Chaque mois, L’Éclaireur met en avant les nouveaux talents du monde de la culture. Ce mois-ci, coup de projecteur sur Jenn Guerrieri, l’autrice de la dark romance L’Aube écarlate afin d’évoquer sa passion pour l’écriture, ses inspirations et ses futures envies.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours en tant qu’autrice ?
J’ai commencé à écrire sur la plateforme d’écriture en ligne Wattpad en septembre 2017. Je me suis lancée dedans sans ambition, car je stressais par rapport à une rentrée universitaire et je voulais trouver un passe-temps. J’ai commencé par une première dark romance intitulée Attirance criminelle alors que je n’avais même l’intention de la terminer. Petit à petit, ça a pris de l’ampleur sur Wattpad et de fil en aiguille je me suis créé une petite communauté avec un vrai sens du partage et des premiers retours positifs.
J’ai donc terminé l’histoire avant d’être contactée par la maison d‘édition Plumes du Web qui était intéressée par la publication de ce livre. Puis, j’ai enchaîné avec une deuxième histoire, une troisième et ainsi de suite. À la base, mon objectif était d’être journaliste et de travailler dans la presse écrite, mais j’ai préféré me lancer pleinement dans le métier d’autrice.
L’Aube écarlate est votre quatrième série publiée en librairie, comment pourriez-vous la présenter ?
Il s’agit de la quatrième en solo, puisque j’ai aussi écrit un livre à quatre mains avec Océane Ghanem, L’Art du trompe-l’œil (Plumes du Web). L’Aube écarlate (Harlequin) est une dark romance entre Armance, une voleuse frappée par la misère après la Première Guerre mondiale et Oswald, un chef de gang. C’est une dark romance avec une intrigue qui a pas mal d’action et de suspens, et surtout qui est inspirée de l’univers de Peaky Blinders. C’est vraiment en regardant cette série que j’ai eu l’idée de L’Aube écarlate.
Est-ce cette série qui vous a poussé à ancrer l’action dans les années 1920 ?
J’ai tellement aimé la vibe des bars clandestins, des bals musettes, des soirées mondaines, le charisme des personnages… Je voulais écrire une dark romance dans une autre époque, dans les années 1920, à Paris. C’était justement tout le défi, car je ne suis pas une grande consommatrice de romance historique. Je n’ai jamais vraiment lu d’histoires se passant à cette époque, que des romans contemporains. Finalement, j’ai adoré l’expérience.
Était-ce difficile de respecter les codes de l’époque ?
Oui et non. Avant d’écrire l’histoire, j’ai lu des livres traitant des années 1920, mais mon but dans L’Aube écarlate était de retranscrire une ambiance, de poser des décors, sans donner de cours d’histoire. Je n’aborde pas forcément le contexte politique ou les grands événements de la période.
Mon but est de plonger le lecteur dans les années 1920, donc je me suis renseignée sur les tenues, les lieux, l’architecture de la période, mais aussi sur le côté visuel et cinématographique, ou encore sur le langage. Des expressions modernes aujourd’hui ne pourraient pas passer à l’époque.
D’autres œuvres ont-elles pu venir vous inspirer au fur et à mesure de l’écriture ?
Je suis une grande fan de Six of Crows de Leigh Bardugo. C’était un peu ma première histoire fantastique et j’ai adoré l’univers. Il y a un criminel qui a pour emblème le corbeau et je trouve cet animal incroyable. J’avais déjà l’idée de L’Aube écarlate en tête, mais je cherchais un animal totem pouvant représenter un chef de gang et Six of Crows m’a vraiment donné l’idée du corbeau. C’est un animal à la réputation effrayante, qui a une aura assez sombre et lugubre, mais c’est aussi un oiseau très intelligent et cela correspondait bien au personnage que je voulais créer.
« La dark romance a tant de sous-genres que c’est difficile à définir. »
Jenn GuerrieriAutrice
Quel regard portez-vous aujourd’hui sur la dark romance ?
On voit que ça a totalement explosé, notamment avec le phénomène Captives (BMR) de Sarah Rivens. La dark romance s’est popularisée et a fait beaucoup parler, en bien ou en mal. C’est un genre qui me plaît dans le sens où on peut explorer des psychologies beaucoup plus sombres et des univers bourrés d’action ou d’interdits. Cependant, la dark romance reste difficile à définir, car chaque éditeur et chaque auteur à la sienne.
Cela peut concerner une relation interdite entre deux personnages avec un rapport de force et de domination, ou flirter avec la morale. Mais, d’un autre côté, la dark romance peut aussi être une histoire se passant dans un environnement violent. C’est pour ça, selon moi, que L’Aube écarlate est une dark romance. Entre les protagonistes, il y a toujours un consentement, malgré le rapport de force évident de leur histoire.
