et coulent des jours heureux. Toutefois, leur fille, Judy, lutte depuis son enfance contre les visions qui ont rendu sa mère célèbre. Alors, quand un cas de possession en Pennsylvanie fait étrangement écho au passé des Warren, la famille est inexorablement attirée vers cette nouvelle affaire.

Conjuring : l’heure du jugement est le film le plus intime de la saga. Les époux Warren ne sont pas que des intervenants extérieurs venus pour aider une autre famille. Alors même que leur fille commence à souffrir d’un mal étrange, ils luttent pour les autres, mais aussi pour eux-mêmes.

Rendre les enjeux plus personnels

En faisant de Conjuring : l’heure du jugement un film aux conséquences personnelles pour les Warren, le long-métrage horrifique de Michael Chaves se différencie des trois précédents volets. Ajoutons à cela l’envie de conclure l’histoire des Warren, et le film gagne en impact émotionnel. Sans renier l’essence même de la saga, L’heure du jugement est sans doute le film le plus touchant du Conjuring Universe.

Les adieux, pour Ed et Lorraine Warren, approchent. Patrick Wilson et Vera Farmiga ont l’opportunité d’interpréter une dernière fois ces deux personnages désormais emblématiques du cinéma d’horreur. Les acteurs sont le cœur du film : la saga a toujours réussi à convaincre quand les Warren étaient au centre de l’intrigue. Entre charisme et alchimie, les deux comédiens brillent une dernière fois.

Conjuring : l’heure du jugement.©Warner Bros.

L’horreur minimaliste ?

À chaque nouveau film Conjuring, les enjeux se devaient de progresser pour, continuellement, présenter une affaire encore plus dangereuse ou encore plus effrayante. Après Conjuring : les dossiers Warren en 2013, James Wan réussit à se surpasser avec Conjuring : le cas Enfield (2016), un film plus intense, plus ambitieux, reposant sur la Nonne. Avec Conjuring : sous l’emprise du Diable (2021), le réalisateur Michael Chaves s’est éloigné des possessions démoniaques pour traiter de l’aspect juridique de ces affaires, tout en jouant avec la notion de malédiction. Le film, moins effrayant que les deux précédents et moins abouti, n’offrait pas un dernier tour de piste satisfaisant pour les Warren.

Dans Conjuring : l’heure du jugement, le même Michael Chaves revient à l’essentiel, avec une histoire de fantômes et de démons dans la plus pure tradition du genre. Jump scares traumatisants, apparitions soudaines et ambiance malaisante sont au programme de ce nouveau chapitre.

Conjuring : l’heure du jugement.©Warner Bros.

Si le cinéaste n’a pas le savoir-faire de James Wan pour mettre en scène le surnaturel, il fait bien mieux que sur le précédent film. Ses démons sont terrifiants et bénéficient d’un design très efficace. La mise en scène se veut sobre. Michael Chaves laisse ainsi la tension s’installer avant de dévoiler l’horreur, utilisant les symboles et les effets de caméra pour créer une ambiance totalement anxiogène.

En multipliant les menaces, il offre au film son côté imprévisible. En faisant de la dernière affaire des Warren le reliquat de leur premier cas, plus de 20 ans avant, il ajoute un sentiment de danger qui fonctionne : si les Warren, plus jeunes et plus forts, ont échoué la première fois, que peuvent-ils faire maintenant qu’ils sont à la retraite et épuisés par une vie à combattre le Mal ? Le sentiment d’échec probable n’a jamais été aussi fort.

Une nouvelle génération

Conjuring : l’heure du jugement, conscient de devoir boucler la boucle, traite aussi du rapport de l’opinion publique à la manifestation du surnaturel. Alors que les Warren remplissaient les salles de conférences quelques années plus tôt, ils sont désormais de simples objets de curiosité. La nouvelle génération, plus sceptique, et les nouvelles technologies (ne laissant pas de place aux doutes) viennent contredire leurs précédents travaux.

Cette notion de changement et de transition est l’une des thématiques du film. Les personnages regardent dans le passé pour appréhender le futur, et la fille des Warren, Judy, a une place prédominante. Si le sujet est cohérent (et plutôt bien traité), il a des conséquences directes sur l’évolution de l’intrigue et sur la résolution du film.

Conjuring : l’heure du jugement.©Warner Bros.

Après avoir fait monter la pression, après avoir retardé l’apparition des Warren au sein de l’affaire et après avoir lié émotionnellement les protagonistes aux démons qu’ils combattent, la résolution se veut trop simple et trop rapide. Comme s’il manquait au film une séquence plus élevée, plus inspirée et plus grandiloquente pour faire du dernier combat des Warren le plus impressionnant de la franchise. Conjuring : l’heure du jugement préfère jouer la carte de l’émotion.

Après 12 ans de bons et loyaux services, Patrick Wilson et Vera Farmiga font leurs adieux à Ed et Lorraine Warren. Si le film peine parfois à choisir entre l’horreur et l’émotion, il n’en demeure pas moins des plus sincères dans ce qu’il veut raconter. Quelques scènes d’effroi brut fonctionnent particulièrement bien, et l’imaginaire développé autour de l’entité démoniaque à combattre puise dans les symboles et les légendes, comme dans le premier film.

La bande-annonce de Conjuring : l’heure du jugement.

La force de la saga a toujours résidé dans l’attachement pour Ed et Lorraine Warren (et leurs interprètes). Le long-métrage le comprend bien et garde la lumière sur eux, proposant une conclusion satisfaisante. On aurait pu apprécier un dernier acte plus renversant – n’est pas James Wan qui veut –, mais Conjuring : l’heure du jugement reste efficace, marquant et plus incarné que de nombreux spin-offs de la saga. Des adieux réjouissants, pour un couple et des acteurs ayant durablement impacté le cinéma d’horreur contemporain.

Conjuring : l’heure du jugement de Michael Chaves, avec Vera Farmiga, Patrick Wilson et Mia Tomlinson, 2h15, au cinéma le 10 septembre 2025.

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