[Rentrée littéraire 2024] À travers le monologue intérieur d’une superstar de la pop, Maud Ventura met en scène une histoire ultracontemporaine, qui en dit bien assez sur notre époque. Après le succès de Mon mari, un retour en librairie jubilatoire !
Cléo Louvent est une fille à la vie ordinaire. Mais au fond, elle le sait : elle est extraordinaire, et n’a pas sa place dans un quotidien trop banal. Ses études ne sont pas faites pour elle, son milieu n’a rien d’enviable, et il semblerait qu’un seul mot catalyse toutes ses ambitions : la célébrité. Voilà, Cléo veut être célèbre et Cléo le sera. C’est en tout cas ce dont elle se persuade au fil de ses jeunes années.
« La célébrité est ma vie. Celle que je savais que j’aurais, celle que j’ai fait en sorte d’avoir. »
Maud Ventura
Et de fait, Cléo le sera, Célèbre. Dans ce roman au titre plus que jamais évocateur, Maud Ventura déploie des trésors d’imagination pour construire un personnage sur lequel on aime déposer notre mépris. Car si Cléo incarne l’ambition dans tout ce qu’elle a de plus démesuré, sa personnalité va de pair avec cette dernière.
À la faveur d’une vidéo postée sur les réseaux sociaux, sa carrière décolle. Son entourage change peu à peu : l’ascension peut commencer. L’ascension, mais certainement pas le regard que la jeune femme porte sur elle-même. Elle est talentueuse, et ainsi va la vie. C’est dans cette perspective qu’à certains moments, le personnage flirte dangereusement avec l’arrogance, voire une forme de maltraitance envers celles et ceux qui l’entourent.
L’erreur n’existe pas, la vérité est celle qu’elle a décrétée, et son travail confine à une forme de génie. Nous voici prévenus.
Le revers de la célébrité ?
Pourtant, si elle incarne l’excès dans tout ce qu’il a de plus vaste, Cléo se détruit. Elle se mutile, même. À travers son monologue, Maud Ventura parvient subtilement à traduire un manque d’émotions, des fêlures, un culte de la personnalité, au service d’une identification.
Et pourtant, le lecteur n’admire pas Cléo. Elle n’est qu’un vecteur pour que l’on puisse réfléchir au monde. Au nôtre, finalement. Mais, ce qui frappe au plus haut point lorsqu’on lit Célèbre, c’est le besoin constant de Cléo d’être rassurée quant à sa notoriété. Il faut dire que que la jeune femme est une artiste dans tout ce que cette notion a de plus riche : elle compose, elle interprète et elle incarne tout ceci sur une scène.
Il est donc inenvisageable que sa vie privée ne soit pas, elle aussi, une performance. On peut alors penser à des superstars telles que Taylor Swift, Billie Eilish, Miley Cyrus, ou encore Dua Lipa, qui incarnent à elles-seules tout un pan de la pop culture aujourd’hui, et cette frontière parfois floue entre ce qu’elles sont et ce qu’elles veulent bien être.
Pourtant, Cléo et les autres sont aussi ces figures de pouvoir, celles qui écrivent leurs textes, qui maîtrisent leur image comme personne. Celles qui décident de tout.
« Pendant les chansons d’amour, je fais semblant d’être émue. Pendant les chansons entraînantes, je fais semblant d’être gaie. »
Maud Ventura
Comme avec Mon mari, Maud Ventura met ici un humour, une forme de sarcasme, même, au service de l’histoire. L’enjeu ? Mettre les fêlures de son personnage en valeur, et nous permettre, à nous lecteurs, de mieux comprendre ce qui se joue en privé… comme en public.
Célèbre, de Maud Ventura, L’Iconoclaste, le 22 août 2024 en librairie.