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Netflix utilise l’IA dans une série pour la première fois… est-ce inquiétant ?

02 août 2025
Par Florence Santrot
Netflix utilise l’IA dans une série pour la première fois… est-ce inquiétant ?
©Netflix

Netflix a-t-il franchi la ligne rouge ? La plateforme a reconnu avoir intégré pour la première fois de l’IA générative dans l’une de ses séries. Cette innovation, certes miraculeuse côté coûts et rapidité, pourrait secouer un secteur audiovisuel déjà fragilisé.

C’est une scène de destruction urbaine, comme on en voit des dizaines dans les séries dystopiques. Mais cette fois, l’effondrement de l’immeuble dans la série argentine El Eternauta (L’Éternaute, en français), adaptée d’un classique de la BD sud-américaine, n’est pas le fait d’experts VFX (Visual effects, effets spéciaux) en chair et en os, mais a été généré par une intelligence artificielle. Une première pour Netflix qui, après avoir passé sous silence le recours à l’IA, l’a confirmé publiquement le 17 juillet 2025, lors de sa dernière conférence sur ses résultats financiers.

Selon Ted Sarandos, co-directeur général de la plateforme, le rendu final de cette séquence aurait été obtenu dix fois plus vite qu’avec des effets spéciaux traditionnels. Et pour un coût bien moindre. Une prouesse technique qui arrive à point nommé, alors que Netflix cherche à concilier ambitions créatives et maîtrise budgétaire. Mais une première qui fait grincer des dents…

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Une IA au service des créateurs, vraiment ?

Le message officiel se veut rassurant : il ne s’agit pas de remplacer les artistes mais de leur fournir de nouveaux outils. Pour Netflix, l’IA permettrait aux créateurs de gagner en efficacité, en visualisation et en prise de décision. Elle pourrait également faciliter la production de contenus ambitieux dans des pays où les budgets sont limités, comme c’est le cas pour cette série argentine.

Avec un budget de seulement 15 millions de dollars, El Eternauta devait faire preuve d’inventivité. L’IA générative est alors apparue comme une solution pour donner vie à certaines scènes spectaculaires, sans exploser les coûts ni rallonger les délais.

Netflix face à un traumatisme encore frais à Hollywood

Mais cette innovation intervient dans un contexte particulièrement tendu. Il y a à peine deux ans, les grèves historiques des scénaristes et des acteurs à Hollywood ont mis en lumière la crainte grandissante de voir l’intelligence artificielle remplacer des métiers créatifs.

Et aujourd’hui, ce sont les professionnels des effets spéciaux qui s’inquiètent. Sur Reddit, les professionnels du secteur critiquent la séquence d’El Eternauta, jugeant que l’IA ne fait que remplacer du travail artisanal par de l’automatisation. L’un d’eux écrit : « C’est le début de la fin. L’objectif ultime sera, comme toujours, de réduire les coûts en réduisant d’abord les effectifs. Les imbéciles vont défendre Netflix aveuglément, mais nous sommes foutus. »

L’IA à toutes les sauces : une logique de plateforme avant tout

Chez Netflix, cette expérimentation – qui n’est sans doute pas la première – n’est que la partie émergée de l’iceberg. L’IA est déjà utilisée depuis bien longtemps dans l’algorithme de recommandation et le sous-titrage automatique. Les premiers tests de publicité interactive personnalisée sont aussi en cours. L’idée est toujours la même : proposer plus de contenus, plus vite, à moindre coût et de manière la plus personnalisée possible.

Et cela pourrait rapidement devenir la norme. D’autres acteurs du streaming, comme Disney ou Warner Bros, testent déjà des outils similaires d’intelligence artificielle, que ce soit pour la prévisualisation de scènes ou le doublage automatisé. La production audiovisuelle entre dans une phase d’industrialisation algorithmique.

Illustration intelligence artificielle
©Cybermagician / Shutterstock

Vers une création à deux vitesses ?

Ce bouleversement soulève une question cruciale : l’IA va-t-elle créer un fossé entre productions à gros budget et films plus modestes, réalisés avec des moyens traditionnels ? D’un côté, on aurait des séries dopées à l’IA, rythmées par des choix algorithmiques. De l’autre, des créations forcément plus lentes, parfois plus fragiles, mais aussi plus singulières et originales.

L’enjeu, désormais, est de réguler ces usages pour éviter que la technologie ne dévore la création. Plusieurs syndicats du secteur audiovisuel appellent déjà à la transparence sur l’usage de l’IA dans les œuvres et à une protection des métiers humains. L’Unesco, comme l’Union européenne, planchent aussi sur des recommandations, mais le rythme technologique est fulgurant.

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Une révolution aussi créative que politique

Netflix a-t-il allumé la mèche d’une nouvelle révolution dans l’audiovisuel ? Très probablement. Ce premier usage assumé de l’IA générative dans une série marque un tournant majeur. Il ouvre la voie à des productions plus accessibles… mais aussi à une redéfinition profonde des rôles, des rythmes et des droits dans la chaîne de création.

La technologie est là, performante, séduisante, économique. Mais ce n’est qu’un outil. Ce qui comptera, dans les mois à venir, c’est l’usage qu’en feront les producteurs… et comment les spectateurs accueilleront ce nouvel état de fait.

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