Groupe culte des années 2000, Kyo est de retour dans les salles et les festivals francophones pour présenter son album remasterisé, Le Chemin – 20 ans. On a profité de l’occasion pour prendre un shot de nostalgie avec le chanteur Benoît Poher, qui s’est prêté au jeu de l’interview.
Dans quelques jours, vous serez sur la scène du Printemps de Bourges pour retrouver vos fans, 20 ans après la sortie du Chemin. Que ressentez-vous à l’approche du festival ?
On est super excités. La programmation de notre soirée est assez dingue, il y a des artistes qu’on apprécie beaucoup [il y aura notamment Mika, Martin Solveig, Santa et Zaho de Sagazan, ndlr]. C’est un honneur de jouer sur la même scène qu’eux. J’aime aussi le fait que le show est concentré. On joue 50 minutes, ce qui est beaucoup plus court que ce qu’on a l’habitude de faire. Le positif, c’est qu’il n’y aura pas de temps mort, mais le seul défaut, c’est que ça va passer beaucoup trop vite [rires]. Cette petite heure sera intense, et on sera tous à 100%.
Qu’est-ce qui a motivé cette décision de tournée anniversaire, 20 ans après la sortie de l’album ?
À la base, on n’avait pas du tout prévu de se lancer dans une tournée – et on a beaucoup hésité à la faire. On voulait simplement proposer une réédition, pour que ceux qui aiment nos chansons puissent se replonger dans cette époque. C’était un objet destiné aux fans purs et durs, avec des inédits et des maquettes. Puis, on s’est pris au jeu en faisant des collaborations avec des artistes que l’on adore. On devait avoir deux dates, une parisienne et une bruxelloise, mais ça s’est rempli très vite, donc notre tourneur s’est dit qu’on pouvait tester d’autres villes.
On en a rajouté plusieurs, puis on a accepté des festivals cet été, et on a décidé de repartir dans d’autres salles en automne (qui se remplissent aussi très vite). Ça bouscule tous nos plans : on avait prévu de sortir un nouvel album assez rapidement, mais on va devoir le décaler. On a clairement été dépassé par l’ampleur de cette tournée. On ne s’attendait pas à ce que cet album soit accueilli de cette manière, par autant de personnes.
L’expérience de la scène a-t-elle changé depuis vos débuts ?
Entre Dans la peau (2017) et ces concerts anniversaires, c’est notre troisième année consécutive de tournée. Le Chemin – 20 ans nous emmène jusqu’en 2025, mais s’il y a d’autres dates, ça pourrait être la quatrième année consécutive, ce qui est assez inédit pour nous [rires]. En plus, on joue de plus en plus longtemps. Notre show dure plus de deux heures, ce qu’on ne faisait pas du tout avant. Curieusement, j’ai l’impression que plus on prend de l’âge, plus on joue longtemps. On va finir comme Bruce Springsteen qui fait des concerts de trois ou quatre heures [rires] ! Pour répondre à votre question, je pense que ce qui a changé, c’est qu’on profite plus du moment présent lors de ces tournées. L’excitation a remplacé le stress – même s’il y en a toujours un peu. Il paraît que ce n’est pas bon de monter sur scène en étant complètement détendu ; ça ne donne pas les meilleurs concerts.
« Il y a quelque chose de plus mature dans ce nouvel album. »
Benoît Poher
C’est toujours bien d’avoir cette petite appréhension, de devoir toujours délivrer une belle performance, mais c’est vrai que l’on est beaucoup plus dans le plaisir. Le plus gros changement, c’est vraiment ça. On profite de chaque minute et on mesure beaucoup plus la chance que l’on a d’avoir duré dans le temps.
Notre carrière est assez particulière, car elle est longue, mais elle a aussi subi une grosse absence du groupe durant huit ans. Mine de rien, on est dans le paysage musical français depuis un moment. On a des fans hyper fidèles, et on mesure cette chance, car on sait à quel point ce milieu est précaire.
Le rapport avec vos fans et votre public a-t-il changé au fil du temps ?
Forcément, parce que notre public est beaucoup plus large qu’à l’époque. Avant, c’était un public d’ados, qui avait entre 15 et 20 ans. Aujourd’hui, on a la chance de toucher plusieurs générations. Je lis parfois les commentaires sous les clips des nouvelles versions des singles qui étaient sortis dans les années 2000. Des jeunes découvrent Kyo avec ces rééditions, et j’ai vu à plusieurs reprises des messages qui disaient “Ah mais je ne savais pas qu’il y avait une version originale, je l’ai écoutée, et je préfère la version actuelle.” Notre public s’est vraiment renouvelé et c’est assez gratifiant de voir que ces titres ont bien vieilli et ont toujours un écho chez un public plus jeune.
Vous êtes devenus des figures incontournables du paysage musical français en très peu de temps. Comment expliquez-vous le fait que vos chansons sont devenues aussi cultes et résonnent encore aujourd’hui, auprès de cette nouvelle génération ?
J’ai beaucoup de mal à l’expliquer. Quand j’y réfléchis, je me dis que si on me demandait de partir sur une île déserte avec un seul album, j’en choisirais un que j’ai écouté à partir de mes 15 ans – parce qu’aujourd’hui encore, j’écoute ceux qui m’ont accompagné durant mon adolescence. On a marqué toute une génération, donc je pense qu’il y a un paquet de personnes qui prendraient Le Chemin avec eux s’ils étaient bloqués sur cette île. Quand on est ado, on est impacté par la musique de façon très forte parce que ça fait partie de notre identité, on se fait aussi des potes parce qu’on écoute les mêmes chansons… C’est quelque chose de très fort qui reste ancré en nous. Je pense qu’une partie de l’explication vient de là.
Cette fois, c’est vraiment la dernière danse, ou vous avez d’autres projets en tête ?
On travaille sur un nouvel album qui est déjà pas mal avancé. Je suis actuellement en vacances, mais ça ne m’empêche pas d’écrire des textes parce que je suis bien à la bourre. Dans 90% des cas, les paroles arrivent après la musique. Mes camarades m’ont envoyé beaucoup d’instrus, donc je suis très en retard sur les textes [rires]. Il faut que je bosse, mais on a déjà pas mal de chansons et on est hyper, hyper excités par ce nouveau projet. Après, tous les artistes sont les mêmes : on a toujours l’impression que notre nouvel album est le meilleur. Je suis évidemment dans cet état d’esprit et j’ai l’impression que les textes et les mélodies sont meilleurs que les précédents. Mais ce sera au public de juger.
Qu’est-ce qui vous inspire aujourd’hui ? Que souhaitez-vous raconter à travers vos nouvelles chansons ?
Pour l’instant, je n’ai pas le recul nécessaire pour répondre à votre question. J’ai l’impression que j’y mets tout ce qui me passe par la tête. Je pense qu’il y a quand même quelque chose de plus mature, car j’ai grandi et je m’intéresse au monde. On ne va pas devenir engagé politiquement, parce qu’on a toujours la sensation d’être un groupe d’entertainer avec cette volonté de donner du plaisir aux gens avant tout, mais il y a peut-être une prise de conscience dans ces nouvelles chansons. On dit des choses sur notre société, on aborde des sujets plus larges. Et puis… Je crois que j’ai déjà beaucoup parlé de la rupture amoureuse [rires]. On peut le faire indéfiniment, avec des angles différents, mais ce n’est pas ma priorité pour ce nouvel album – même si on l’abordera sûrement dans une ou deux chansons.