La dark romance a tant de sous-genres que c’est difficile à définir. On met d’ailleurs des trigger warnings, des avertissements au début du livre en fonction des thèmes. La dark romance doit être encadrée, car on se trouve dans des situations parfois compliquées. Des librairies voient des jeunes se mettre à la lecture et à la dark romance en particulier, mais sans que cela soit adapté à leur âge. Les maisons d‘édition font de plus en plus en sorte, désormais, d’indiquer ces avertissements et mises en garde.
Y a-t-il encore un travail à faire au niveau de l’accompagnement de la dark romance ?
Oui, même au sein des rayons. On voit parfois de la dark romance mélangée avec des romances plus jeunesse ou plus classiques. Je pense qu’on arrivera bientôt à l’indication d’un “-18ans” sur la couverture des livres de dark romance. Ça serait la suite logique des choses.
« Quand je me lance dans une histoire, je n’ai pas forcément de plan en tête et je ne connais pas forcément mes personnages. »
Jenn GuerrieriAutrice
Est-ce que cela va empêcher les adolescents d’en acheter ? Je ne sais pas, je suis perplexe. Le genre a tellement explosé en prenant de court tout le monde qu’il y a encore beaucoup de questions à se poser sur comment faire parvenir le genre dans les mains des bonnes personnes.
Concernant L’Aube écarlate, il y a un enjeu avec une double narration et différents points de vue. Quel travail de création d’univers et de personnages cela représente-t-il ?
Quand je me lance dans une histoire, je n’ai pas forcément de plan en tête et je ne connais pas tous mes personnages. Je me lance un peu à l’aveugle et je découvre les personnages au fur et à mesure. Dans les premiers chapitres je les mets en scène sans connaître totalement leur caractère et, petit à petit, je peaufine avec les répliques, le passé, les traumatismes.
Concernant Oswald et Armance, j’ai appris à les découvrir au fur et à mesure. Je marche beaucoup à l’improvisation, tout en ayant quelques idées de scènes en tête, comme celle d’Oswald et sa violence, mais sans connaître toute l’histoire au préalable. Par exemple, je ne savais pas forcément pourquoi Armance commence à voler ou enfile des costumes. Puis, je découvre !
Cela vous force-t-il parfois à changer totalement de direction en cours du récit ?
J’arrive à garder un fil rouge tout du long, mais concernant les événements, j’ai au départ des idées floues et, à mesure de l’écriture, tout se construit. Le risque, c’est de provoquer des incohérences. C’est pour ça que lorsque je termine le premier jet, j’aime bien me relire du début à la fin avec attention et peaufiner les derniers détails, car à ce moment-là, je connais les personnages et je modifie des petites choses concernant le comportement ou les répliques. J’arrive à les cerner, donc à mieux les mettre en scène sur les premiers chapitres.
Aviez-vous dès le départ l’envie d’écrire L’Aube écarlate en deux tomes ?
Mes premières histoires étaient des trilogies. J’ai adoré les écrire, mais on peut vite saturer à la fin. J’aime changer régulièrement. Écrire deux tomes me semblait être un bon compromis, car cela reste un univers que je voulais tout de même bien développer. Sur un seul tome, je n’aurais pas pu tout mettre. Le deuxième est parti en correction et il sortira le 2 mai.
« Je parle beaucoup du deuil et du harcèlement dans mes histoires. Du mal-être, du manque de confiance, de la solitude. »
Jenn GuerrieriAutrice
Avez-vous déjà d’autres projets ?
Je prévois un nouveau livre chez Plumes du Web, ma première maison d‘édition, pour 2025. Je travaille également sur une saga avec Océane Ghanem. L’expérience sur L’Art du trompe-l’œil a été tellement cool que l’on a voulu réitérer l’expérience. J’ai d’autres idées en tête, mais j’aime bien prendre mon temps pour écrire.
Y a-t-il des thèmes qui vous attirent en particulier ?
Je parle beaucoup du deuil et du harcèlement dans mes histoires. Du mal-être, du manque de confiance, de la solitude. Ce sont des thématiques qui m’ont touchée et j’ai envie d’en parler. J’adore également aborder les univers artistiques, que ce soit la danse, la musique, la peinture et l’art en général. Ce sont des thématiques qui me plaisent à chaque fois et j’adore quand mes personnages ont des passions.
J’ai déjà mis en scène une danseuse, un chanteur, une photographe, un peintre… C’est quelque chose que je vais refaire dans mes autres histoires. J’aimerais écrire sur le monde du cinéma, par exemple, ça me plairait beaucoup.
Quel est votre dernier coup de cœur culturel ?
Dune, deuxième partie, évidemment. Je ne suis pas trop science-fiction, pourtant, mais là, j’ai été totalement happée par l’univers. Gros coup de cœur pour les acteurs, pour l’univers, pour la photographie du film. J’ai tout aimé !