Pour son 70e anniversaire, la Fnac célèbre son fonds photographique au moyen de Regards, un beau-livre publié aux éditions Gallimard. À cette occasion, la rédaction de L’Éclaireur revient sur quelques-uns de ces tirages qui ont marqué le 8e art. Ce mois-ci, lumière sur l’un d’eux, signé Brassaï, à travers les propos de son neveu et mandataire de sa succession, Philippe Ribeyrolles.
La Fnac continue de célébrer son lien étroit avec la photographie. Après la publication du beau livre Regards, un siècle de photographie, de Brassaï à Martin Parr (Gallimard), sous la direction de Quentin Bajac, l’enseigne a organisé des expositions à l’occasion de plusieurs rendez-vous dédiés au 8e art. Du Salon de la Photo au Festival Planches Contact en passant par Paris Photo, la Fnac a eu l’occasion de dévoiler une partie de son fonds photographique.
À ce propos, parmi les clichés inédits exposés durant la récente édition tenue au cœur du Grand Palais, les passionnés de l’image ont pu (re)découvrir Les Trois femmes masquées pour la Parade, Paris, 1931 de Brassaï, une image sur laquelle L’Éclaireur a souhaité revenir aux côtés de Philippe Ribeyrolles, le neveu du photographe.
L’importance du masque
Sur cette image en noir et blanc, Brassaï tire le portait de trois femmes masquées et déguisées. Un portrait triple capturé pendant les déambulations de l’artiste dans Paris, et qui possède une histoire propre d’après Philippe Ribeyrolles. Ce cliché a été pris à l’occasion d’une fête foraine, en 1931. « Avancez, Messieurs, avancez ! Vous verrez ces demoiselles dans toute leur beauté ! Nous allons vous présenter la comédie humaine ! » pouvons-nous entendre nous murmurer cette photographie.
Sur celle-ci, trois femmes : la sémillante Mireille connue pour ses danses acrobatiques, la mystérieuse Bengalie et sa fameuse danse du ventre ainsi que Rose, experte en contorsions reptiliennes. « Ces jeunes femmes se glissaient l’une après l’autre entre les rideaux et apparaissaient pour la parade devant une foule principalement masculine. Quoi de plus envoûtant que d’attirer les mâles secrètement avertis de ce spectacle strictement interdit aux moins de 18 ans en dissimulant leur identité derrière d’anonymes masques noirs ? »
À ce propos, les masques sont une composante essentielle de ce portrait donnant à la photo « son côté obscur et mystérieux. » Initié par Brassaï lui-même aux techniques de tirage dans le laboratoire de l’artiste avec qui il a tissé des liens privilégiés jusqu’à sa disparition en 1984, Philippe Ribeyrolles, explique que son mentor interroge également la notion de regard au travers de celles qui plongent le leur dans l’objectif du photographe, mais aussi le public qui contemple cette image pour la première fois.
La fin d’une époque
Si les masques ont fait l’objet de nombreuses discussions, selon Philippe Ribeyrolles, l’impact de cette photographie réside davantage dans son histoire et le symbole d’une époque révolue qu’elle porte en elle. « Cette photographie montre le côté frivole et canaille de la société parisienne des années 1930, ces années folles empreintes d’insouciance, de mœurs libres, libertaires et même libertines. En deuxième lecture, et avec notre regard actuel sur la condition féminine, peut-être faut-il y voir surtout la fin d’un monde, celui du Paris interlope des années 1930. »
Maillon incontournable d’une série d’images plus vaste représentant un monde aujourd’hui disparu Les Trois femmes masquées pour la Parade, Paris, 1931 témoigne avant tout du regard de Brassaï sur une époque passée. Appartenant au chapitre de « La Comédie Humaine » dans le livre Regards, cette photographie est celle du « faux-semblant, de cette dissimulation de la réalité, et du dramatique dissimulé sous le festif ajoute Ribeyrolles avant de conclure : Il a chassé le vrai et a dévoilé l’intime par un cadrage resserré et, comme toujours dans son approche à l’être humain, sans a priori ni voyeurisme ou jugement moral. »