Film choc, Sirāt est l’un des événements cinématographiques de cette rentrée. Après son passage au Festival de Cannes 2025, le film d’Oliver Laxe arrive dans les salles obscures ce 10 septembre et propose une véritable expérience sensorielle. Critique.
Certains voyaient en lui la future Palme d’or. Pourtant, c’est avec le Prix du jury que Sirāt est reparti du dernier Festival de Cannes. Réalisé par Oliver Laxe, le long-métrage nous plonge dans le désert marocain. Un lieu ardent abritant des raves clandestines. C’est là que Louis, accompagné de son fils Esteban, espère retrouver sa fille disparue, Marina.
Ce père de famille taiseux va traverser l’Atlas aux côtés d’autres raveurs, son gamin de 12 ans sous le bras, et embarquer à bord d’une voiture cabossée, entre camping sauvage, routes sinueuses et drogues. Face à lui des « teuffeurs » indépendants et libres. Des « freaks » inspirants qui vont tout faire pour aider Louis dans son périple.

À travers cette aventure désolante, Oliver Laxe filme le choc des cultures et brise les clichés entourant les raveurs. Surtout, Sirāt est une véritable expérience de cinéma. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le réalisateur choisit comme point de départ les fêtes techno clandestines : Sirāt s’organise comme un véritable morceau de musique électronique. Le cinéaste n’hésite pas à articuler sa mise en scène, son rythme et son histoire comme un véritable artiste derrière ses platines.
Brouillards sonores des débuts, montées mélodiques et véritables envolées percutantes accompagnent ainsi les péripéties désertiques de tous les personnages jusqu’à un premier beat désarmant qui change complètement l’atmosphère du film. Sirāt monte crescendo, déployant une lenteur bienvenue jusqu’à une brutalité indescriptible. Cette dernière va se cristalliser dans une séquence choquante grâce à laquelle Oliver Laxe prend au dépourvu son public et fait basculer Sirāt dans un tout autre registre.

Le mélange des genres
Là où la première partie du film s’apparente à une version indépendante de Mad Max: Fury Road (2015), la seconde bascule dans le survival. Voici que nos personnages vont se retrouver prisonniers de l’Atlas et de son champ de mines. Un véritable huis clos à ciel ouvert qui permet à Oliver Laxe de cultiver son sens de la dichotomie. L’horreur vécue par nos héros contraste avec la lumière aveuglante d’un désert à la fois beau et terrifiant. Un argument de mise en scène qu’utilisait, par exemple, Ari Aster dans Midsommar (2019) et qui donnait au long-métrage une beauté aussi glaçante que déstabilisante.
Par ailleurs, ce n’est pas un hasard si le réalisateur franco-espagnol a choisi de donner le nom de Sirāt à sa nouvelle création. En réalité, ce mot issu de l’arabe et de l’islam désigne le chemin entre deux dimensions ; un pont sur l’Enfer que tout le monde doit traverser au jour du Jugement dernier. Un entre-deux que Louis et ses compagnons de fortune vont devoir affronter tels des martyrs alors que semble se dessiner aux frontières du désert une Troisième Guerre mondiale.
Ce mélange des genres, tout comme cette allégorie prophétique, offre une densité non seulement scénaristique, mais aussi émotionnelle au long-métrage. Le talentueux Sergi López y déploie un jeu tout en mystère et en subtilité. Finalement, on ne connaît rien de Louis, ce père de famille ordinaire de 50 ans, ni les raisons qui ont poussé sa fille à partir. Le film ne prend pas la peine d’expliquer le background des personnages, se concentrant avant tout sur l’aventure humaine et spirituelle qu’ils traversent.
Pourtant, le long-métrage nous rattrape parfois, nous laisse aller à notre imaginaire, nous saisit, nous surprend et nous prend aux tripes. Comme un morceau de techno, il est en constante évolution. Une mutation sensorielle dans laquelle Oliver Laxe ne sacrifie rien. À la fois tendre et viscéral, Sirāt est l’un des films choc de la rentrée. Une proposition percutante et vrombissante. Une véritable traversée du désert.