Après plusieurs romans marqués par son goût pour la satire sociale, Julia Deck nous livre un récit autobiographique avec Ann d’Angleterre, grâce auquel elle décroche le prix Médicis 2024. Inspiré de la vie de sa mère, ce texte explore avec finesse les liens familiaux, les secrets et la quête de vérité dans un portrait touchant.
Julia Deck, lauréate du prix Médicis 2024, s’impose dans le paysage littéraire français avec Ann d’Angleterre, un roman autobiographique publié aux éditions du Seuil et consacré à sa mère. Ce mercredi 6 novembre, l’autrice a reçu cette prestigieuse distinction lors d’une cérémonie au restaurant La Méditerranée, à Paris. « Je suis très émue d’avoir ce prix », a-t-elle confié en acceptant sa récompense, décernée à l’issue d’un vote serré : cinq voix pour Deck contre quatre pour l’auteur Thomas Clerc et son ouvrage Paris, musée du XXIe siècle.
Cette victoire, obtenue au troisième tour, récompense une œuvre intime marquant un tournant dans la carrière de l’autrice. Julia Deck succède ainsi au Québécois Kevin Lambert, primé l’an dernier pour Que notre joie demeure.
Une passionnée de la critique sociale
Née à Paris en 1974, d’un père plasticien et d’une mère enseignante, Julia Deck s’illustre par une plume incisive et subtile. Après des études de lettres à la Sorbonne et un passage dans la communication, elle se fait remarquer dès son premier roman, Viviane Élisabeth Fauville (2011), où son style mordant et son ironie acérée lui permettent de dépeindre des personnages singuliers, souvent égarés dans les méandres de leur existence. Ce livre, publié aux éditions de Minuit, initie une série de récits où la comédie sociale se mêle à des portraits de protagonistes désorientés.
Parmi ses autres œuvres notables, Propriété privée (2019) explore les conflits au sein d’une résidence, alors que Sigma (2017) tisse une intrigue entre polar et critique sociale dans un Paris observé avec une minutie acerbe. En 2022, elle signe Monument national, une satire de l’élite française contemporaine.
Avec Ann d’Angleterre, un tournant vers l’intime
Dans ce nouveau roman, Julia Deck délaisse la satire pour se tourner vers une introspection familiale. Ann d’Angleterre retrace l’histoire de sa mère, de ses origines modestes en Angleterre jusqu’à son installation en France, tout en abordant les thèmes de l’héritage, de l’identité et des secrets familiaux. Inspiré par un accident cérébral survenu à sa mère, ce récit plonge dans l’univers d’une Angleterre ouvrière des années 1930, où l’ascension sociale et le goût pour la littérature façonnent le parcours de cette femme.
Deck dépeint ici un portrait d’une rare profondeur, traversé par un humour fin et une tendresse nouvelle. Ann, cette figure maternelle complexe, incarne un amour filial inconditionnel, mais aussi les mystères que recèlent les relations familiales. Avec un style teinté d’ironie bienveillante, Deck s’attache à révéler la part insaisissable de cette relation, interrogeant la quête de vérité sans y céder totalement.
Avec ce prix, Deck démontre le pouvoir de la littérature à sonder l’intime et à questionner les liens familiaux. Ann d’Angleterre, empreint de tendresse et de lucidité, s’impose comme une œuvre intemporelle et universelle, un de ces « livres de garde » qui se bonifient avec le temps.
Dans le reste du prix Médicis…
Le prix Médicis du roman étranger a été attribué au Guatémaltèque Eduardo Halfon pour Tarentule (éditions Quai Voltaire), tandis que le prix Médicis de l’essai est allé à l’Allemand Reiner Stach pour le troisième tome de sa biographie de Franz Kafka, Les Années de jeunesse.