Le nouveau film de Nora Fingscheidt avec Saoirse Ronan suit la quête de sobriété d’une jeune alcoolique dans une île au nord de l’Écosse.
Comment traiter de la dépendance à l’alcool et comment montrer le combat face à l’addiction ? The Outrun, le nouveau film de Nora Fingscheidt en salles depuis ce 2 octobre 2024 tente de répondre à ces questions en suivant le parcours de Rona, jeune trentenaire désabusée qui accepte de se faire aider après la fois de trop.
Un film qui joue avec son ambiance — aidé par la beauté de ses paysages naturels et ses plans élégants —, mais qui se perd trop dans le formalisme et en oublie sa réelle substance.
Rona a tout, en surface, de la jeune femme comblée : londonienne, entourée d’amis et débutant une relation de couple prometteuse. Mais le soir, Rona tombe à chaque fois dans le verre de trop, et cause des dégâts qu’elle ne réalise pas et ne voit pas. Un alcoolisme ancré, héréditaire, qui l’oblige à partir de sa ville pour suivre une cure de désintoxication, et à reprendre contact avec ses proches au nord de l’Écosse.
Une construction maladroite
The Outrun, derrière son sujet limpide, brouille les pistes avec sa construction désordonnée. Le film n’est pas linéaire et si les enjeux de Rona sont identifiables dès les premières minutes, le long-métrage de Nora Fingscheidt ne révèle pas tout de suite « la fois de trop », celle qui pousse la jeune femme à se faire aider. C’est à la fois la force et la faiblesse du film.
En découpant son récit — et son montage — dans le but d’alterner les périodes et les épisodes de vie, The Outrun acquiert instantanément une couleur de film d’ambiance, qui invite le spectateur à se perdre dans ses images, ses sons, et son voyage initiatique. À contrario, la structure en devient vite désordonnée et confuse, presque hermétique à l’émotion.
Au cœur de The Outrun, Saoirse Ronan — également productrice du film — trouve un nouveau rôle à sa hauteur, et incarne avec beaucoup de subtilité et de nuance Rona. Touchante dans la fragilité comme dans l’assurance, son personnage se construit et se détruit à mesure que le film avance. La caméra de Nora Fingscheidt film de près les regards et les gestes de la comédienne, alors que sa voix vient narrer le récit, offrant une nouvelle fois à l’œuvre cette sensation d’onirisme et de poésie que The Outrun tente d’avoir à tout prix (quitte à en faire trop).
L’actrice poursuit une carrière marquée par le cinéma indépendant et par les personnages introvertis, à l’image de Lady Bird (2017) ou Les Filles du Docteur March (2019) de Greta Gerwig. Avec The Outrun, elle reçoit d’ailleurs le prix d’interprétation au Biarritz Film Festival Nouvelles Vagues 2024 et les pronostics mentionnent déjà les Oscars…
Le décalage de rythme et de ton se fait aussi selon les lieux montrés. Entre la vie chaotique à Londres et le calme apaisant des îles écossaises, le film joue avec ses décors, et met en parallèle le chaos et la sérénité, dans une recherche d’équilibre aussi intérieure — pour le personnage — que formelle pour le film. Élégant dans sa mise en scène et sa photographie, le film peut ainsi compter sur la réalisation de Nora Fingscheidt, qui filme avec empathie ses personnages et toute la richesse naturelle de l’Écosse.
Ne pas occulter son sujet
Avec l’alcoolisme et l’addiction comme thèmes principaux, The Outrun développe son propos en abordant différentes facettes de ces maux. Perte de repères, dommages collatéraux, éloignement social et familial, déni et résiliation… Sans tomber dans une marche à suivre forcée de la « réhabilitation », le film a conscience du poids et de l’importance de son sujet. Par de simples détails — dits ou montrés —, The Outrun dresse un tableau complexe et profond de la chose, sans occulter les moments de gêne, de honte, ou de misère.
Néanmoins, et puisque le film maintient un paradoxe de bouts en bouts, cette représentation véridique de l’alcoolisme passe encore une fois par le découpage surprenant du long-métrage, empêchant une montée en puissance graduelle dans la chute, ou au contraire dans la reconstruction. The Outrun est un peu tout à la fois et l’émotion se dissipe au fur à mesure.
The Outrun a toutes les cartes en main pour être un grand film, mais les distribue mal. Comme si le long-métrage de Nora Fingscheidt n’avait pas suffisamment confiance en son personnage principal, ou en sa thématique pour les laisser évoluer simplement.
Le besoin d’alourdir artificiellement le récit par le montage et le rythme saccadé nuit à l’ensemble. En montrant le haut et le bas en même temps, le film perd son public et le destin — au demeurant touchant et bien interprété — de Rona en devient secondaire, et lasse.
The Outrun, de Nora Fingscheidt, avec Saoirse Ronan, Paapa Essiedu et Stephen Dillane, 1h58, au cinéma le 2 octobre 2024.