Avant sa dissolution, la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) fait son bilan. Critiquée pour son manque d’efficacité, elle se satisfait de son action et met en avant son rôle pédagogique.
Voilà, c’est (bientôt) fini pour la Hadopi après 11 ans d’activité et une existence controversée. La Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) aura connu plusieurs missions depuis sa création par la loi Création et Internet en 2009. Plus d’une décennie plus tard, elle tire les conclusions de son action avant sa fusion avec le CSA pour former l’Arcom. Un bilan contrasté, à l’image de cette Haute Autorité contestée.
Depuis 2010, la Hadopi a envoyé plus de 13 millions d’avertissements aux internautes dans le cadre de sa mission principale. Ces messages ont atterri dans les boîtes mail des utilisateurs qui ont, un jour, utilisé leur connexion à Internet pour télécharger ou partager de manière illicite de la musique, des films ou encore des jeux sur des réseaux de pair-à-par (P2P). Cette réponse graduée « a fait ses preuves » si l’on en croit l’autorité, qui explique que près de 75 % des internautes visés « ne réitèrent plus » après l’envoi d’une première ou deuxième recommandation.
Au total, la Hadopi a transmis 6 994 dossiers aux parquets concernant des cas d’abonnés qui n’ont pas su, voulu ou pu sécuriser leur connexion Internet afin d’éviter les mises à dispositions illicites d’œuvres protégées par un droit d’auteur. Dans son étude, elle indique également que 580 jugements ont été rendus (517 au premier semestre 2021) depuis le début de son existence et que le montant moyen des peines d’amende prononcées a atteint 290 euros en 2021, contre 270 euros en 2020.
Elle assure également que ses « efforts » sont « importants » et que les pratiques illicites de pair-à-pair « ont baissé de plus de 60 % » en près de dix ans. La Hadopi estime que plus des deux tiers des internautes (70 %) ont diminué leur consommation illicite de contenus après avoir reçu un premier investissement. Plus de la moitié (50 %) ont quant à eux fait le choix de se tourner vers une offre légale, toujours selon les statistiques de l’autorité. « Cela correspond à plus de 4 millions de Français qui auraient diminué leur consommation illicite et plus de 3 millions qui se seraient tournés vers les offres légales suite à la réception d’une recommandation de l’Hadopi », ajoute-t-elle.
De la pédagogie et une progression de l’offre légale
Dans son bilan, la Haute Autorité se félicite aussi d’avoir vu diminuer le nombre d’internautes utilisant le pair-à-pair pour partager illégalement des œuvres protégées. En dix ans, ce nombre serait passé de 8,3 millions à 3 millions, soit une baisse de plus de 60 % de cette pratique. En plus de son action, elle note que l’amélioration des débits et le développement de terminaux comme le smartphone « ont constitué un contexte favorable » pour le développement des offres légales. Le secteur de la vidéo à la demande, actuellement dominé par Netflix dans l’Hexagone, est évoqué, avec un marché qui est passé de 18 services disponibles en 2011 à 78 en 2020.
De notre côté, on peut également ajouter la forte progression des plateformes de streaming musical ou celle des offres dans l’univers du jeu vidéo. Des formules abordables ont vu le jour et permettent d’accéder à des catalogues riches et variés, ce qui a tendance à réduire le piratage.
Piratage : 12,4 millions d’internautes sont concernés chaque mois
Il convient également de noter que l’arrivée de la Hadopi a conduit les « pirates » à faire évoluer leurs pratiques. Le pair-à-pair a perdu du terrain depuis dix ans au profit du streaming, du téléchargement direct ou l’IPTV illégal. Dans son discours, la Hadopi n’oublie pas d’évoquer le développement de ces « nouvelles pratiques ». « Le piratage concerne encore aujourd’hui 12,4 millions d’internautes chaque mois tous protocoles confondus, générant un manque à gagner estimé par l’Hadopi à plus d’un milliard d’euros pour les secteurs audiovisuel et sportif, mais également une perte de recettes fiscales de 332 millions d’euros pour l’État et une destruction de 2 650 emplois pour les filières concernées », explique l’autorité.
Elle ajoute que « le streaming et le téléchargement direct se maintiennent à des niveaux élevés, tandis que de nouvelles pratiques, comme l’IPTV illicite et le live streaming, connaissent une progression notable ».
Le pair-à-pair n’est pas oublié et la Haute Autorité assure qu’il est « loin d’être tombé en désuétude ». Cette pratique continuerait de séduire près de 3 millions d’internautes et « risque de rester une technologie d’avenir pour le piratage ». Cela s’explique par son architecture décentralisée et l’étude met également en avant « les évolutions technologiques du pair-à-pair [qui] ont permis de répondre à de nouveaux cas d’usages ».
Plus que jamais, elle juge son action « nécessaire » alors que ses différentes missions seront bientôt confiées à l’Arcom. Un renforcement de la lutte contre le piratage est notamment prévu.