Entretien

Émilie Tronche pour Le journal de Samuel : “Je redécouvrais ma série et ce qui se passait dans la tête de Samuel”

25 juin 2025
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Émilie Tronche pour Le journal de Samuel : “Je redécouvrais ma série et ce qui se passait dans la tête de Samuel”
©Casterman Chloe Vollmer-Lo

C’est la série d’animation qui cartonne : Samuel (à voir sur Arte). Cette plongée intime au cœur des pensées d’un jeune garçon à l’aube de l’adolescence a ému toutes les générations jusqu’à cumuler 45 millions de vues. Elle se décline désormais en bande dessinée : Le Journal de Samuel (Casterman). Rencontre avec Émilie Tronche, sa créatrice, qui nous dévoile les coulisses de cette adaptation.

Qui est Samuel ?

Samuel, c’est un garçon de dix ans qu’on rencontre à la fin du CM2, avec qui on va passer les grandes vacances d’été et accompagner lors de sa rentrée au collège. Il tient un journal. C’est une période que j’aime beaucoup, cette espèce d’entre-deux où on a un pied dans l’enfance et un pied dans l’adolescence, où on est un peu perdu. J’ai eu l’idée de cette histoire en 2020. C’était une période où j’étais moi-même dans un entre-deux : je finissais mon école d’animation et je terminais un projet de court-métrage, je ne savais pas trop ce que j’allais faire après. En plus, il y avait le Covid qui débarquait. Je voulais faire un film très rapide et parler de quelque chose qui me fait du bien. J’ai décidé de me replonger dans mes souvenirs d’enfance. C’est comme ça qu’est née la série d’animation Samuel.

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Comment l’idée de transposer l’univers de Samuel en bande dessinée vous est-elle venue ?

La série d’animation n’était pas encore sortie que l’adaptation était déjà prévue. Lorsque je présentais mon projet de série à des financeurs, les éditeurs de Casterman ont entendu parler de mon projet. Nous avons tout de suite évoqué une potentielle adaptation. Ils sentaient déjà que cette histoire, avec ce format de journal autour duquel est construit le récit, correspondait bien au médium bande dessinée. Une fois la série terminée, ça m’a fait du bien de me replonger dans cette histoire, mais avec un autre format, un autre regard. C’était une belle manière de clôturer cette première saison. 

La série est rythmée par la musique et les silences. Comment traduit-on ces éléments lorsque l’image est figée ?

C’était le véritable enjeu de ce travail d’adaptation. Je ne voulais surtout pas que ce livre soit constitué de captures d’écran de la série, je voulais que ce soit un objet qui puisse vivre par lui-même. J’ai travaillé en binôme avec Séverine Roze, graphiste chez Casterman, qui a fait un super travail et m’a aidée à surmonter les défis de l’adaptation. Ce n’était pas évident, puisqu’il a fallu faire le deuil des musiques, du son, du mouvement, de la danse et trouver un autre rythme. Ce processus d’adaptation a aussi été l’occasion de revenir à cet amour du dessin, en retravaillant des illustrations, en me poussant à aller plus loin sur des détails d’émotions faciales.

©Casterman / Emilie Tronche

C’était un vrai défi de retravailler les moments de musique, que j’ai remplacés par des dessins silencieux, représentés par des doubles pages. J’ai également dû compléter le journal de Samuel, en réécrivant certaines phrases afin de mieux comprendre ce qui se passe. Je redécouvrais ma série d’une autre façon, je redécouvrais même ce qui se passait dans la tête de Samuel. Certaines situations me paraissent d’un coup beaucoup plus évidentes. Par exemple, il y a un moment où il gribouille sur son journal tellement il est énervé et bouleversé. Je voulais qu’on le ressente dans l’écriture. Je me suis mise dans la peau de Samuel et j’ai commencé à raturer le journal.

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Question pratique : quels sont vos outils de travail ?

Pour créer la série d’animation Samuel, je travaille numériquement sur une tablette graphique. C’est vraiment l’outil de base qui me permet ce rendu très noir sur fond blanc. Sinon, j’ai mes carnets dans lesquels je dessine beaucoup au feutre et au crayon gras. Je dessine surtout des personnages, je ne sais pas qui ils sont, mais ils apparaissent assez rapidement. J’aime bien saisir une personnalité tout de suite avec un dessin, pouvoir m’imaginer qui est cette personne, son caractère, sa vie. Je ne fais pas trop de couleur, un crayon et un feutre me suffisent.

Au fil de la série d’animation comme sur les planches de la BD, Samuel danse. Quelle place a la danse dans votre quotidien ?

Je danse énormément. À l’âge de Samuel, je faisais de la GRS, le truc avec les ballons et le ruban. J’en ai même fait à haut niveau jusqu’à mes 13 ans, puis j’ai arrêté pour faire de la danse. Aujourd’hui, la danse a une place omniprésente dans ma vie et elle se retrouve toujours dans mes films, même si ce n’est pas explicitement montré : dans la narration, le rythme des images, même quand Samuel est immobile j’ai l’impression qu’il y a de la danse dans les regards, c’est toujours une chorégraphie. Quand on est enfant, on a une énergie particulière, on court partout, on gesticule, sans savoir si c’est vraiment de la danse. En grandissant, le risque est de perdre cette spontanéité. Danser, c’est un lâcher-prise, c’est toujours le grand saut.

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La série cumule 45 millions de vues. Est-ce que vous soupçonniez que le quotidien de Samuel trouverait un tel écho, même chez d’autres générations que la vôtre ?

C’est fou et ça fait du bien de se dire que, même dans des choses très personnelles, on se ressemble. Je n’avais pas prévu ça. Les moments dont on me parle le plus sont souvent ceux qui me sont le plus personnels, c’est étonnant. L’univers de Samuel est inspiré par des souvenirs de ma propre enfance dans les années 1990-2000. Le plus surprenant, c’est que ça traverse les générations, surtout pour les plus jeunes. Quand un enfant me dit qu’il a aimé la série, ça me fait super plaisir parce qu’à cet âge on est sans filtre ; s’il n’aimait pas, il le dirait. 

Avez-vous des influences, des récits sur l’enfance et l’adolescence, qui vous ont marquée ?

Il y a un roman que j’adore : Anne… la maison des pignons verts de la romancière canadienne Lucy Maud Montgomery. C’est un livre super connu, sorti au début du XXe siècle, mais je l’ai découvert seulement lorsque j’écrivais Samuel. Le personnage d’Anne m’a beaucoup inspirée pour créer Berenice, l’une des camarades de Samuel. Elle aussi a tendance à être un peu chiante, tout en étant adorable et hyper attachante. Sinon, forcément, la saga Lou ! de Julien Neel a toujours été une référence, je la lisais quand j’étais petite et je continue de la suivre encore aujourd’hui. Et, enfin, un film d’animation : Souvenirs goutte à goutte du réalisateur japonais Isao Takahata, qui retrace les souvenirs d’enfance d’une jeune femme. C’est magnifique et d’une justesse incroyable.

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Depuis le 15 mai, la série d’animation se transpose aussi en un long métrage à retrouver sur Arte. Mais peut-on s’attendre à une suite des aventures de Samuel ?

Il y a deux projets en cours ! D’abord en BD, avec le roman graphique de Berenice. C’est elle qui va prendre le relai, sous une autre forme et une autre histoire. Puis, on va se lancer dans la saison 2 de Samuel en série d’animation. J’ai trop hâte de me replonger dans l’écriture ! On retrouvera Samuel en classe de 5e, il sera confronté à d’autres problématiques. Un an, c’est énorme dans la vie d’un enfant.

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